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La classe qui file en-dessous de la moyenne

Les études sociologiques devraient passionner les politiques. Ils préfèrent les sondages ce qui leur permet de surfer sur l’opinion dominante de manière éphémère et de ne pas bâtir des programmes adaptés aux évolutions de la société française. Depuis maintenant quelques semaines l’inspiration à ma mode consiste à larguer des certitudes qui plaisent aux électrices et aux électeurs qui votent encore.

La première a pris le vocable de « valeur travail ». il faut que celles et ceux qui ont selon un principe de plus en plus répandu, d’avoir du boulot soit justement récompensés. Une idée qui se résume à précariser davantage ceux qui n’en n’ont pas ou qui en trouvent dans des conditions médiocres (temps partiel, salaires très faibles, tricheries des employeurs avec des non-déclarations d’embauche…). On tape sur eux d’autant plus facilement qu’ils sont dans l’incapacité de se défendre car inorganisés et même souvent isolés ou marginalisés. Il est plus facile de diminuer les soutiens apportés aux plus faibles que d’augmenter les salaires de celles et ceux qui bossent.

Cette partie de la société représente (retraités compris) environ 30 % de la population. Elle ne cesse d’augmenter car malgré les approximations sur leur compte, la réalité les enfonce inexorablement dans les sables mouvants de la fragilité financière. En ce moment sous les double effet de l’inflation et de l’aggravation des coûts énergétiques cette France (une part du monde agricole en est) touche le fond de la piscine des illusions d’une vie meilleure. Malgré tous les bidouillages effectuées sur les conditions d’embauche ou les avantages fiscaux accordés aux entreprises le chômage continue à remonter.

Au troisième trimestre 2023, le nombre de chômeurs au sens du Bureau international du travail (BIT) augmente de 64 000 par rapport au trimestre précédent, à 2,3 millions de personnes. Le taux de chômage augmente ainsi de 0,2 point, à 7,4 % de la population active en France (hors Mayotte). Il augmente de 0,2 point sur un an et retrouve son niveau du deuxième trimestre 2022, mais reste nettement au-dessous de son pic de mi‑2015 (-3,1 points). Comme tout le système libéral repose sur la croissance par la consommation il est à craindre que dans le contexte actuel la courbe ascendante s’accentue en 2024. La « valeur travail » devient alors un concept qui tourne court.

L’autre volet de la dialectique du pourvoir qui tarde à s’installer réside dans la valorisation de la fameuse « classe moyenne ». Elle est coincée entre les deux extrêmes qui ne cessent de s’éloigner. Les 20 % des foyers dont les revenus progressent et les 20 % dont les revenus suffisent seulement à survivre. Un Français sur deux appartiendrait selon une étude de l’Institut Montaigne, organisme libéral, à cette catégorie sociale qui lorgne pour une partie vers le bas et une autre vers le haut. Le critère essentiel se situe au niveau des impôts (taxe sur les propriétés bâties et sur le revenu) puisque cette catégorie aux contours assez flous représente 40% des foyers fiscaux et paie 100 milliards d’euros d’impôts directs.

La lutte des classes ayant été bannie du vocabulaire politique, l’exutoire de la classe moyenne réside dans l’attaque agressive et constante de celle qui est en-dessous. Elle n’est même pas choquée par les profits considérables des plus nantis qu’on lui a appris à respecter puisque désormais le critère de réussite réside dans le fric gagné. Peu importe les moyens. Peu importe la manière. Il n’y a aucun hauts cris devant ces gains insolents, déconnectés de la réalité et surtout aucune large revendication vis à vis de leur juste participation à l’effort indispensable pour activer la solidarité.

La classe moyenne dépitée, désenchantée, perdue se tourne vers la facilité : accuser avec tous les arguments les plus populistes et les plus honteux les retraités pauvres, les travailleurs précarisés, les immigrés en situation régulière, les personnes ne pouvant pour diverses raisons accéder au travail de la spolier. Il suffit de tendre l’oreille dans un bar pour s’en persuader. Elle craint son déclassement. Elle a peur de tout. Elle cherche un exutoire qui est l’autre, celui que justement elle peut facilement identifier.

Cette classe moyenne à qui on promet monts et merveilles comme 2 milliards d’allégement d’impôts sans que l’on sache à partir de quels seuils et quels impôts reste encore attachée aux valeurs républicaines mais selon l’étude elle est habitée par un sentiment de vulnérabilité et d’inquiétude qui la fera basculer progressivement vers l’extrémisme. C’est une certitude. Et ce n’est pas quelques dizaines d’euros en plus ou en moins sur une feuille d’imposition qui les fera changer de direction.

Cet article a 6 commentaires

  1. J.J.

    Tout cela avec l’argument massue et habituel des classes dites « moyennes » : – Nous, on paye des impôts !
    Évidemment, avec l’augmentation inique des taxes sur l’électricité (ils n’ont pas osé toucher à la TVA) la situation des catégories des non imposables (directement) ne sera pas gravement « impactée », comme disent ces messieurs dame.
    Cala va simplement aggraver la situation des présumés non imposables, qui contrairement à ce que l’on voudrait en haut et florissant lieu nous faire croire, sont probablement, en fonction de leur revenus les plus ponctionnés.

