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Les idoles aux pieds agiles et leurs fidèles

Dans Madame Bovary Gustave Flaubert affirme « Il ne faut pas toucher les idoles car la dorure vous reste dans les mains ». Jamais cette constatation n’aura été autant valable. Depuis quarante-huit heures la notion idolâtrie n’a jamais été aussi désespérante. Certes on sait bien que dans le monde moderne le rêve passe de plus en plus par une incarnation humaine à approcher, à imiter, à vénérer mais on a atteint de sommets. La croyance a remplacé la raison, la vénération a supplanté l’esprit critique et la dévotion a effacé l’estime. Dans tous les secteurs de la société ces réalités s’imposent. La Coupe du Monde vient d’en apporter les preuves.

Les images d’un Président de la république de l’Égalité et de la Fraternité sombrant dans l’exploitation d’une icône française déchue a donné la sensation que c’était elle qui avait le pouvoir. Pourquoi n’est-il pas allé « consolé » Tchouaméni ou Conan qui avaient échoué dans leurs tirs directs au but ? Mais comment a-t-il pu oublier que Kolo Muani avait eu la victoire au bout du soulier ? Ils étaient probablement les trois joueurs ayant le plus besoin d’être soutenus après la défaite. Je suis certain que vous en trouverez le motif réel ! 

Vous connaissez la fameuse de la blague d’André qui parvient à se faire photographier à coté des plus grandes vedettes. Après des années il apparaît le 1° janvier au balcon du Saint Siège au Vatican, jour où le pape prononce sa bénédiction urbi et orbi ! L’un des présents à ce moment d’importance mondiale interroge son voisin et demande : « c’est qui le gars en blanc à coté d’André ? ». Il semble que bon nombre des téléspectateurs de la planète se soient demandés quel était le gars en costard prenant soin de MBappé qui eut le mérite en garçon respectueux de ne pas manifester son agacement.

La volonté de se montrer aux cotés des « vedettes » a toujours été une envie du peuple dans le monde du sport. Chez les Grecs les vainqueurs des épreuves olympiques défilaient dans les rues de la ville qu’ils représentaient. Ils étaient déjà connus et reconnus dans toute la Grèce. Posséder sa statue dans l’espace public n’était qu’un des nombreux privilèges accordés aux athlètes victorieux. En échange du prestige qui rejaillissait sur la cité, celle-ci les nourrissait, les couvrait d’honneurs ou leur versait des primes en argent. Les dirigeants se montraient avec eux pour rappeler leur proximité avec leurs exploits.

Rien n’a changé chez les Romains lors des Jeux du Cirque. Les gladiateurs, les conducteurs de chars bénéficiaient d’une grande notoriété. Certains obtenaient même l’épée de bois de la liberté. Le plus célèbre d’entre eux avait réussi ce que les autres n’étaient jamais parvenus à faire : imposer son nom à l’histoire pour que des siècles après sa mort on puisse s’en souvenir encore.

Qui était ce combattant hors du commun qui, à Rome, devint aussi populaire que l’empereur lui même ? De son vrai nom, on ne sait rien. On n’a retenu que l’identité que son entraîneur lui a donnée quand il est devenu gladiateur : Vérus, ce qui en latin signifie « vrai, authentique » Il bénéficia de la clémence de Titus qui l’avait engagé dans son équipe avec son adversaire Precsus à l’issue un affrontement exceptionnel sans vainqueur. L’Empereur descendit dans le Colisée pour leur remettre le symbole de leur liberté. Le peuple acclama Vérus… avant d’envahir l’arène pour le toucher.

Désormais c’est un privilège que de s’approcher  pour partager avec les stars du show-biz, du football ou même parfois malheureusement de la politique. Les services de sécurité font tout pour qu’il n’en soit pas ainsi. Ils entourent leur protégé.e, écartent les gens trop pressants, imaginent des distances de sécurité et frustrent le grand public de l’incommensurable besoin actuel de réaliser un selfie, de voler une part de cette gloire qu’ils n’auront jamais. Jamais l’opinion dominante ne s’est créé autant d’idoles.

