Autant l’avouer : il y des soirées où il est beaucoup plus difficile que d’autres d’écrire l’une de ces chroniques. Le sujet est introuvable, les mots ne viennent pas et même en fouillant l’actualité ou la journée vécue je ne trouve pas d’angle d’attaque d’un sujet pouvant motiver quelques habitués à délivrer un message libre mais précieux. Depuis bientôt seize ans, les moments de doute ou même de désarroi ont té fréquents et il me faut me faire violence pour rejoindre le clavier. L’écran blanc représente une vraie hantise car je me sens redevable aux quelques centaines d’abonné(e)s qui me font confiance.
Je dois à la vérité que depuis quelques semaines j’ai véritablement l’impression de ramer à contre-courant et de ne pas avoir une vue utile des évolutions en cours. Le handicap de l’âge et tout au moins, en aucune façon un privilège. J’ai souvent une terrible envie de ressortir dans les 4800 textes passés car publiés et diffusés comme autant de bouteilles dans l’océan quotidien de l’actualité ceux qui avaient quelques lignes annonçant les événements du présent. Les thèmes traités prennent en effet brutalement une importance alors que lors de leur traitement en Roue Libre ils ont paru anecdotiques ou sans intérêt. Ce phénomène usant car démontrant que le système médiatique découvre parfois avec enthousiasme ce qu’il a dédaigné durant des semaine sou des mois.
Incapable de savoir si c’est le poids des ans qui étouffe mon envie de partager ou si c’est la rupture d’un rythme effréné de vie m’ayant permis de ne jamais me poser trop de questions , je trébuche sur des obstacles invisibles. La peur m’assaille et le doute devient chaque jour plus fort. Ces deux sensations paralysent l’initiative. Le « vieux » s’écrase pour ne pas apparaître comme un rabâcheur casse-pompes. La tendance actuelle veut que le dilemme soit de laisser courir sans bouger ou de se rebeller quand on trouve une situation paraissant insupportable.
« Qu’il se taise ! Qu’il reste chez lui ! Qu’il sache s’effacer ! Il nous emmerde ! il a fait son temps ! Encore lui ! » Bref la société actuelle considère qu’après avoir quitté les années sex… les personnes commencent vraiment à devenir inutiles. Le « vieux » que l’on appelle « senior », « personne âgé », « boomer » ou « ancien » a mal voté aux dernières élections et en plus il la ramène ! Il sera puni : il travaillera jusqu’à 65 ans ce qui l’obliogera à s’occuper de son propre sort
Je suis envahi par une foule de peurs que je n’avais jamais connue. Peur de conduire. peur des maladies. Peur du lendemain. Ce phénomène est impressionnant par les dégâts qu’il cause dans ma vie de « pensionné » arrivée seulement à 74 ans. Je doute de ce que j’ai pu accomplir et évidemment je ne cesse de m’arrêter sur toutes les erreurs commises. Elles me hantent et tous les jours dans le déroulement courant d’une journée je reviens sans cesse sur des événements qui me hantent véritablement. L’angoisse de me retrouver au banc des accusés meuble souvent l’écran de mes nuits blanches.
La gestion publique apporte la preuve chaque jour que désormais plus rien échappe aux multiples organismes de contrôle et que nous sommes sous le regard permament de gens qui ne vous veulent pas toujours du bien. C’est irrationnel mais ça ne cesse de grandir. Dans quelques années l’action publique manquera de volontaires tellement le danger est partout. J’affirme que la menace est tout le temps présente et que rien ne permet d’affirmer que la perfection ou la pureté existent dans toute vie nécessitant des prises de responsabilités.
Écrire chaque soir constitue un acte dangereux (sauf le samedi) car il engage. Le lectorat ne comprend pas toujours qu’il s’agit simplement de constats livrés avec des observations personnelles permettant de à chacun(e) de se former, de réagir, d’échanger latéralement entre lecteurs mais qu’en aucune manière c’est un message descendant ayant vocation à installer la moindre vérité. C’est la raison qui me conduit à ne pas réagir personnellement aux commentaires postés par les plus intéressés. Ce sont leurs réactions et leurs avis et sont respectables lorsqu’ils restent dans la limite de la cohérence et de la tolérance. Sans eux j’aurai bien peur d’être inutile.
