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La douloureuse facture d’une fracture irrémédiable

Depuis des années maintenant, élections nationales après élections nationales, le monde rural ou périurbain cède à la tentation du vote protestataire extrémiste en opposition croissante avec les zones urbaines ou agglomérées. Il y aurait une analyse à effectuer sur les résultats obtenus par le Président qui va avoir du mal à ne pas être sorti, en comparant leur niveau avec le revenu médian des communes de ces zones. En Gironde c’est assez facile puisque au nom de la solidarité territoriale depuis maintenant plus de 12 ans un coefficient départemental de solidarité reflète ces réalités socio- économiques. Il est révélateur des résultats. 

Le phénomène des soutiens à la Marine nationale trouve son explication partielle dans un constat simple : moins les collectivités et leurs habitants ont de moyens, plus ils expriment un mélange d’angoisse, de défiance et de répulsion pour le système. Il serait aussi intéressant de confronter le pourcentage de logements sociaux dans les communes avec celui de l’adhésion au renouvellement du mandat du candidat au renouvellement du bail. Même si la lutte des classes n’existe soit-disant plus, car dépassé par le modernisme de la pensée unique, elle trouve son illustration dans les cartes résumant le résultat d’un premier tour de dupes voire de cons !

En zone rurale, la méfiance des uns vis à vis des autres atteint son paroxysme. Quelle que soit leur origine les habitants se complaisent dans un sentiment d’adversité permanente. Les « autochtones » se considèrent pour une part, privés de leur identité par de nouveaux arrivants soupçonnés de la mettre en péril par leur habitudes de vie. Le paradoxe c’est que ce sont ces « installés » de plus ou moins longue date qui ont vendu leurs terres agricoles héritées ou exploitées à ces néo-ruraux qui les insupportent. Les conflits entre par exemple les viticulteurs et les habitants proches de leurs parcelles enflent. Ni les premiers ni les seconds ne se respectent ou ne se parlent, les conduisant aux mêmes participations aux urnes revendicatives de part et d’autre au nom d’arguments contradictoires. L’autre facilement identifiable dans la ruralité est l’ennemi ! 

L’autre cause enfle depuis une vingtaine de mois. En ayant accédé à la propriété tant espérée dans ces villages oubliés par les services et les transports en commun, les arrivants découvrent que le trajet domicile-lieu de travail est un paramètre inenvisagé dans leur budget. Bien évidemment les déplacements contraints qui se multiplient consomment beaucoup du temps quotidien et pèse sur les dépenses. Le bonheur prévu avec la mise en œuvre du concept « maison, gazon, télévision » prend un sérieux coup de canif en cette période d’inflation galopante. Les 18 centimes de ristourne provisoire sur le carburant pris à la station-service du supermarché disparaissent dans le panier hebdomadaire des courses indispensables à la vie de chaque jour. Plus on est loin de la centralité dotée de réseaux de transports collectifs sur de courte distance et plus l’impact de la mobilité prend de l’importance. Elle devient un paramètre de déséquilibre social.

Les agriculteurs au sens large, en grande difficulté et sans avenir assuré à court terme, vivent dans l’incertitude de leurs récoltes. Le libéralisme dont ils vantaient parfois les mérites, ayant développé une concurrence mettant en péril la rentabilité de leur production, ils ruminent leur rancœur. L’hyper-spécialisation, l’ouverture à des marchés étrangers de plus en plus restreints en raison de la présence de pays plus dynamiques en terme de commercialisation, mettent les jeunes exploitants en difficulté croissante. Endettement maximum, ressources aléatoires, effroi face à l’augmentation exponentielle des matières premières, manque de main d’oeuvre pérenne établissent une étrange similitude entre les situations de toutes les composantes de ces zones rurales se réfugiant dans le repli sur soi.

Le lien social déjà très distendu a été encore plus fragilisé par les mois de pandémie. Bien des associations (club des aînés, comité des fêtes, asso de parents d’élèves quand il y a une école…) s’éteignent peu à peu ou sont comateuses. Beaucoup ont pris encore davantage l’habitude du chacun chez soi ou des réunions entre potes partageant les mêmes convictions. Le réconfort de la non-confrontation des idées a conduit à l’absorption de grandes lampées d’oxyde carbone des idées émanant des seules ouvertures sur l’extérieur : la télé et les réseau sociaux. Le délaissement est réel et le symbole des panneaux électoraux dressés par des municpalités sans moyens pour ne pas voir une seule affiche résume parfaitement la situation. 

