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Eté ou pas été : la rentrée à géométrie variable

Depuis le début des années 80 au siècle dernier je n’ai que très rarement quitté mes pénates pour participer aux grandes migrations se situant entre la semaine du 14 juillet et celle du 15 août. D’abord parce que cette période ne correspond vraiment plus à ma conception même de la notion de vacances. Ensuite en juillet et août je me consacrais à mon rêve secret, celui d’exercer à temps plein le métier de journaliste sportif.

Les débuts en 1982 avaient été tellement grisants (coupe du monde de football en Espagne) que je n’ai ensuite arrêté cette utilisation de la pause estivale pour mon plaisir en 2002. Enfin en devenant durant deux décennies président du comité des fêtes j’avais à préparer souvent avec des idées farfelues le programme du rendez-vous de la rosière. Bref que de bonnes excuses pour ne jamais partir et ne jamais avoir à prononcer le mot de « rentrée »

Il est certain qu’en clôturant l’épisode « été ou pas été » j’ai cette année un sentiment mitigé tant la période estivale n’a pas été des plus enchanteresses. Des millions de personnes retrouveront lundi matin leur rôle social pour celles qui en ont un ou commenceront à s’y préparer pour d’autres. Il n’y a pas pour la très grande majorité de « rentrée » au sens propre du terme mais plus certainement des retrouvailles.

Retrouvailles avec un rythme de vie codifié et avec des taches que l’on avait tout fait pour oublier. Tous les constats sont les mêmes : le travail dans sa forme actuelle est à repenser ! Et il y a fort à penser qu’il ne sera guère modifié puisque les objectifs ne sont pas infléchis : produire le moins cher possible et toujours plus !

Dans le fond le mot qualifiant le retour des enfants ou des ados vers leurs établissements scolaires a fini par s’imposer aux parents. Il fut un temps où le retour sur les bancs des écoles se situaient début octobre et même mi-octobre. Comme le veut une tradition bien établie chaque ministre va tripatouiller les dates des congés scolaires sous la III° et la IV° Républiques. Jusqu’à la Libération ce seront les préfets qui fixeront la date de départ en vacances qui varient en fonction des départements. Rien n’est décidé au niveau national.

Cette départementalisation était destinée à s’adapter à un fléau : le travail des enfants . l’absentéisme ne va pas disparaître comme ça. Dans les zones rurales ils sont surtout utilisés pour les récoltes diverses. L’absentéisme que l’on qualifie de « saisonnier » qui était de 15 % en 1890 tombe à 10 % en 1929 alors que la notion de « congés payés » pour les familles n’existe pas encore. Ainsi le Manuel général de l’instruction primaire signale que souvent des premiers jours d’avril ou de mai jusqu’à la fin d’octobre ou quelquefois de novembre, « le retour régulier des travaux agricoles enlève à nos écoles toute leur population ».

Le premier à effectuer le lien entre les vacances des parents et celles de leur progéniture sera Jean Zay. En 1938 il considère, dans une note officielle au Conseil supérieur de l’éducation nationale, que « les vacances des enfants doivent être mises en harmonie avec les congés payés des parents » . L’arrêté ministériel du 11 juillet 1938 fixe donc les dates et durées des congés comme suit : deux jours pour la Toussaint, dix jours pour Noël et le jour de l’an, un jour pour mardi-gras, quinze jours pour Pâques, le lundi de Pentecôte et des vacances d’été du… 15 juillet au 30 septembre. Avec quelques variantes ce calendrier se poursuivra jusqu’en 1959 ! J’ai donc personnellement vu mon été durer jusqu’au 1° octobre avec les quinze premiers jours de juillet une sorte de centre aéré géré par nos instituteurs.

Lentement l’étau va se resserrer afin de répondre aux exigences économiques et notamment à celle du monde du tourisme. En 1960, les vacances d’été débutent le 28 juin et se terminent le 16 septembre. Mais la France est encore majoritairement paysanne et la circulaire fixant le calendrier scolaire de l’année 1960/1961 précise qu’il est prévu « des autorisations d’absences entre les 15 et 30 septembre accordées par l’Inspecteur d’académie, sur demande des personnes responsables, aux enfants ayant au moins douze ans qui sont occupés aux travaux agricoles » et « dans les départements viticoles compte tenu des travaux de vendanges » (Circulaire du 19 septembre 1960).La Gironde est touchée. Je m’en souviens bien.

