Dans l’émission que j’aime bien, « »Un train pas comme les autres », l’animateur traversant l’Équateur, s’accordait une halte dans un village isolé de la jungle. En quête d’un mets de choix pour leur hôte venu d’un autre continent, les habitants le convièrent à une quête de larves d’un coléoptère déposant ses œufs dans des troncs d’arbres morts abandonnés volontairement dans la jungle. De petits boudins blancs gonflés de protéines se tortillant dans tous les sens, furent dégustés par la petite troupe des chercheurs de ce trésor gustatif. Philippe Gougler n’est pas parvenu à avaler cette nourriture jugée « caoutchouteuse » et « laiteuse ». Il a seulement accepté de la croquer grillée au feu de bois, avouant que ce n’était pas si rebutant que ça.
Je ne sais pourquoi j’ai pensé à ces gastronomes équatoriens quand hier, est arrivée sur ma table une assiette garnie d’escargots à la bordelaise. Qu’auraient-il pensé en me voyant retirer des cagouilles avec un cure-dents pour les avaler ? Auraient-ils accepté après avoir vu le gastéropode vivant, de goûter à ce mets cuisiné ? D’ailleurs bien des Européens refusent l’idée même de manger un « petit-gris » quel que soit son accompagnement. Il est à peu près certain que dans quelques décennies, un tel plat appartiendra à l’histoire. D’abord parce que les escargots auront disparu de nos campagnes et ensuite parce que il n’y aura plus grand monde sachant les accommoder.
La préparation dite à la bordelaise nécessite en effet un travail considérable pour être à la hauteur des espoirs des convives. Les nouvelles générations, c’est à dire ceux de moins d’une cinquantaine d’années, ne sauront plus planifier une recette qui n’est pas des plus aisées à réaliser. Tout dépend en effet de la manière dont se déroulent les préparatifs.
Lors du siècle dernier une platée de gastéropodes se décidait très longtemps à l’avance et constituait une opportunité de partage d’un moment exceptionnel aussi précieux que la dégustation du jimboura. Sauf si l’on achète des escargots d’élevage, la durée de la phase antérieure à la cuisson s’étale sur plusieurs mois. C’est du sérieux.
La première étape, comme pour les « restaurateurs » équatoriens, consiste dans la recherche de la « matière première ». Dès la fin d’une bonne pluie d’orage estival , quelle que soit l’heure, avec une lampe électrique, dans un ciré ou un poncho contraignant, nous partions récupérer les « cornus » imprudents sortis de leur cachette pour prendre un bain rafraîchissant. Comme pour les cèpes il y avait des secteurs plus favorables les uns que les autres que les « anciens » connaissaient. Tout à coup dans le village des lucioles se promenaient dans le sielnce.
Des massifs touffus de plantes à grandes feuilles préservatrices au pic de la chaleur, des sorties de tuyaux humides, le long des murs ou les haies non exposés au soleil, des maçonneries creuses ou des cavités naturelless sortaient bravement ces aventuriers naïfs de la pluie. Si leur taille était jugée suffisante ils finissaient leur périple, comme de vulgaires délinquants qu’ils n’étaient pas, dans le panier à salade.
Le lieu le plus fréquenté du village était souvent le cimetière où ils se reproduisaient en paix car les « collecteurs » acharnés osant s’y aventurer étaient peu nombreux. Les bords de la voie ferrée à Sadirac ou Créon constituaient également des gisements généreux. Bref la chasse aux « cornus » battait son plein.
Lorsque la prison de fil de fer était suffisamment garnie de plusieurs dizaines de « petits-gris » tentant de s’en évader dans une mêlée loin d’être furieuse, elle était transféré au dépôt. Sous cloche, dans une caisse en bois, dans une cage grillagée spécifique les escargots ne se sachant pas condamnés à mort, se retrouvaient bavant de rage d’avoir été retirés du milieu.
Durant leur captivité ils bénéficiaient d’un régime végétarien de faveur avant leur dernier repas de condamnés à la casserole : des poignées de farine. Cette astuce de mon grand-père pour les blanchir et pour vider leur système digestif préludait à une période de jeûne intégral calculée en fonction de la date annoncée du gueuleton. Une période essentielle pour éviter l’amertume initial de leur corps gorgé d’herbes een tous genres. On pouvait convoquer la famille et les amis pour le festin.
Quarante-huit heures avant le grand jour, les cagouilles avaient droit à plusieurs grands bains dans l’eau vinaigrée. Une tâche ingrate mais essentielle puisqu’elle consistait à les débarrasser du mucus qu’elles généraient. Toute la qualité de l’opération escargot reposait sur le nombre des lavages et l’application mise aux rinçages effectués loin de la vue des convives. Il se murmure que souvent cette préparation est « oubliée » ou « bâclée » ou basée sur une toilette aux produits chimiques. Bien évidemment ça se ressent au goût dans le plat.
Durant une vingtaine de minutes, les cagouilles termineront leur triste sort dans un court bouillon goûteux, fortement aromatisé et salé car la bestiole est fade. Elles sont alors prêtes pour achever leur parcours dans une sauce essentielle dont chaque famille conservait le secret de la composition… et que j’ai appris de Jeanine Ovéjéro et de l’exceptionnelle Madame Camus qui a cuisiné des milliers d’escargots pour sa famille, le voisinage et les amis avec le plaisir des artisans fiers de constater que leur savoir-faire était reconnu.