Dans le contexte présent où tout est polémique tout engagement sur des valeurs et pas sur des personnes, porte en lui les germes de l’interprétation et de la critique. Il faut rentrer dans une case, dans un tiroir à idées toutes prêtes faute de quoi il faut se faire du mauvais sang. Le principe le plus répandu reste que celui qui doute ou qui délivre un message différent de l’idole que l’on vénère devient rapidement un ennemi. Alors la tentation est grande de s’autocensurer pour éviter de déclencher l’ire des fans. Un comportement vain car absolument tout est matière à une classification en « pour » ou « contre » sans autre forme d’analyse. Et l’insoumission, l’agésion ou l’explication condusient à être catalogués dans le camp d’en face.
J’ai peur comme je n’ai jamais eu peur de décevoir, de mal finir, de chuter ou de m’engoncer dans les « habits du vieux con » qui prétend donner la leçon. Vous savez ces oripeaux transformant en épouvantail pour alouettes ou les pilleurs actifs au temps des cerises, celui que l’on installe au milieu du champ des valeurs. Écrire, c’est exorciser la peur de la vérité et donc chaque soir je tremble de me tromper… Mais putain c’est dur !
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C’est surtout dur d’entendre, quand on est un vieux con, des jeunes cons qui ne comprennent rien à l’affaire, comme dirait Georges, lequel en connaissait un rayon…
Il était même d’une sagesse exemplaire, ne donnant jamais de leçon à personne, faisant confiance, peut-être à tort, au libre-arbitre de chacun.
Pourtant, je reste convaincu que la vieillesse apporte la sagesse que seule l’expérience permet d’acquérir. La jeunesse est trop impétueuse, trop vive, trop intransigeante, bref trop conne, vraiment. Et la tolérance, bordel!!!
Bonne journée quand même.
@ à mon ami Gilles
En attendant la parution du « billet du jour Roue Libre », je reviens sur celui de hier et rajoute…
Ce que j’aime dans ce papier… C’est, à son début, l’oubli de l’emploi du féminin ! Mais voilà qu’à compter du mot « Pourtant »… le féminin nous revient, tel un boomerang…
« Et l’insoumission, l’agésion ou l’explication conduisent à être catalogués dans le camp d’en face. »
J’en reviens toujours à mon cher Montaigne et ses essais (sic) de conciliation :
« Aux Gibelins j’étais Guelfe, aux Guelfes, j’étais Gibelin. »
Difficile à assumer d’être considéré comme étant dans le camp d’en face alors que l’on tente simplement d’avoir une attitude objective. Parfois ça amène par précaution à un mutisme préférable à une polémique stérile, mais c’est frustrant, on se sent muselé, censuré d’avance.
Difficile également de se trouver classé d’office dans le camp des « has been » par des individus qui n’ont pas le dixième de vos connaissances ou de vos aptitudes. Comme les « vieillards » considérés avec commisération comme incapables d’utiliser un ordinateur, alors que ceux la même qui vous jugent ne soupçonnent même pas la complexité des manœuvres nécessaires il y a trente ou quarante ans pour utiliser ce matériel. Il ne suffisait pas alors de simplement « appuyer sur le bouton ».
Quant à la vieillesse, il faut se faire une raison et tenter de garder « le moral », de toute façon, on sait que ça ne durera pas.
Comme l’a déclaré Bernard le Bovier de Fontenelle : « Ne prenez pas la vie trop au sérieux ; de toute façon, vous n’en sortirez pas vivant.”
J’en conviens, c’est un peu cynique, mais reprends courage, nous avons tous besoin de toi….
@ J.J
Êtes-vous sûr du nom de Bernard Le Bovier de Fontenelle ?.Ne serait-ce plutôt Bernard Le Bouyer de Fontenelle ?.
