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Le château de cartes à un stade très instable

Lorsqu’il a fallu rassembler les financeurs potentiels du « grand stade » bordelais, le Conseil général d’alors a été traversé par des turbulences. Les pressions venant de la Mairie de Bordeaux, du club via son Président et son propriétaire ont été pressantes. Les entretiens se sont succédés avec des démonstrations se voulant rassurantes d’abord sur le financement de la construction puis sur l’exploitation. La rentabilité était assurée disait-on grâce à la présence de M6 dont l’assise financière garantissait une équipe de haut niveau ainsi que par une capacité, affirmée dans le dossier, de créer un événementiel qui améliorerait les recettes. De la poudre de perlimpinpin qui a rendu méfiant les élus en charge des finances départementales.

« Croix de bois, croix de fer…nous serons toujours là pour animer cet équipement indispensable pour que nous restions aux Girondins » affirmait un certain de Tavernoz. Quant à Alain Juppé Maire de Bordeaux sachant que de toutes les manières la situation de la ville qu’il dirigeait flirtant déjà avec le rouge il finirait de toutes les manières par refiler l’ardoise à la Métropole dans le cadre d’échanges de services liés à la cogestion il agitait l’irresponsabilité de priver la Gironde d’un tel équipement n’ayant pourtant aucun usage public.

La participation de l’instance nationale de financement des grands équipements (le loto sportif) était sollicité pour 50 millions dans un système où tout le monde était beau et gentil avec Bordeaux. Ayant siégé par la suite comme représentant des Maires de France dans l’instance examinant les projets de ce type j’ai découvert que 20 millions étaient déjà une belle attribution et que personne ne pouvait espérer davantage compte-tenu des subsides. C’est d’ailleurs la somme qui fut finalement accordée obligeant au passage le CNDS compte-tenu des autres projets… d’emprunter massivement pour financer les structures destinées à accueillir l’Euro de 2014. Les collectivités locales ajoutèrent 17 millions pour la ville de Bordeaux ; 15 millions pour la communauté urbaine et 15 millions par le Conseil régional. Au total la puissance publique alignaient 67 millions !

Il fut expliqué que tout le monde récupérerait sa mise avec des retombées indirectes toutes plus hypothétiques les unes que les autres (taxes sur les spectacles ? Dépenses effectués par les dizaines de milliers de spectateurs qui allaient se précipiter dans un quartier sans aucun commerce?) et par des loyers substantiels. Un montage alambiqué (mais qu’il faut reconnaître comme avantageux pour les collectivités) déboucha sur un Partenariat Public Privé d’un montant de 114 millions financés par une société spécifique Vinci-Fayat . Bien entendu cette participation a été adossée à des emprunts avec des taux de l’époque. Si le club s’engageait sur un droit d’entrée de 20 millions il verserait pour sa part en complément un « loyer » annuel de 3,5 millions payés à la ville puis lors du transfert à la Métropole.

Un vrai château de cartes d’une fragilité extrême puisqu’il reposait exclusivement sur…. les résultats sportifs d’une équipe qui donnait déjà de signes d’instabilité et sur l’engagement de M6. La durée de ces deux paramètres positifs étaient de 30 ans. Qui pouvait garantir pareille longévité pour un club et pour un investisseur susceptible d’avoir d’autres priorités que le football ? Mais si le problème du financement de l’investissement était déjà aigu il fallait surtout examiner avec scepticisme celui du fonctionnement.

Nous fûmes quelques-uns à partir d’un examen lucide du dossier à conseiller à Philippe Madrelle de ne pas mettre le doigt du Conseil général dans un machine infernale car le bras y passerait. Matthieu Rouveyre, effectua un travail exceptionnel pour démonter ces procédures et alerter sur le fait que le stade (allait) » coûter environ 550 millions d’euros (fonctionnement et investissement), cette somme engageant la Mairie de Bordeaux sur toute la durée du contrat ». Il conseillait puisque tout le monde était enthousiaste et sûr de la fiabilité du projet que « le groupe M6, actionnaire du club des Girondins de Bordeaux, de se substituer aux financeurs publics pour assurer la poursuite du projet. ». Il n’en fut rien. Et il avait absolument raison. M6 s’est éclipsée en récupérant un petit pactole et laissant derrière elle le château de cartes en très mauvais état. Le moindre courant d’air et il s’effondre. 

Les craintes maintes fois répétées par ceux qui bien qu’aimant le football avaient un brin de lucidité sur cette improbable opération à tiroirs, se concrétisent. Depuis le début SBA gestionnaire accumule en effet les déficits (près de 20 millions) en raison de la faible affluence effective, des « extras » dérisoires, du désengagement de l’Union Bordeaux Bègles peu désireuse de quitter le stade Chaban-Delmas où elle fait le plein avec des frais de fonctionnement nettement moindres à ceux du Matmut, un « naming » d’un montant relativement faible et fragile faute d’attractivité du club. Elle menace de mettre la clé sous la porte et laisser l’ardoise à la Métropole. On ne peut plus douter de cette issue en 2022. où alors on touche au mécénat ! 

Par ailleurs le club a frôlé la banqueroute et on saura ce soir après le passage devant la DNCG si les repreneurs tiennent leurs engagements. Les exonérations diverses leur ont permis de repousser à plus tard les versements prévus mais comme les résultats sportifs ne sont pas au rendez-vous (qu’arrivera-t-il si par malheur le club descendait?) l’avenir n’a jamais été aussi fragile. Le château de cartes a été paradoxalement sauvé par le « quoi qu’il en coûte » en 2020 mais ne résistera pas en 2022. King Street est parti car les fonds mis sur le club n’avait aucune contre-partie immobilière e tl’investisseur tellement critiqué  demandait au minimum la contre-partie de la gestion directe du stade sans loyer et sans intermédiaire faute de pouvoir l’acheter à prix réduit. 

