Existe-t-il un été insouciant dans la période actuelle ? Il est au moins possible d’en douter sauf à vivre sur une île déserte en occultant tous les moyens de contact avec le monde dont on sait qu’il est agité en permanence de soubresauts. Je n’arrive pas personnellement à trouver depuis quelques temps une seule lueur d’espoir dans cette mélasse épouvantable qui englue tous les bons cotés de la vie. Est-ce une question d’âge ? Je l’espère ! Est-ce un excès de pessimisme ? Probablement ! Est-ce une perception sélective de l’actualité ? Certainement ! En tous cas depuis quelques temps il n’y a plus aucune trace d’humour, aucune belle histoire à se mettre sous les yeux dans ce flot rouge sang, délétère ou angoissant déferlant chaque soir à l’heure de la marée télévisuelle.
Au risque de choquer les bien-pensants j’avoue avoir eu des soirées merveilleuses dans ma jeunesse devant un écran noir et blanc avec « Intervilles ». Léon Zitrone pontifiant, Guy Lux cabot, Simone Garnier nunuche, Roger Couderc bon enfant, le « grandguignolesque » Robert Wurtz as du sifflet, occupaient l’été chaque semaine. Les jeux d’un cirque simplifié, les contestations véhémentes, les publics chauvins : il me semble que l’été avait des rendez-vous d’une bien piètre mais tellement agréable dimension. On se laissait aller à la facilité sans aucune retenue et surtout sans se préoccuper des critiques de pisse-froid quand la chaleur laissait sortir les flonflons du générique par les fenêtres grandes ouvertes. On tournait la télé pour manger sous les étoiles en suivant les péripéties de jeux dans lesquels le ridicule ne tuait pas.
Entre amis ou en famille on se laissait aller sans trop de complexes à un affrontement entre Saint-Amand les Eaux et Dax qui dès 1962, entra dans l’histoire de la télé ! La première finale disputée qui restera unique. Guy Lux est à Dax, Léon Zitrone à Saint-Amand. La confrontation devait avoir une durée d’une heure ou une heure et demie. Elle durera près de deux heures et demie à cause de nombreuses discussions et réclamations. Interminable. Un scénario improvisé aux improbables rebondissements propulsa la soirée dans la légende de la télévision.
Les deux dernières questions n’ayant même pas été posées car, en ayant échoué sur la première question, l’équipe de Saint-Amand était irrémédiablement menée 11 à 3 . La pagaille devint générale et l’échec total de la maîtrise de l’émission généra sa célébrité. La France ne parla donc durant des jours et des jours que de cet affrontement de « clochers » destiné à distraire le peuple après l’annulation de la retransmission du Tour de France ! On s’en est éloigné !
Il me semble que ce sont probablement les cabossages du quotidien qui rendaient tout plus léger, plus inutile, plus éphémère.C’était il y a plus soixante et un ans. L’esbroufe, le snobisme, les fatwas ou les ukases intellos, le crime, la violence sous toutes ses formes n’avaient pas encore conquis les cœurs et les esprits. Les seules agressions furent celles des vachettes landaises devant noyer cette fichue guerre d’Algérie qui tournait à l’exode et au massacres . Dès qu’elles firent leur apparition dans un espace clos avec leurs fantaisies, leurs improvisations, leurs improvisations, leurs obsessions, leurs cruautés envers les coureurs les moins agiles, leurs caprices, leurs humeurs ombrageuses, elles transformèrent la France gaulliste en une cour d’école pour gamins ébahis par des clowns totalement inconnus.
Politiquement le but était atteint. Elles ne débutèrent pourtant que dans l’émission de la finale 1962, dans les arènes de Dax. Au cours d’une première épreuve, elle devait renverser des concurrents juchés sur les barriques. Des animaux martyrisées. des tonneaux symboles de l’alcool et des couillons perchés en équilibre instable : inimaginable dans le contexte actuel et d’ailleurs ce fut interdit lors des tentatives de relance de l’émission.
Dans une deuxième épreuve, les concurrents s’évertuaient à placer des anneaux sur leurs cornes élimées : un cruauté sans nom. Les bovins avaient déjà préalablement pointé le bout de son museau pour une course à la cocarde, dans les arènes le 26 juillet (pour le Dax-Bayonne), mais sans participer aux jeux. Grace à Intervilles, la vachette « made in Landes » fut élevée au rang de star comme leur mentor le brave clown « Riri ». Il incarna la France d’en-bas et s’installa dans un vedettariat accentué par sa présence à toutes les émissions suivantes.
Il effectua un remake du film « la vache et le prisonnier » en traversant la France dans tous les sens avec la célèbre Rosa et les protégés de chez Labat ! « Ririrait-on » autant maintenant. J’en doute. Riri serait cloué au pilori de l’opinion dominante et dénoncé comme un simplet martyrisant des bêtes innocentes. Un bon meurtre sordide par soirée avec des flics toujours parfaits qui cravatent des coupables tourmentés occupe désormais les écrans. Et selon l’audimat, c’est mieux pour la vie collective et la cohésion sociale.