  2. facon jf

    Bonjour,
    Les classes dites moyennes sont sous le laminoir depuis bien des années. Pour s’en convaincre il suffit de reprendre le montant de ses revenus il y a 10 ans de le convertir en montant du SMIC et de faire la même opération aujourd’hui. Force est de constater que la voiture balai des rémunérations, toutes professions confondues, a rattrapé le peloton. Les employeurs ayant fait le même constat sont désemparés car il ne peuvent maintenir une pyramide de rémunérations cohérente avec les responsabilités et savoir-faire indispensables à leur activité. La réponse à ce marasme consiste à changer d’emploi ou à lever le pied pour les salariés, s’en suit une volatilité des compétences et une perte sèche pour les entreprises qui de ce fait perdent des marchés locaux, régionaux, nationaux et internationaux. Pour résoudre l’équation et en définitive ralentir la hausse du smic, la solution est cette fois de mettre en concurrence les salariés Français avec les exclus du marché du travail. Je veux dire les « assistés » du RSA!! La pensée économique de l’extrême droite au service du patronat… Qui peut s’en étonner?
    Dans le cadre de mes activités bénévoles dans un atelier d’insertion, j’ai rencontré il y a peu la personne chargée de « mettre au boulot » les personnes « bénéficiaires » du RSA. Prendre la décision politique de remettre au travail les exclus a été facile car elle réconciliait patronat et opinion dite populaire sur le dos des prétendus « assistés ». Le mur de la réalité se dresse maintenant devant ceux qui doivent résoudre l’équation. Plusieurs questions bien réelles perturbent la pensée magique du yaka. La première étant comment motiver les 80% de bénéficiaires à accepter le deal de travailler gratos et devoir dépenser des sous pour se rendre au boulot ou faire garder les enfants? Fastoche yaka leur couper les vivres!
    Deuxième question qui va encadrer ces nouveaux travailleurs qui ne sont ni formés ni motivés ? Fastoche yaka solliciter les bénévoles des assoces qui prendrons en charge la sécurité et la professionnalisation des nouveaux venus.
    C’est peu de dire que j’en suis resté baba ! On a touché le fond et maintenant on creuse. Chacune et chacun doit prendre conscience que le navire France va s’échouer bientôt, nous fonçons à toute vapeur sur les récifs et nos « braves » dépités ( députés) n’ont d’autre préoccupation que de sauver leurs plantureuse rémunérations indirectes.
    Notre pays est secoué par de violentes convulsions et notre Méprisant est parti chez son homologue Indien pour lui vendre du matériel militaire.
    Comme il est plaisant de constater que nous vivons dans un pays bien gouverné.
    Reste que les gouvernements peuvent truander l’indice des prix et le chiffre du chômage mais pas les licenciements qui s’étalent dans tous les quotidiens régionaux.
    La presse nationale quant à elle continue de chanter à pleine voix « tout va très bien monsieur le beau et jeune Premier ministre ».
    Bonne journée

    1. François

      Bonjour @ facon jf !
      Toutes mes bien sincères félicitations pour votre engagement bénévole dans l’insertion ou réinsertion … que je connais bien !
      Sans mettre les warnings à votre égard, je vous souhaite de ne pas avoir la surprise que m’a retourné une « réussite » que je m’empresse de vous narrer !
      Il y a 25 ans, dans le cadre de mes activités au CCAS local et avec quelques contorsions réglementaires pour réparer la mobylette (campagne = locomotion primordiale) mais avec l’assentiment du candidat, j’avais remis au travail un chomeur (+ de 7 années !). Tout le monde était satisfait: CCAS, employeur, candidat et … bien sûr perso. Trois mois s »écoulèrent jusqu’au jour où, tout penaud, mon protégé vient m’expliquer: « François, ça ne va pas: je travaille et j’ai moins d’argent qu’au chomage: le loyer, l’électricité, le médecin, le transport, quelques paniers, tout cela était payé! Maintenant, si je mange, je ne peux pas tout payer! » Quand vous prenez cela en pleine face, la réussite initiale perd des paillettes ! L’épisode fut de courte durée car le retour vers l’alcool acheva l’histoire !
      Selon le proverbe « Un homme averti en vaut deux », méfiez-vous !
      Amicalement

      1. J.J.

        François @ un « scénario » que j’ai hélas vu se reproduire fréquemment !

      2. facon jf

        Pas de soucis j’ai passé de nombreuses années de bénévolat chez Emmaüs, il en faut beaucoup pour me démoraliser. Là où je suis on choisit qui on recrute ça fait une énorme différence.

  3. Alain.e

    Je ne parlerais pas de classe politique , mais de caste politique , la classe , ils ne l’ ont pas à mon humble avis .
    Du coup , hier soir , plutôt que regarder de la politique , j’ ai regardé l’ odyssée d’ Hubble ,émission de France 5 .
    je peux dire que ce télescope , malgré ses problèmes a une vision et qu’il voit loin , très loin et qu’ en regardant le passé , il nous en dit beaucoup sur l’ univers .
    Si les hommes politiques avaient une vision , ça aiderait aussi ….
    L’ industrie du jeu vidéo, malgré d’ énormes profits licencie en masse , faut gaver les actionnaires et puis ce milieu est faiblement syndicalisé pour l’ instant , pour plein d’ entreprises , c’ est comme ça , les ultras riches et les ultras pauvres , affligeant , en attendant , il est urgent d’ augmenter le prix des autoroutes évidemment .
    Cordialement.

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