Depuis quelques mois la vie publique nationale se résume à une distribution des rôles parmi la population entre les « fâchés », les « fachos », les « fans », les « fadas » et les « fantômes ». Cette répartition transparaît à travers tous les épisodes de ce qui ressemble de plus en plus à une série avec une distribution manquée et un scénario sans surprise. Certes il y a parfois des saillies plus ou moins problématiques mettant en évidence la pauvreté absolue du discours politique. A la fin il ne restera que les scories de ce qui aura été une parodie de campagne électorale. En fait chacun(e) des candidat(e)s s’efforce cherche à consolider l’une des catégories énumérées ci-dessus.
Les « fâchés » sont devenus la principale classe sociale en France. Ils le sont avec la politique en général et avec celles et ceux qui la représentent. Personne en général ne trouve grâce à leurs yeux et bon nombre d’entre eux n’iront pas voter. La défiance n’a cessé de croître depuis des décennies provoquant des taux d’abstention tel que les derniers scrutins deviennent vraiment inquiétants au niveau de leur valeur démocratique. Les « fâchés » ont aussi une raison précise de ne pas s’intéresser à cette élection présidentielle. Ils ne basculent pas dans le camp des « fachos » car leur désarroi est teinté d’une pointe de fatalisme sur leur sort. Ils rouspètent. Ils râlent. Ils rejettent. Ils vitupèrent. Ils ne trouvent pourtant pas un support politique leur permettant d’avoir confiance dans une solution à leurs problèmes et n’ont donc pas d’envie réelle de changement.
Ils sont juste « fâchés » et tout le monde cherche à récupérer leur soutien car ce sont eux qui peuvent encore changer le résultat du premier tour. Les « fantomes » ce sont ces millions de personnes immigrées, étrangères ou dégoutées qui ne sont pas sur les listes électorales et qui pourtant hantent le débat. Ils regardent ce dont on les a écartées alors que sans eux le pays ramerait et n’aurait plus les moyens de survivre dans un contexte de concurrence exacerbée.
La nouvelle génération spontanée qui ne cesse de grandir est celle des « fans ». Ceux-là participent activement à la défense et la promotion de celle ou celui qui tôt ou tard devient une idole. Quoi qu’elle dise, quoi qu’elle fasse, quoi qu’elle rate, cette dernière a forcément raison, à tout fait de bien et reste la seule à pouvoir sauver la France. Les fans se répandent sur les réseaux sociaux pour répandre la bonne parole sans aucune nuance et aucune retenue. Cette tendance touche absolument tou(te)s les candidat(e)s avec des effets parfois extrêmement comiques. Plus les rallié(e)s sont récents plus ils témoignent d’un attachement sans bornes à leur vedette. Ils ‘en prennent férocement ou avec dédain aux contestataires ne reconnaissant pas les mérites de leur mentor. Les sondages sont leur hit-parade. Je connais ce statut car j’ai souvent appartenu à ces groupes en évitant de me pencher sur le mauvais coté de ce comportement.
Quand on se retrouve face aux « fachos » de tous bords immédiatement vient à l’esprit les dégâts provoqués par les extrémismes. Ils ne marchent qu’avec des slogans, des approximations, des idées toutes faites car ils ont besoin d’exutoires à leur haine des autres. Les mots perdent tout leur sens dans un pareil contexte mais ils défèrent des éléments disparates. Les fachos ressassent des idées que l’on pensait à jamais oubliées. Certain(e)s exploiteurs les triturent, les adaptent, les ripolinent et finissent par les dédiaboliser en les habillant des oripeaux de la normalité attirant ainsi les « fâchés » ou le clan au-dessus des « révoltés ». D’autres ont pris le parti de provoquer, d’exagérer, de simplifier, de fanatiser en ressassant ce qui peut inspirer la peur et donc cristalliser un réflexe d’auto-défense. Les fachos ont toujours existé mais n’avaient pas pignon sur rue. Désormais leur impact atteindrait en France un votant sur quatre en cumulant les « masqués » et les « affichés » car on ne peut pas considérer que tous ont le même degré de fanatisme.