Très bonne journée tout de même
Je sais qu’il t’en aura fallu du courage pour écrire ce papier du jour. Mais je n’y vois que du talent, celui que j’ai découvert quand tu m’a rejoint dans la dernière partie du XXe siècle après que nous nous soyons rencontrés sur les terrains de football et à la caserne. Non, tu n’es pas vieux Jean-Marie et, pour ça, je t’envie. Il me suffit de te lire chaque jour pour m’en convaincre, devinant ton état de stress chaque soir devant ton piano. Car ce n’est pas rien l’exercice que tu t’imposes quotidiennement. C’est le jogging d’un homme qui entretient ses méninges avant ses muscles. Quitte à passer pour le lèche-cul de la classe, je te le dis sans ambages: tu n’es ni vieux ni con, tu es celui qu’on aime tel quel.
à Jean-Marie et Christian
Réjouissons-nous que nos méninges résistent à l’injure du temps…!
Moi, à 83 ans, je mesure chaque jour combien le temps galope…
Je ne vous connais pas personnellement, mais lis avec un très grand plaisir vos chroniques.. Je les apprécie beaucoup et aimerais tellement qu’il y ait dans notre monde plus de personnes comme vous ..
Vous n’avez rien d’un « vieux » dans vos écrits.. Surtout n’abandonnez pas !
Bien cordialement.
Vive la République Françoise
Sacré Jean-Marie
C’est un très joli billet !
Mais ne vaut-il pas mieux être bourré que con, car ça dure moins longtemps ?
Mon amitié
Gilbert aux 82 printemps à Pertuis, Porte du Luberon
@ à Gilbert
Comme aurait dit notre ami Brassens : « le temps ne fait rien à l’affaire… quand on est con, on est con » !
Cher Jean-Marie
Tes écrits sont pour moi une friandise pour mes neurones. J’y trouve de l’impertinence, de la sagesse, de la drôlerie, une source de réflexion, de l’émotion, et même de la grandeur parfois!
Ton sentiment de peur est juste humain et moi, je trouve cela « rassurant » que tu te poses encore tant de questions sur tes actions. N’est-ce pas le passage obligé de ceux qui ont beaucoup oeuvré pour les autres, de ceux qui ont chevillé au corps la responsabilité de ses actes? C’est cela qui fait la qualité de la personne, de ta personne. C’est nul doute douloureux en ce moment pour toi. Mais pour moi, comme pour d’autres, c’est la marque d’une grande exigence de soi-même. Soit fier de cela!
Regarde aussi la trace que tu as déposée, celle qui a été , qui est, un cap pour ceux qui t’aiment ou qui t’admirent.
Et je t’en prie, continue à vitupérer, à t’indigner, à t’émerveiller, à regarder notre monde. Cela nous enchante, nous « donne à penser, à vivre et à espérer » comme dit la chanson…… Bisous
@ à DGN
Je partage sans retenue… ! Et ose l’avouer… Quand je ne participe pas aux écrits de notre poète et à vos échanges… c’est que ma santé réclame mon attention ! Et oui, à 83 ans, je dois ménager ma monture…
De ce magnifique texte je retiens…
« Le principe le plus répandu reste que celui qui doute ou qui délivre un message différent de l’idole que l’on vénère devient rapidement un ennemi. »
Et je m’interroge : « que n’avons-nous pas fait pour en arriver là ! » Nous avons perdu « le sens de la vie » qui veut que « si jeunesse savait et si vieillesse pouvait ! »
@ J.J
Pourquoi vous ne m’avez pas répondu. Allez un peu de courage pour la réponse.
Ça dépend du site que l’on consulte : Académie Française : Le Bouyer de Fontenelle , Portail des Archives Nationales : Le Bovier de Fontenelle.
Merci
Entre les deux, Académie Française/Archives Nationales, mon cœur balance… ! Comment voulez-vous que votre cœur y retrouve vos petits ?
Bonjour,
la peur je la côtoie tous les jours, je pratique la solidarité de proximité depuis plusieurs années et c’ est de cette peur chez la personne que j’assiste dont je vais vous parler.