Dès l’origine ce projet était voué à l’échec et rien, absolument rien n’est réglé. tout le monde vogue à crédit sur des incertitudes et « non, rien de rien, je ne regrette rien » sur mes prises de positions d’alors et de maintenant. 

Intervention en 2013 devant une commission du Sénat 

Cet article a 8 commentaires

  1. Philippe Labansat

    Eh oui, quelques citoyens contribuables, ont crié casse-cou, ont manifesté contre le projet de « grand stade » à Bordeaux.
    On avait déjà l’exemple, à l’époque, de plusieurs autres catastrophes dans d’autres grandes villes.
    Mais comme toujours avec le foot, l’on nous a prédit des retombées extraordinaires en droits télé, en chiffre d’affaire commerciaux, et puis des bénéfices incommensurables en terme d’image…
    Personne n’y croit jamais, puisque c’est systématiquement démenti par la suite. Mais ça ne fait rien, on fonce. Il faut donner du boulot aux grand groupes, alimenter l’ogre football et calmer la populace footbalistique.
    Et puis, le citoyen lambda n’est pas chiant. Il paye sans brocher et il ferme sa boîte à camembert.
    Contre mon gré et bien que l’aie toujours ouverte, j’ai payé, et je paye encore.
    Pour la catastrophe de St Seurin en deuxième division (la commune sous tutelle financière Préfectorale).
    La catastrophe de Libourne en deuxième division.
    De tout ça, j’étais bien informé, puisque j’étais à l’époque aux Financed Publiques.
    On pourrait s’étonner, mais dans les deux cas ça a valu des réélections triomphales aux édiles responsables. Mais ça, comme on dit (avec dans mon cas, un grand abattement), c’est la démocratie…

    1. Bernie

      Et l’hôpital de Libourne que devient il ?

      1. Bernie

        Comment vont les urgences à l’hôpital de Libourne ?
        D’avance merci

  2. facon jf

    Bonjour,
    Les PPP ou l’art de cacher les dettes, « Dans un forum de mai 2007, les experts invités évoquaient à l’horizon 2030 le rôle croissant des fonds de pensions au regard d’une puissance publique qui finance de moins en moins ses infrastructures. Les détracteurs de ce système font valoir que le PPP n’est ni plus ni moins qu’un montage financier permettant de dissimuler aux instances de contrôle (institutions internationales, marchés financiers) une partie de la dette publique, notamment dans la zone euro où les critères de convergence plafonnent celle-ci à 60 % du PIB. C’est le principe de la dette cachée.  » Wikipédia
    En 2014, la commission des lois du Sénat a publié un rapport qui dénonce la formule du PPP en les qualifiant de « bombes à retardement ». La Haute Assemblée évoque des « effets néfastes notamment pour les générations futures » en particulier en raison des « loyers » dont doit s’acquitter l’autorité publique, parfois pour de très longues durées. Les sénateurs pointent également l’« effet d’éviction des petites et moyennes entreprises » dont la capacité d’investissement est limitée. Selon les parlementaires, la plupart de ces contrats sont raflés par les grands groupes de BTP comme Bouygues, Eiffage ou Vinci.
    En résumé les politiques ont souvent recours à ce type de montage destiné à assurer leur réélection en cachant aux administrés le vrai coût des réalisations.
    Comme disait feu mon frangin  » les élections c’est la saison des promesses qui rendent les fous joyeux ».
    Et c’est justement le début de la saison des promesses.
    bonne journée

    1. Bernie

      Et les hôpitaux publics sont ils des partenariats publics/privés ? Si oui il devient urgent de remettre à sa place les financements des personnels soignants de ces institutions hospitalières. Merci

      1. facon jf

        Caractéristiques communes des différentes formes de partenariats
        public-privé
        Quelle que soit la forme juridique du contrat, bail emphytéotique
        administratif, bail emphytéotique hospitalier ou contrat de partenariat,
        ceux-ci ont des caractéristiques communes :
        – un contrat administratif de longue durée attributif de droits réels pour
        le titulaire du contrat ;
        – un objet limité à l’accomplissement d’une mission de service public
        ou à une opération d’intérêt général relevant du champ de compétence de
        l’établissement ;
        – une maîtrise d’ouvrage privée ;
        – un financement privé dont la contrepartie est le paiement par la
        personne publique d’un loyer sur toute la durée du contrat.
        source rapport de la cour des comptes https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/3_5_partenariats_public_prive_plan_hopital_2007_Tome_I.pdf

        En règle générale seuls les hôpitaux publics érigés après 2007 sont concernés pour la construction et à ma connaissance ne sont pas concernés pas « l’exploitation » hospitalière. Donc la rémunération et le recrutement du personnel ne sont pas concernés par les PPP.

  3. Laure Garralaga Lataste

    Comme « Roue Libre » ne peut tomber dans les mains d’enfants innocents…et que nous sommes encore en novembre, je déclare haut et fort…  » Comment peut-on croire encore au père Noël » ! ?

  4. Bernie

    Je sais que les institutions hospitalières ainsi que les maisons de retraite sont supervisées par des équipes mobiles du CHU de Bordeaux et par l’ARS nouvelle Aquitaine. Lorsqu’il y a un soi-disant cas de covid, les résidents sont confinés dans leur chambre. Merci aux dirigeants.

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