Il reste les ‘fadas » au sens premier de ce terme. Des rêveurs, des utopistes, de dangereux rêveurs, des gens réputés simples d’esprit qui imaginent une démocratie débarrassée des trois catégories précédentes. Leurs références sont celles d’une République se voulant égalitaire libre, fraternelle, solidaire et laïque. Eux regardent avec ce que que l’on prend pour de la niaiserie cette période où les valeurs servent de paillassons à l’expression des ambitions. La sincérité des prises de position des un(e)s et des autres leur servira à déterminer leur choix ou à refuser de le faire. Ce pourrait-être un vote inutile mais aussi utile selon de quel point de vue on se place. Je crains d’avoir glissé dans ce monde des fadas avec ce que cela comporte comme sentiment de culpabilité. Ma fierté c’est d’avoir quitté la position de « fans » car j’ai déjà progressé dans la construction de ma propre liberté. On verra pour le reste aux législatives.
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Excellent, merci Jean-Marie
Le métier est important. Se faire passer pour ce que l’on n’est pas peut engranger des situations inattendues.
Bonjour,
en ces temps incertains j’observe que l’on a vite fait de glisser d’une catégorie à une autre sans pour autant changer nos propres convictions. La valse des étiquettes que l’on colle à loisirs sur le dos de l’un ou de l’autre n’est pas limitée au 1er avril. Chacun est prompt à lancer « l’anathème imprécatoire ab imo pectore ! » *
Expression chargée d’histoire qui définit parfaitement la démarche qui conduit au point godwin du jugement politique.
La loi de Godwin est une loi empirique énoncée en 1990 par Mike Godwin, d’abord relative au réseau Usenet, puis étendue à Internet :
« Plus une discussion en ligne se prolonge, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de un. »
Dans un débat, atteindre le point de Godwin revient à signifier à son interlocuteur que son crédit est dorénavant compromis par la vérification de la loi de Godwin. Reductio ad Hitlerum est une expression ironique ou sarcastique due au philosophe Leo Strauss qui l’utilise pour la première fois en 1953 et désignant, sous forme de locution latine, le procédé rhétorique consistant à disqualifier les arguments d’un adversaire en les associant à Adolf Hitler. Nous arrivons à ce moment dans la tactique rhétorique l’objectif étant d’exclure l’adversaire du champ polémique tout en évitant le débat de fond. La stratégie des polémistes peut suivre deux axes « argumentum ad hominem »qui désigne un argument de rhétorique qui consiste à confondre un adversaire en lui opposant ses propres paroles ou ses propres actes. Ou sur l’autre axe une attaque argumentum ad personam qui est fréquemment considéré comme une manœuvre déloyale visant à discréditer son adversaire sans lui répondre sur le fond. On utilise alors des propos désobligeants, blessants et grossiers. Être désobligeant, cela consiste à quitter l’objet de la querelle (puisqu’on a perdu la partie) pour passer à l’adversaire, et à l’attaquer d’une manière ou d’une autre dans ce qu’il est.
Une réplique ad personam s’oppose donc, en attaquant la personne, à une argumentation ad rem qui s’attacherait aux faits.
Dans son opuscule La Dialectique éristique ( L’Art d’avoir toujours raison Rédigée vers 1830-1831 et publiée en 1864) , le philosophe allemand Arthur Schopenhauer recense cette technique sous le titre d’Ultime stratagème (à la fois dernier recensé et dernier recours).
Voila en quelques mots l’essence des débats politiques dont vous allez vous trouver gavés par les 12 débatteurs dans les étranges lucarnes. Vous pourrez en faisant attention à la catégorie d’éléments utilisés savoir qui pilote le débat.
Argumentation sur les faits ( ad rem) c’est du sérieux construit fouillé.
Argumentation sur ses propres déclarations précédentes ( ad hominem ) c’est du judo j’utilise les arguments de l’adversaire contre lui-même.
Argumentation ( ad personam) sur la personne ( petit, laid, gros, facho) c’est pour se sortir d’un combat perdu faute d’arguments.
Les mots ont un sens! Mais au fond tout le monde s’en tape. Conspirationniste est très en vogue aussi pour disqualifier les arguments qui dérangent.
Bonne soirée
* « l’anathème imprécatoire ab imo pectore ! » Une expression qui est un véritable concentré de ressentiment.
en décomposant l’expression :
anathème= Sentence de malédiction qui retranche de la communion de l’Église.
imprécatoire littéralement « prier contre »= Malédiction proférée contre quelqu’un ; parole ou souhait appelant le malheur sur quelqu’un.
ab imo pectore = Du fond du cœur.
Bienvenu au club des fadas, comme dirait Pagnol, déterminés.es à faire le bon choix mesdames, bon choix messieurs ! Et que la fête commence… !
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Qui arrivent