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Il y a de plus en plus de casse dans les voeux

Les cérémonies des vœux à la population se succèdent dans bon nombre de communes de France. Elles offrent à l’observateur que je suis devenu l’opportunité de porter un regard sur l’évolution des collectivités territoriales. Le premier constat a trait à l’ambiance générale. Une certaine morosité règne sur le pays. Elle s’installe silencieusement même si les maires effectuent des efforts pour se montrer encore optimistes. Il énumèrent des projets qu’il leur reste à mener à bien avant la fin du mandat. Une preuve qu’ils ont la volonté de tenir des engagements pris mais qui souvent se sont heurtés à des difficultés croissantes. Ils font leur conférence de presse devant une assistance silencieuse. 

D’abord dans bon nombre de cas les conditions financières du lancement des opérations d’investissement ont considérablement évolué. La réforme de la fiscalité locale a limité leur autonomie de gestion et ils découvrent les effets de la réforme fiscale dont ils n’avaient pas mesuré l’impact réel. Les ambitions baissent face à la difficulté d’investir quand les frais de fonctionnement ne cessent d’augmenter. Le constat est partout le même (dépenses énergétiques, augmentation des salaires des personnels, besoins croissants dans l’aide sociale) : « on ne pourra plus tout réaliser. »

L’augmentation des matières premières a en effet considérablement augmenté le montant de tous les travaux en cours ou prévus. Mieux les entreprises se raréfient ou celles qui répondent ne se révèlent pas très fiables faute de personnel qualifié ou de solidité économique. Comme en plus les subventions diminuent ou disparaissent, les élus locaux annoncent des « décalages » dans les chantiers ou en réduisent la voilure. L’évolution des taux d’intérêt des emprunts complique également la situation. Mieux, pour certaines communes, les prêts avec des taux évolutifs annoncent des lendemains qui déchantent. Les frais financiers amputeront les marges de l’exercice 2023. L’endettement est souvent pas loin du maximum. 

Tout se dit à demi-mot. Il faut bien tendre l’oreille pour comprendre que les deux années qui viennent avant le renouvellement des conseils municipaux, ne seront pas très faciles. Entre la lassitude et la désillusion les assemblées se délitent et d’ailleurs il faut fouiller au fond des listes à la proportionnelle pour dénicher des remplaçant (e)s volontaires. Les démissions se succèdent. Les reproches fusent sur l’exercice jugé trop autoritaire du pouvoir par le premier magistrat. Ils sont perceptibles si l’on regarde les visages durant les discours.

Avec l’habitude il est aisé de détecter les différentes catégories d’élus locaux. L’observateur identifie celles et ceux qui tirent la gueule en entendant le Maire remercier ses collègues pour « leur soutien et leur dévouement à l’action publique ». Eux, ils ne disent rien mais n’en pensent pas moins : un zeste de mépris, un brin de critique larvée et surtout la sensation qu’ils sont là pour de la figuration obligée. Dans quelques autre regards l’ambition perle de manière visible. Les couteaux s’affûtent les trahisons se préparent. Bras croisés ou têtes baissées ils attendent des jours meilleurs. Les obstacles sur le chemin du Maire ne leur déplaisent pas. Loin de là. La majorité se désintéresse du discours ou se contente de le vivre paisiblement. 

Les vœux manquent nettement cette année de partage joyeux, deplaisir d’exercer une fonction élective. Les discours se succèdent. Sommaires, pédagogiques, contestataires, empathiques, convenus ou rarement improvisés leur contenu n’annonce que des difficultés à venir ou des problèmes qu’il faudra résoudre. Des promesses aussi, quelques promesses : » nous n’augmenterons pas les impôts »; « nous ferons des économies » ; « nous referons les routes et les trottoirs »…  et bien d’autres qui se retrouveront dans le bilan de l’année prochaine. Enfin pour celles et ceux qui s’en souviendront puisque chaque fois on retrouve la condition du « si nous avons l’argent pour le faire ». Ce qui n’est guère sûr.

La seule constante dans les cérémonies : les remerciements aux bénévoles qui animent encore les communes, avec une inquiétude, celle de les voir diminuer en nombre et en qualité. Le public en baisse dans quasiment toutes les cérémonies écoute poliment. La moyenne d’âge n’est pas liée aux horaires mais tout simplement à une vision sociale surannée et en perdition. Il est intéressant à cet égard de compter le nombre d’électrices et d’électeurs de la commune dans l’assistance et de le rapprocher de la population. Un constat édifiant qui permet de mieux comprendre les phénomènes en cours sur le délitement du lien social et donc les votes extrémistes.