Mon voisin, veuf isolé sans enfants, cumule les handicaps ( mobilité réduite, surdité de naissance, diabétique), je lui porte assistance chaque jour depuis bien des années et je constate les ravages du grand âge. Comme les emm…dements volent en escadrille il n’est malheureusement pas épargné. Ainsi depuis environ un an une équipe de malfaisants l’a pris pour cible, en moins d’une année il a été victime trois fois de vols par ruse. Sa maigre retraite a été amputée gravement suite au vol de sa carte bleue ainsi que de l’argent liquide a chacune de leurs visites non souhaitées. Bien plus que le préjudice financier, c’est le traumatisme subi par cette personne vulnérable de 95 ans par leur intrusion dans son domicile. Après chacune de ces arnaques, le pauvre homme met plusieurs semaines pour « digérer » les faits.
Il vit maintenant dans la peur, cette peur viscérale qui vous noue les boyaux, cette peur qui empêche de manger et de dormir, peur de les voir de nouveau revenir et que cette fois ils s’en prennent physiquement à sa personne.
Mais alors que fait la police ?? RIEN VISIBLEMENT! Et pourtant les retraits au distributeur de billets et dans les bureaux de tabac (dates,heures, minutes) tous munis des caméras vidéos ( magiques!!!) ont bien été précisés lors des dépôts de plainte. Mais voila la maréchaussée à d’autres chats à fouetter – ça prends du temps de verbaliser les ramasseurs de champignons évadés du confinement- .
Mais alors si il n’est plus en sécurité chez lui, il reste l’Ehpad non ? Et oui mais voila cela fait plus d’un an qu’il est sur liste d’attente et à chaque demande sa position recule! oui oui elle recule car d’autres font valoir des motifs coupe-file d’attente.
Voila la situation concrète de peur enracinée que vit mon voisin et j’ai chaque jour grand-peine à consoler ses pleurs et ses angoisses.
Nous vivons dans un triste monde où la frayeur du lendemain devient palpable!
Parfois je me pose la question de comment va se passer la succession de cette personne lorsqu’elle ne sera plus là? De lointains ( dans tous les sens du terme) héritiers ne vont ils pas mettre en question mon assistance bénévole en me faisant un procès? Ben oui ! c’est suspect quelqu’un sans lien de parenté qui donne de son temps gratuitement sans compter… Je m’attends à une plainte en bonne et due forme avec visite de la police à mon domicile et sur mon compte. Plus facile de me trouver que les malfaisants qui le terrorisent.
Inexplicable pour beaucoup que l’ont puisse essayer de faire son devoir humain sans espoir de reconnaissance, dans ce monde qui a perdu tous ses repères sociaux.
Ainsi va la vie!!
bonne journée
« Mais voila la maréchaussée à d’autres chats à fouetter »….ou elle est impuissante !
La preuve !
Il y a quelques jours, notre gardienne d’immeuble a été agressée (pour la énième fois)par une locataire qui souffre de graves dérangements d’ordre psychologiques au point qu’elle a d’être obligée d’appeler police secours.
En l’absence de voies de fait constatées, les policiers n’ont rien pu faire, mais prenant l’affaire au sérieux et craignant pour la sécurité de notre gardienne, ils l’ont escortée le temps qu’elle termine son travail de la journée !
Cette semaine, sur une nouvelle intervention de l’avocat de l’indésirable voisine, la préfecture vient d’annuler le jugement d’expulsion….
Nous craignons le pire car j’ai déjà connu des cas semblables qui se sont terminés de façon dramatique..
Il est grand temps de te pardonner. Seul celui qui ne fait rien , ne risque pas de faire des erreurs.
Oui, souvent, tu m’as fait peur, mais le temps t’a toujours donné raison.
J’ai’quelques années de moins que toi, mais dès qu’on na plus « personne derrière nous », les craintes grandissent. Mais ,il faut vive le temps présent. Seulement.
Mais le peux-tu……
Amities