A Buenos-Aires la folie collective a dépassé toutes les bornes antérieures tant en nombre qu’en ferveur. Peu de policiers, pas d’escorte officielle pour hâter le parcours du bus des néo-champions du monde, un itinéraire modifié selon les aléas de la présence de la foule dans les rues ont donné l’impression d’une marée bleue et blanche incontrôlée. Chez nous seul le Président aura pu approcher les finalistes malheureux. Les supporters les ont aperçus avec une heure de retard, à des centaines de mètres, tristes, absents, las et visiblement démotivés en haut d’un balcon massif d’un palace parisien laissant peu de place pour les petits gabarits. Etait-il impossible d’ouvrir un stade ?  

Des scènes d’idolâtrie avec toute attitude ou rituel de vénération envers une représentation ou une personne devenue un symbole ont eu lieu partout. En revêtant le maillot de Messi ou de MBappé les fans entrent en « religion » ; en chantant la gloire des Dieux du ballon rond on institue un office ; en allant en pèlerinage massif sur les lieux où l’on espère entrevoir celle ou celui que l’on adore, des centaines de milliers de fidèles donnent une dimension mystique à toute prestation valorisant les mérites des idoles aux pieds agiles d’une nation.

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Cet article a 9 commentaires

  1. Philippe Conchou

    Les églises sont vides, les stades sont pleins…

    1. J.J.

      C’est bonnet blanc et blanc bonnet.

  2. christian grené

    Bis repetita non placent (Cactus).

  3. Laure Garralaga Lataste

    Quand on en arrive là, une chose est sûre… tout va à vau-l’eau !

  4. J.J.

    N’étant pas amateur de football (personne n’est parfait), la coupe du monde m’a laissé assez indifférent. Un fait cependant a « retenu mon attention » : l’intervention du « consolateur national autoproclamé » à qui personne ne demandait rien. Même si je ne voue pas une grande admiration à ces dieux du stade parfois quelque peu frelatés, ce qui m’a touché, c’est l’aspect profondément humain de Mbappé, la détresse, le chagrin d’un homme qui a dû ses sentir déchu au lendemain d’une défaite.
    La bienséances eût voulu qu’on le laissa à sa peine, sans l’exhiber en contestable compagnie, sur les étranges lucarnes.
    Quant à l’enthousiasme argentin, je l’ai trouvé quelque peu inquiétant. Une foule fanatique contrôlée ou incontrôlable peut être capable du pire ( Nuremberg, années 30). Il y eut certainement des incidents, probablement quelques victimes, mais apparemment pas de catastrophe comme il s’en produit parfois avec les mouvements de foules.

  5. Laure Garralaga Lataste

    Que demande le Peuple ? Des jeux et du pain !
     » Sire… ils n’ont plus de pain… ! Qu’ils mangent de la brioche…  » aurait proposé Marie-Antoinette. On sait ce qui lui en coûta.

  6. Alain

    ¨ Tout ce qui est excessif est insignifiant ¨ , du coup les Argentins sont très ,très insignifiants , va vite falloir consulter , il y a de la déconstruction à faire la bas ….
    l’ idolâtrie est très proche de l’ idiotie , et que cela concerne des footballeurs, des politiques , des syndicalistes , des chanteurs , des dieux , etc …
    Mais bon , ainsi va notre monde et franchement , il ne va pas très bien.
    je reste avec mon égo ,on est jamais mieux accompagner que par soi même finalement .
    Cordialement .

    1. MARTINE PONTOIZEAU-PUYO

      j’adore votre commentaire.

  7. MARTINE PONTOIZEAU-PUYO

    il n’y a pas que le foot dans la vie. est il normal que pour taper dans un ballon on gagne autant d’argent, alors que ceux qui œuvrent pour l’humanité soient aussi mal rétribués ?
    le monde du foot est immoral, bien peu sont ceux qui ont une morale. triste cette réalité de notre époque. amicalement et bonnes fêtes de fin d’années à tous.

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