Quand on est de l’autre coté derrière le micro, la perception de l’importance de ces moments de partage institutionnel n’est absolument pas la même. Il est plus confortable de se fondre dans la foule et de se régaler en constatant que la citoyenneté peut être « alimentaire », tant les galettes, le cidre, le crémant ou le buffet constituent les moments préférés. « Allons-y ! Viens ce sont nos impôts ! » proclament les plus affamés sans se rendre compte que désormais ils n’en payent plus directement au profit de la vie communale s’ils ne sont pas propriétaires… Un détail qui leur a échappé. N’empêche que c’est toujours une affaire de « galette » ! 

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Cet article a 4 commentaires

  1. J.J.

    Je fais peut être un procès d’intention aux pseudo princes qui croient nous gouverner, mais je pense que cette situation est voulue par un désir de ne plus confier à de simples citoyens, forcément incompétents le « gouvernement » des communes, sources de dépenses inconsidérées.
    À mon humble avis de complotiste invétéré, le but est de démontrer que les élus communaux étant incompétents, il serait préférable de laisser agir des spécialistes et technocrates sélectionnés et formés(?) par Bercy par exemple, éradiquant par la même occasion toute expression et représentation de démocratie locale. M’ enfin !

  2. christian grené

    Tout part à vau-l’eau
    Qu’est-ce que tu veux?
    C’est désormais le lot
    Et ce jusqu’aux voeux.

    Elu ne fut pas La Boëtie
    Mais l’ami Montaigne si.

  3. Alain.e

    La cérémonie des vœux , c’ est plutôt la cérémonie des vieux , ceux qui ont de la brioche …
    Est ce que la relève arrive c’ est pas sur , il va falloir mettre un peu plus de levure , de mesure aussi.
    il parait cependant que la meilleure galette des rois de gironde se vend à Créon ,j’ en déduis que Créon devient la première bastide monarchique de Gironde , alors bravo .
    https://www.francebleu.fr/vie-quotidienne/cuisine/la-meilleure-galette-briochee-de-gironde-est-a-creon-9980596
    Cordialement.

  4. François

    Bonjour J-M !
    Ton bandeau me met en appétit … de commentaires. Espérons que la fève ne va pas me casser les dents ! ! !
    Comme toi, mais plus incognito, j’ai répondu, comme tous les ans, à l’invitation colorée de nos élus locaux … avec, cette année, la complicité de notre tout jeune Conseil Municipal des Jeunes. Je profite de cet espace pour glorifier cette initiative qui, en premier lieu, va réparer les lacunes et absences de l’Instruction Civique scolaire.
    Effectivement, comme toi, j’ai constaté un manque d’enthousiasme général avec un discours crispé de notre représentante municipale entouré d’un mini-Conseil … peut-être atteint par la grippe ou la Covid ! ! ! ! Quand on évoque une entrée en politique personnelle dès l’age de quatorze ans, on doit avoir le ton et la vigueur nécessaires pour motiver les jeunes ambitions et non craindre le piétinement de ses plates-bandes ! ! Le (la) Maire n’est que le (la) représentant(e) d’un Conseil Municipal composé de X MEMBRES. Ce n’est pas une dictature, mais une micro-démocratie qui doit évoluer dans le respect et sous l’œil bienveillant de ses électeurs informés. Mais … c’est là un vœux pieux ! !
    Il est certain que le douloureux réveil imposé par le gel des subventions « divines » ( la T.H. a été intégralement reportée sur la T.F. ) va conduire à une révision drastique voire rigoriste de projets ambitieux et déconnectés. On a connu un foyer municipal par commune: doit-on avoir une piscine à chaque mairie …hors inondations ! ! !!!!
    « La seule constante dans les cérémonies : les remerciements aux bénévoles  ….. une inquiétude, celle de les voir diminuer en nombre et en qualité. »
    Excellente constatation ! Certes, ce n ‘est pas nouveau car, en retournant l’armoire aux souvenirs, je revois une vivante Maison des Jeunes installée dans le presbytère désaffecté (!) … qui a disparu quand le meneur et la génération se sont éparpillés : la relève voulait à peine consommer mais surtout pas assumer ! De même, plus récent, le Club du 3ème age (jusqu’à 150 adhérents!) : disparu ! La relève a traîné les pieds … face aux contraintes et Normes exigées tuant la Convivialité donc le Contact et bien sûr l’Amitié. Merci les Énarques aux cerveaux rétrécis … même si les têtes sont gonflées !
    Bon ! Voyons ce morceau de galette briochée ( oui @Alain.e [un connaisseur ! !] la seule vraie galette des Rois et non la frangipane … pour bobos parisiens ) qui musarde près de l’ordi : faisons-lui honneur … avec un bon Crémant de Bordeaux bien sûr ! !
    Amicalement

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