Les constats de « La France périphérique (1) » livre auquel j’ai maintes fois fait référence dans ces chroniques prennent une acuité nouvelle. « La France des plans sociaux, de l’abstention et du vote FN » s’organise en une sorte de « contre-société », pratiquant la « relocalisation », le « réenracinement social et culturel », « l’attachement à un capital d’autochtonie, à des valeurs traditionnelles ». Toutes choses à l’opposé du projet libéral des partis de gouvernement et de ce qu’il valorise, notamment la mobilité et la diversité. Christophe Guilluy signale par ailleurs que ce phénomène ne concerne pas seulement les « petits Blancs », mais « tous les milieux populaires quelles que soient leurs origines », donnant ainsi lieu à un « vivre-ensemble séparé », afin de se maintenir à l’abri de l’« instabilité démographique et des tensions territoriales liées à l’angoisse de l’autochtone de devenir minoritaire ». Nous en sommes rendus à la fracture qui est non seulement territoriale mais aussi sociale et sociétale.

(1) La France périphérique  Christophe Guilluy, paru en septembre 2014 chez Flammarion.

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Cet article a 7 commentaires

  1. Bernie

    Ah enfin la france périphérique arrive à démontrer que les petits blancs sont rejetés et exclus des machines à voter.
    Le président Macron représente une classe riche, les « grands blancs « 

  2. facon jf

    Bonjour,
    les nuages noirs s’inscrivent dans un horizon incertain. La guerre en Ukraine mise entre parenthèses pour raison électorale réapparaît dans les étranges lucarnes. Elle réapparaît aussi au plan économique. La Banque mondiale a publié ce dimanche des prévisions économiques catastrophiques pour l’Ukraine en raison de l’invasion russe qui a un impact sur toute la région. Et, elle a mis en garde contre un scénario encore plus sombre si le conflit s’enlisait. Le Produit intérieur brut de l’Ukraine va plonger de 45,1% cette année, celui de la Russie de 11,2%, selon les dernières projections de l’institution de Washington. La guerre c’est toujours bon pour les marchands de canons. D’ailleurs, les Américains, qui sont d’abord des businessman ne s’y sont pas trompés. Ils ne donnent pas d’armes à l’Ukraine, ils font crédit à l’Ukraine pour acheter des armes… cela donnera aux États-Unis de quoi négocier après guerre quelques compensations économico-politiques.
    Des voix crédibles, de plus en plus nombreuses, annoncent une récession aux États-Unis. Alors que le plein-emploi y règne à nouveau et que le consensus des économistes établit la croissance cette année à près de 3 %, la prédiction paraît bien alarmiste. Selon un sondage, 81 % des Américains voient pourtant ce scénario se matérialiser avant même la fin de l’année.
    Voilà des mois que la pire inflation depuis quarante ans réduit leur pouvoir d’achat. Et depuis les sanctions récemment imposées à la Russie, ils ne croient plus que la flambée des prix de l’énergie, des produits alimentaires, des loyers et des transports se dissipera au cours de l’été. En annonçant une longue série de hausses de taux d’intérêt, la Réserve fédérale tente de casser les anticipations inflationnistes qui alimentent une spirale de hausses de salaires, de coûts et de prix.
    Alors récession à l’ouest et récession à l’est vont se conjuguer pour entraîner la vieille Europe sur le même chemin.
    La France périphérique va devoir renoncer au gazon pour planter des patates…
    Bonne journée

  3. Laure Garralaga Lataste

    @ à facon jf
    Une question sur la reconstruction qui va se poser un jour, et le plus tôt possible sera le mieux pour les Ukrainiens… : qui va payer les dégâts causés en Ukraine par les Russes ? En 1939, c’est toute l’Europe qui fut affectée !
    Et si les patates étaient remplacées par les rutabagas ? Légume de disette devenu à la mode !

    1. facon jf

      @ Laure c’est bien le problème de la main qui donne au-dessus de la main qui reçoit … Les mêmes fonds qui prêtent de l’argent pour les engins de destruction prêteront pour l’argent de la reconstruction. Les compensations politico-économiques seront exigées et plutôt deux fois qu’une. Présenter la facture aux Russes relève du rêve; en fait le même que pour les emprunts Russes.

    2. facon jf

      @ Laure prévoir aussi le fusil de chasse avec les cartouches au gros sel pour écarter les doryphores à 2 pattes qui risquent de retourner votre terrain… La solidarité va toucher ses propres limites. La faim du mois avant la fin du monde.

    3. Bernie

      Bonjour Laure,
      Vous avez tout à fait raison de vous inquiéter qui « va payer la reconstruction de l’Ukraine ».
      Les sciences de l’information ont sauté sur l’occasion pour déverser tout un tas de sujet de guerre et d’effondrement.

  4. Bernie

    Comme suite à mon commentaire je voulais apporter un ajout.
    Christophe Guilli a reçu en 2014 le prix des impertinents

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