Les fables de La Fontaine appartiennent aux souvenirs de bien des écoliers « retraités ». Elles les accompagnent dans toutes les situations de la vie sociale comme des références leur permettant de mesurer la permanence des comportements humains. Leur contenu et plus encore leur fameuse morale, parfois nés du talent inventif d’Ésope reviennent aisement à l’esprit. Dommage que le pouvoir en place n’ait pas une connaissance de l’œuvre de ce fabuliste beaucoup plus politique que ces écrits le laisseraient supposer car il en tirerait avantage.
De retour de Chine le Président de ce qu’il reste de République aurait par exemple dû relire « la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf ». Un résume parfait d’un voyage ayant démontré la faiblesse croissante de la France qui continue à se croire capable de rivaliser avec des puissances tiers-mondistes qui l’ont distancée depuis belle lurette. « Une grenouille vit un bœuf/ Qui lui sembla de belle taille./ Elle, qui n’était pas grosse en tout comme un œuf/ Envieuse, s’étend, et s’enfle, et se travaille,/ Pour égaler l’animal en grosseur (…) » Le pire aura été que cette envie s’est heurtée à l’indifférence totale du yack de Pékin et la conclusion reste immuablement valable : (…) La chétive pécore/ S’enfla si bien qu’elle creva (…) » On en est là !
Personne n’a probablement étudié dans les pensionnats pour enfants auxquels on apprend à être surs d’eux, que La Fontaine s’inspirait souvent des pratiques de la cour, en faisant attention à seulement égratigner la main royale qui le nourrissait. La gouvernance actuelle ressemble à cet égard étrangement à celle du « loup et l’agneau » voulant que « La raison du plus fort est toujours la meilleure » car elle est souvent mise en œuvre avec le mépris absolu du plus faible. En espérant s’abreuver dans l’eau appartenant à tous alors qu’on lui avait promis le ruissellement partagé de cette richesse, le nouveau venu naïf a terminé sa vie sans être entendu et sans atteindre 64 ans.
Dans la cour du Lion on retrouve tant de traits du fonctionnement de la démocratie représentative actuelle que c’est jubilatoire . « Sa Majesté Lion (ne) un jour voulut connaître, / de quelles nations le Ciel l’avait fait maître/ Il manda donc par députés/ Ses vassaux de toute nature/ Envoyant de tous les côtés Une circulaire écriture/ Avec son sceau. L’écrit portait/ Qu’un mois durant le Roi tiendrait/ Cour plénière dont l’ouverture/ Devait être un fort grand festin (…) Par ce trait de magnificence/ Le Prince à ses sujets étalait sa puissance. / En son Louvre il les invita (…) »
La mauvaise odeur de ce lieu du pouvoir ne laissa pas indifférent quelques intrépides qui « bavèrent » sur le Roi avant d’être dare-dare renvoyés. Seul celui qui sut se taire et ne parut pas « Borné » échappa à cette sanction relevant du fait du Prince. Le conseil de la fable mériterait que Matignon s’en inspirât. « Ne soyez à la Cour, si vous voulez y plaire/ Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère/ Et tâchez quelquefois de répondre en Normand. » Ça tombe bien la Première des Ministres est élue du Calvados ! La langue de bois constitue le point commune de toute la majorité minoritaire et la meilleure des défenses.
Le conseil constitutionnel jouera cette semaine les Raminagrobis. « C’était un chat vivant comme un dévot ermite,/ Un chat faisant la chattemite,/ Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,/Arbitre expert sur tous les cas. » De bonne constitution mais un peu dur d’oreille « le » juge suprême statuera de la meilleure manière : celle qui lui permettra de continuer à bénéficier du statut de « sage » sans trancher dans le vif. Que ce soient les lapins qui courent partout pour manifester leur indignation ou la belette spécialiste du « saignement » à mort des autres, ils mettent leur confiance dans celui qui à cause du poids des ans a le poil rare sur le caillou, les yeux plissés, le verbe mesuré et la griffe preste !
« Mes enfants, approchez,/ Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause./ L’un et l’autre approcha ne craignant nulle chose./ Aussitôt qu’à portée il vit les contestants,/
Grippeminaud le bon apôtre/ Jetant des deux côtés la griffe en même temps,/ Mit les plaideurs d’accord en croquant l’un et l’autre. » Vendredi soir le verdict risque bien de ressembler à la conclusion de la fable et le combat à la Pyrrhus accouchera d’une double défaite qui plongera le pays dans une amère déception. Alors il ne faudra surtout pas relire « les grenouilles qui voulaient un roi (une reine?)».