La commune libre du quartier de la Gare à Créon avait choisi dans les années cinquante la cagouille comme emblème et proposait un grand repas coopératif le dimanche matin de sa fête avec la « récolte » de toute une année. On y faisait la queue devant le restaurant une assiette ou un bol à la main. Pas certain que maintenant la proposition suscite le même engouement. Pas nécessaire aussi d’aller en Équateur pour comprendre que l’aseptisation des goûts guette notre monde. Les cagouilles se raréfient et le talent de saucier s’estompe. Et pourtant… Que c’est chouette à partager !
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Moi je me souviens d’un repas mémorable de cafouilles … où un petit malin avait glisser des escargots vivants dans la fabuleuse marmite préparée par la maman de Regine
Un souvenir de môme mémorable où les adultes pour savoir si l’escargot était vivant ou saucé les avaient installer en ligne « si il bouge pas je le mange ! »
Les escargots pour moi c’est des jours de fêtes … celle de creon avec ceux préparés par Jeanine, mais aussi des promenades avec Nonna pour aller en chercher et ramener aussi des demoiselles ces escargots jaune poussin, c’est mon bonheur de gamine de découvrir dans la boîte à trou que m’avait fabriqué Nonno de constater que les chers escargots avaient fait des œufs … c’est les courses de cagouilles de la foire au vins de creon et juju mon neveu qui entraîne son escargot pour gagner .
Moi j’adore les escargots j’adore ça car ils vont lentement, voyage avec leur « Tiny House » … avant-gardiste la cagouille … et je les aimes bien de Bourgogne aussi à l’ail et au persil
En fait, l’escargot, est une madeleine de Proust pour beaucoup…. <3
@ à mon amie Marie-Christine…
Ce petit malin glissant ces « cafouilles » vivants dans la marmite ne s’appelait-il pas… J-M ?
Bonjour J-M !
Après la Cabane, nous voilà partis à la cueillette des escargots !
Mais voyons, Monsieur l’ex-maire de Créon aurait-il oublié la réglementation ? À moins que, sur le site du culte de la Cagouille, tu es donné des consignes de grande tolérance à ton garde-champêtre, il est interdit de ramasser les Hugos (Nooon ! Pas Victor mais les copains du dessin animé ! !) avant le 1er ( ou le 14 ?) juillet sous peine de P-V … et confiscation du précieux butin ! ! !
Bien sûr, si quelques affamés s’attaquent à la planche de laitues, ils sont condamnés en comparution immédiate à la geôle de sevrage ! !
D’autre part, si tu ne veux pas t’attirer les réprimandes de la cuisine et des gourmets, ces randonneurs doivent être ramassés …bordés ( bourrelets sur le bord de la coquille !): les coquilles brisées dégradent le plaisir du goût !
Enfin, même si « à la bordelaise » reste la recette traditionnelle, mon épouse me signale les escargots cuits en brochette et accommodés de vinaigrette. Pour les cagouillots, leurs parcours se terminent sur une grille fine posée sur la braise puis à la vinaigrette.
Si, un jour, la cuisine n’est pas ton dada, retiens ce N°: 0556235036 . Cet artisan se fera un plaisir de sortir de sa retraite pour te régaler ! ! (Je ne suis pas au pourcentage ! !).
Régalons-nous ! !
Amicalement
@ à mon ami François…
« C’est pas gentil ! »… comme aurait dit « ptit Gibus… » de dénoncer les copains… ! L’artisan en cuisine n’aura pas le temps de préparer de bons petits plats pour nos papilles tant il va être appelé toute la matinée… !
…. »ces randonneurs doivent être ramassés …bordés ( bourrelets sur le bord de la coquille !): »
Ce bord est important, à l’origine d’une figure de style dans les langage imagé qui avait cours (encore un peu avec les « vieux ») dans un pays de cagouillards : « avoir le bord « signifie être une personne sinon expérimentée, du moins qui a acquis l’âge d’une prétendue sagesse.
Que la sauce soit bordelaise, de la Rochelle ou la « sauce aux lumas » (la cagouille hermaphrodite change de sexe quand elle franchit le Seuil du Poitou et devient un luma), comme le prétendait Goulebenèze, le barde saintongeais : « La
cagouille, o l’est reun ! Mais l’habiajhe ! l’habiajhe ! l’habiajhe ! »
(le J ajouté est propre à la prononciation en vigueur dans les secteurs pratiquant encore le patois d’Oïl : la Charente(sauf partie limousine), la Charente Maritime, le Poitou et le pays Gabaye, c’est un son aspiré un peu comparable à la jota espagnole en moins guttural).
, Habillement Assaisonnement (terme de cuisine). On dit aussi « habiajhe » :
(Goulebenéze, la recette des cagouilles à la Rochelloise)
Je me souviens d’une caisse de bourgognes ramenée de l’Ain par mon père. Son trésor de vacances. Les gastéropodes commençaient leur jeûne dans la cour de la maison. Mon père allait surveiller sa cassette plusieurs fois par jour.
Mon fils de huit ans, grand coquin, sortit 3 ou 4 bestioles et les installa qui sur un mur, qui dans le massif.
Et prévint son grand-père que les escargot s’étaient échappés.
Celui-ci passa un grand moment à ausculter tous les recoins de la cour pour trouver les évadés avant de se rendre compte de la blague.
Plus que les manger…..j’adorais aller « A la chasse aux escargots » en botte et en ciré jaune, avec mon grand-père, mon « Pépère » tout les deux équipés d’un bâton, pour écarter fougères et orties, des moments privilégiés, car mes sœurs n’aimaient pas « se mouiller » et donc Pépère et moi étions seuls, et c’était bien…. des moments de pause ou la vie était douce et belle….. les mois de juillet et d’août, nous les passions avec nos grands parents, à Saint Brévin les Pins…. Les escargots sont le symbole de moment heureux.