Eté ou pas été : le temps de la réserve

Selon un constat que j’ai souvent effectué, le plus beau jour des vacances demeure celui où on quitte son occupation pour entamer une période promise à l’inactivité supposé reposante. Dès que l’on entre dans les congés, il y a la crainte de la reprise qui va peser. On décompte les jours et un compte à rebours débute. Le temps n’a plus du tout la même durée. Autant il lambine avant le départ autant il file très vite quand ce moment réjouissant est passé. La vanité consiste à croire que l’on peut tout oublier et que durant une durée variable les soucis s’évanouissent. 

Cet été l’ambiance générale ne permet pas l’insouciance totale. De partout pleuvent les inquiétudes lointaines ou proches. Il faut avoir l’habitude de vivre vraiment les oreilles et les yeux fermés, pour ne pas percevoir les craquements d’un monde incontrôlable dans absolument tous les domaines. Et même si on ne le souhaite pas, les conflits en cours ou naissants, les humiliations répétées effectuées à l’égard de ce que certains appellent encore « la grandeur » de la France, la confirmation de la dégradation climatique inexorable, entrent dans le quotidien des vacanciers. On sent donc que la joie de vivre et de partager a nettement baissé d’un cran malgré ce que prétendent les analystes du comportement social estival sur les plateaux nourriciers des télés qui mettent toujours la barre à tribord.

La pesanteur de la crainte de l’avenir étouffe la tentation de la libération intégrale souhaitée. Contrairement aux affirmations officielles, l’inflation ne baisse pas sur tout ce qui constitue habituellement le plaisir des congés. Quand une famille qu’elle soit loin de chez elle ou restée à son domicile, a rempli le caddie au supermarché elle est bien obligée de constater que ses marges financières ne sont plus ce qu’elles étaient. Sur les lieux de séjour les prix ont suivi la même courbe que celle des températures. Une exagération suicidaire ! Tout le monde le constate aisément au gré des constats effectués dans son quotidien.

Cet été sera celui de la désillusion sauf bien entendu pour les catégories sociales qui ont largement profité des largesses du libéralisme. Pour les autres il faudra effectuer des choix plus ou moins draconiens. C’est perceptible au restaurant. C’est indiscutable pour les activités de loisirs. La multiplication de l’offre en matière de sorties, de distractions, de soirées condamne nombre d’entre elles, a produit des affluences en deçà des espoirs de leurs organisateurs. Les chiffres d’affaires stagnent. La consommation n’atteindra pas ses niveaux d’avant les crises sanitaires. Les touristes deviennent regardant sur tout ! Ils recherchent la gratuité et la bonne affaire et se restreignent !

Seule l’envie de ne pas gâcher le temps des vacances sauve les apparences. Sans illusions sur la rentrée qui sera placée sous le signe du début d’une cure d’austérité qui se poursuivra sur 2024, certains succomberont à la tentation de « cramer » quelques économies ou de vivre à crédit dans les prochaines semaines. L’été qui « même s’il pleut (devait) être chaud, dans les t-shirts dans les maillots, d‘la Côte d’Azur à Saint-Malo » selon l’éminent sociologue que fut Charden, augure de lendemains qui déchantent. Tout le monde le pressent.

Un bon demi pression à une terrasse de café de village, des moules frites, une platée de pâtes aux tomates fraîches et au basilic, des fruits cueillis sur l’arbre, un verre de rosé : le tout partagé en famille ou entre copains permettent de donner toute sa vraie valeur au temps des vacances. L’essentiel reste la manière dont on conçoit ce temps  et surtout la manière dont on l’utilise. La tendance n’est plus il faut bien en convenir, à la simplicité et à l’échange ! La jeunesse elle-même se tourne vers les ‘grands » rendez-vous (Mont de Marsan, Bayonne, Dax et les grands festivals…) et boude la proximité jugée comme médiocre. Dans le fond ce sont encore une fois les « jeunes » retraités qui maintiennent l’été à flot. 

L’ambiance change partout. Elle est plombée par la résignation et la retenue. Tout devient dangereux, interdit, problématique ou hors d’atteinte. La « peur de tout » a remplacé l’envie de changer de rythme et d’approche de la vie. Cet été manque parait-il de chaleur en certains endroits. Pas celle que dispense le soleil mais celle de ce que Mitterrand appelait la « convivialité ». Quel mot bizarre dont plus personne ne connaît le sens. Il est donc retombé dans l’oubli. 

Cet article a 4 commentaires

  1. christian grené

    « Avec le temps…
    Avec le temps, va, tout s’en va
    On oublie le visage et l’on oublie la voix
    Le coeur, quand ça bat plus, c’est pas la peine d’aller
    Chercher plus loin, faut laisser faire et c’est très bien… »
    Vous l’avez reconnu, c’était mon dieu et maître. J’étais sa graine d’ananar. Je l’ai conduit dans ma 2 CV de la gare St Jean jusqu’à l’Alhambra, suivi dans sa loge et le spectacle aux côtés de Marie derrière le rideau. Un autre jour, je l’ai invité entre ami(e)s – dont le regretté Michel Pourteyron – à diner à St Emilion après un concert à Castillon. Il m’a invité plus tard en Toscane, mais il est parti un… 14 juillet 1993.
    N’avait-il pas annoncé sur le même disque auquel je faisais référence « Les temps difficiles »?

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon cher ami christian…
      Mon retour sur ce beau lieu où se partagent nos sentiments… Et me voilà, face à ma jeunesse et à mes souvenirs… avec Léo… l’ami de ma famille espagnole !  » Il n’y en a pas un sur cent… et pourtant ils existent… La plupart Espagnols, allez savoir pourquoi ! Faut croire qu’en Espagne… on ne les comprends pas… les Anarchistes… ! Pas de confusion : les Nanards n’étaient pas mes copains…

  2. Alain.e

    Il faut savoir que Charden était souvent Stone, et que ce garçon avait anticipé le réchauffement climatique avec sa chanson  » il y a du soleil sur la France  » , mais n’ avait pas pris conscience du danger en rajoutant  » et le reste n’ a pas d’ importance « .
    Alors , » été ou pas été » , ou bien » hêtre ou pas hêtre »comme on dit à l’ ONF ….
    Ma grand mère disait aussi  » lavoir ou pas lavoir  » quand elle hésitait à laver du linge sale en famille …
    Plus sérieusement le concept de staycation est à la mode , partir , oui , mais pas loin
    https://www.sudouest.fr/tourisme/microaventures-vacances-pres-de-chez-soi-qu-est-ce-que-le-staycation-16129593.php
    Et finalement c’ est ce que je fais très souvent , je suis un précurseur sans le savoir..
    Cordialement.

  3. Pierre LASCOURREGES

    Stone remonte sur scène avec son fils, mais sans Charden décédé. Pour cela, il faudra aller la voir et l’entendre dimanche soir 6 août à Cars près de Blaye ou bien le 8 octobre à Captieux. A bon entendeur, salut!

Laisser un commentaire