Les étés des années « soixante » ne seront jamais rattrapés par ceux de notre époque. Musique débridée, bonheurs faciles, soirées vraiment libres : la société ne connaissait pas encore le « toujours plus » et surtout la concurrence par l’excès. On le sait la nostalgie n’est plus possible dans ces temps du réalisme absolu ou de la « ringardisation » des suspects répétant « à mon époque… » perçu comme une critique du présent. J’avoue avoir bien besoin en cette période estivale de la facilité pour se refaire un moral. Autrement il faudra avaler des anxiolytiques pour affronter la rentrée ! Moi je préférais Riri et ses vachettes !i
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La question de la Vache qui Rit: « Rire? Ah! bien! Mais, qui rira le dernier? ». Je pourrais vous en faire des tartines comme ça.
@ à mon ami christian…
Oui cher Christian , continue à alimenter notre optimisme ! Nous avons si peu d’occasions !
« On le sait la nostalgie n’est plus possible dans ces temps du réalisme absolu ou de la « ringardisation » des suspects répétant « à mon époque… » perçu comme une critique du présent. »
« À mon époque », c’était loin d’être toujours « génial » , par exemple l’hiver surtout ; la toilette de chat au coin de l’évier, les chambres pas chauffées (il y en a encore qui connaissent ça, malheureusement) la cabane au fond du jardin et l’eau à trimballer depuis la pompe au bout de la rue, etc. Et le « politiquement correct social », qui pour certains était difficile à supporter quand on était « en dehors des clous ».
Était-ce mieux ? Pire ? Difficile à dire. je suis plus l’aise maintenant à tous points de vue, que je le fus dans mon « jeune temps ». Mais globalement je ne saurais le dire.
Au fait, le genre humain est il adapté et adaptable à la vie sociale ?
Époque bénie où les voisins venaient à la maison voir, sur l’unique télévision du village, Interville ou « Au théâtre ce soir » et où l’instit amenait les « grands » voir les alors rares matchs du tournoi des 5 nations le samedi après midi.
Au théâtre ce soir….. et les costumes sont de Donald Cardwell…
Nostalgie… ! Nostalgie… ! Je te garde dans mon cœur… Savez-vous qu’autrefois on l’appelait : « le mal du pays ! » ?
« le mal du pays ! » Mal fréquent chez les « suisses « mercenaires (comme ceux du Vatican), il parait même que certains se suicidaient de désespoir d’avoir quitté leur pays quand ils entendaient le « Ranz des Vaches », un chant traditionnel des berges suisses.
Pourtant il paraît que, d’après Simone Signoret, la nostalgie n’est plus ce qu’elle était.
Ben oui, forcément Jean-Marie, puisqu’il n’y a plus que nous, vieux de la vieille, qui regardons la télé…
La preuve, l’autre soir je regardais 40 ans de chansons sur la 3 et j’ai découvert qu’il n’y avait plus de hit-parade depuis un bon bout de temps (je ne sais plus l’année exacte car j’ai la mémoire qui flanche comme disait une vieille chanson…)
Donc, plus de tube de l’été puisque tout passe par les réseaux sociaux (soi-disant) et leurs foutues applications de ce sacré téléphone portable (je ne dis jamais smartphone car j’ai une dent contre l’anglais dominateur alors que leur pays a quitté l’Europe et que tout le monde s’en fout).
On nous a informatisé de force et maintenant il faut migrer de l’ordinateur aux applications du téléphone portable, avec tous les incidents que cela génère pour concilier les deux…
Non vraiment, ce monde n’est plus fait pour nous les vieux, et je plains sincèrement ceux qui ne savent même pas se servir d’un ordinateur ou d’un téléphone portable.
Allez, bonne journée quand même.
Bonjour Gille J !
« …je plains sincèrement ceux qui ne savent même pas se servir d’un ordinateur ou d’un téléphone portable. »
Personnellement, pour l’ordinateur, ça va …un peu trop selon mes proches: la preuve, je suis là! Mais il faut toujours des insatisfaits dans une bonne société équilibrée ! ! !
Pour le téléphone portable, quitte à « passer pour un idiot » comme dirait notre Madame le Maire, je n’en ai point considérant que je suis malheureusement trop joignable par le fixe et que ma tranquillité a souvent besoin d’isolement …n’est-ce pas, J-M ? Bon … si parfois la distance et l’isolement pyrénéen deviennent de possibles handicaps pour mes soixante-seize années, sous la contrainte (!), je « squatte » celui de mon épouse mais c’est lourd dans le sac à dos …de ma conscience !
Concernant le fixe et son virus « les publicités », envoyez ces dernières, comme on dit chez moi (et c’est très écolo !) « vertement sur les roses »: elles doivent détester ces couleurs car elles se raréfient !
Sans être Sanofi, j’ai peut-être trouvé le bon vaccin … mieux que Bloctél ! ! !
Cordialement.
Bonjour J-M !
Voilà un magnifique replay ou une belle description retraçée par ta plume toujours bien guidée par une mémoire … au top comme disent les jeunes car c’était hier … avant-hier … enfin il y a presque soixante ans que ces « meneurs de revue » étaient célèbres comme Robert Chapatte ou Thierry Roland … et sont restés célèbres !
Tiens, je te propose un petit excercice de mémoire:
Peux-tu nous citer des journalistes aussi célèbres de 1995 à nos jours. Bien sûr, écartons l’indéboulonnable Michel Drucker mais … les « JT », les « sportifs » ou les disciples d’Hanouna par exemple … ?
Es-tu sûr que tes petits enfants se souviendront d’eux … dans trente ans ?
Amicalement