Au début des années 80 on change les noms et « les grandes vacances » devenues « les vacances d’été ». Elles ont être amputées de 2 semaines au profit des vacances de la Toussaint avec 10 jours accordés de la fin octobre au 2 novembre, et d’hiver : 2 semaines reparties entre février et mars suivant les académies. Les deux semaines de vacances de septembre disparaissent définitivement avec l’extinction de ce que l’on a appelé la petite paysannerie française : nous sommes définitivement rentrés dans l’ère de la société de loisirs et la rentrée des enfants s’adapte à celle des parents !

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Cet article a 8 commentaires

  1. J.J.

    « Avec quelques variantes ce calendrier se poursuivra jusqu’en 1959 !  »

    C’est l’année où instit remplaçant, j’ai passé le concours d’entrée en quatrième année(sur les conseils de « qui tu sais »). Du 15 septembre au premier octobre, nous étions (avec mon futur binôme) dans la même situation : plus instits remplaçants, pas encore normaliens; personne n’a voulu nous payer.

    On a aussi à ce moment commencer à perdre dans un pays encore très rural, tout le « folklore » de la rentrée : les « écharpes de brouillard », les hirondelle sur les fils électriques (ya plus d’hirondelles non plus ), les enfants qui cheminent sur le chemin de l’école, le premier jour de classe, l’odeur des livres et des cahiers neufs, les pommes et les premières châtaignes etc.

  2. J.J.

    Une faute : on a commencé et non commencer !
    C’est étonnant comme on voit mieux les fautes quand le texte est publié.

  3. christian grené

    Un instit’ qui donne la confirmation à un autres instit’, ça j’l’avais jamais vu. A quoi sert le curé alors

    1. J.J.

      Cette réflexion est bien contestataire mon fils, vous direz deux avers et deux pâtés.

      1. christian grené

        Bonjour J.J.
        Pâté de foi, ça va sans dire!

  4. facon jf

    Bonjour,
    une vision terrifiante de comment les « technorassuristes » voient notre futur …
    c’est ici https://onion.tube/watch?v=isKHB2FWK3s
    Perso, je suis bien content d’être vieux et bientôt à mettre dans la case déchets.
    Le futurible des technocrates qui prévoient de remplacer le lait des vaches ou des chèvres par la fermentation des protéines ça me fait froid dans le dos. Remplacer la viande par du végétal en bidouillant la protéine Heme bonjour les apprentis sorciers. Supprimer 99% des animaux de ferme sous couvert d’éradication de la souffrance animale fallait oser! et ils osent.
    Heureusement ce ne sont que des élucubrations de prophètes de laboratoires qui se heurteront au mur des réalités. La principale étant où trouver les matières premières , dont certaines sont très rares, pour les machines solaires et éoliennes ainsi que les monstrueuses batteries nécessaires au système.
    On peut aussi s’interroger en se demandant mais avec quels produits vont-ils amender les sols si les déjections animales disparaissent ?
    De quoi vont vivre les gens lorsque leur travail aura disparu ?
    Un nouveau mot emprunté à la technique pour habiller tout ça  » Disruption ».

    Un beau hors sujet pour occuper votre réflexion dominicale de cette chaude journée

    Bon dimanche de fin de vacances pour les  » actifs ». Pour les « inactifs  » retraité(e)s » le mot vacances est vidé de sa substance et il faut le remplacer par estivant. Pour moi, je préfère la belle définition d’un verbicruciste: «Vacances: La fuite enchantée». Bonne fuite à ceux qui attendent la rentrée pour partir !

  5. Laure Garralaga Lataste

    Hier, happée par une autre lecture… j’ai raté cette cascade de commentaires… ! Merci les amis…! Mais aujourd’hui… ¡ silencio… ! Que c’est triste… Non, pas Venise, mais la page blanche !

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