En effet quand on connaît le texte il ne rend guère optimiste pour la suite ! « Les grenouilles se lassant/ De l’état démocratique, Par leurs clameurs firent tant/ Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique./ Il leur tomba du ciel un roi tout pacifique:: Ce roi fit toutefois un tel bruit en tombant,/ Que la gent marécageuse,/ Gent fort sotte et fort peureuse,/ S’alla cacher sous les eaux,/ Dans les joncs, les roseaux,/ Dans les trous du marécage,/ Sans oser de longtemps regarder au visage/ Celui qu’elles croyaient être un géant nouveau (…) » Elles n’en furent pas davantage satisfaites d’être dans « la peine » . Le (la) souverain(e) qu’ils avaient mis en place campa sur son trône et repoussa leur souhait de retour au régime précédent. Trop tard. « Rien ne sert de courir il fallait partir à point. »
En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Bonjour JM. Je regarde d’abord les infos jusqu’à 9 heures. J’irai boire – sans aucune modération – à La Fontaine ensuite. J’en suis fan.
@ à mon ami christian…
Un constat : l’amour de la bouteille ne t’a pas quitté…
Mais qu’il (l’amour, pas la bouteille) garde ton esprit à mes prochains envois de lecture… !
En toute chose il faut considérer la fin. (Le Renard et le Bouc)
A titre personnel, la fontaine qui pourrait m’intéresser maintenant, ce serait la fontaine de jouvence , voire la fontaine de jouvence de l’abbé sourire ….
Si quelqu’un a des sources , je suis preneur.
Cordialement
Une plaisanterie des (anciens ) pharmaciens d’Angoulême : le campagnard qui arrive à la pharmacie et demande :
– je voudrais de la jouissance de queu (démonstratif = ce ) curé qu’a un nom de rat.
@ à mon ami Alain…
Cet abbé sourire … est bien le seul à « ravir mon cœur ! »
Tu sais quoi, Jean-Marie? Il ne me reste rien à ajouter à ce que tu as écrit, sauf à citer M. Jean: « Qu’un ami véritable est une douce chose/Il cherche vos besoins au fond de votre coeur/Il vous épargne la pudeur/De les lui découvrir vous-même ». Ref. « Les deux Amis »
Moi non plus je n’ai rien à ajouter sinon que je trouve que cette citation est particulièrement belle.
Merci J.J., merci J.M.D., et surtout merci J.D.L.F.
Cher JM
Pour ne pas y perdre notre raison, je continuerai à me réciter « Le loup et le chien « , celle que je faisais apprendre systématiquement à mes élèves, histoire de leur donner une bonne base de réflexion…..
bonjour à tous
excellent de commencer la journée à vous lire tous et particulièrement JMD
Bonjour,
la fable qui me parait la plus appropriée à notre temps c’est peut être « Le pouvoir des fables ». Elle se termine ainsi » Le monde est vieux, dit-on : je le crois ; cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant. »
Dans Le pouvoir des fables, La Fontaine grâce à une mise en abyme de la fable, démontre le pouvoir de cet art et revendique son amour pour les fables.
La Fontaine réalise un apologue dans l’apologue pour montrer que ce qu’il fait dans ses fables est le meilleur moyen d’instruire : pour instruire, il faut avant tout divertir. A la toute fin du texte, La Fontaine n’insinue-t-il pas qu’il est même plus important de divertir que d’instruire ?
Profonde réflexion qui nous renvoie à notre actualité que La Fontaine ne pouvait imaginer. La politique-divertissement, appelée aussi politainment (mot-valise composé à l’aide de l’anglais politics, « politique », et entertainment, « divertissement »), décrit la tendance des acteurs du champ politique à intervenir dans les émissions de divertissement des médias de masse (émissions relevant du talk-show ou revendiquant une composante récréative), essentiellement depuis les années 1980, dans le but de renouveler la communication politique.
Reste à écrire la fable » le vermisseau, le dragon, l’ours et l’ aigle royal »
Marri de ne point avoir été entendu ni du dragon ni de l’ours,
le vermisseau pour attirer les regards tenta de défier l’aigle.
Cherchant par ce moyen de regonfler son orgueil pris de court.
Espérant par cet exploit dévier les critiques dont son peuple le cingle.
Loin d’attiser sa colère l’ aigle dédaignât ce pauvre petit asticot.
Les échotiers du monde entier furent pris d’ hilarité inarrêtable.
Ce qui eut pour effet principal de disqualifier le petit vermisseau.
L’ours et le dragon convinrent de ne plus l’inviter à leur table.
A vouloir attirer à soi les lumières du monde quel qu »en soit le prix.
le pauvre petit vermisseau n’obtient du sérail politique que le mépris.
Bonne soirée
nota: Le soi-disant aigle américain est le pygargue à tête blanche, Haliaeetus leucocephalus.
Quel commentaire en direction de ce pauvre Manu peut-on ajouter après… ce superbe texte de notre ami J.M et tous ces commentaires plus excellents les uns que les autres… ?
… En rendant hommage à ce cher La Fontaine……
« Rien ne sert de courir…
Il faut partir à point ! »
Après une longue absence, un retour parmi vous est savoureusement apprécié. !