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Les infirmières saisies par le virus du vélo

Après avoir installé leurs superbes vélos chargés des sacoches étanches premier choix le long des arceaux du parvis de la mairie, elles se tapent dans les mains et lâchant « on l’a fait ! » comme si elles venaient de remporter une victoire. Les deux jeunes femmes souriantes, visiblement heureuses, s’installent à la terrasse du Bistrot avec une certaine délectation. Un Perrier citron tranche pour l’une et un demi pour l’autre. Elles semblent soulagées et ravie d’être face à la Place. Anne et Inés, Toutes deux infirmières au bloc opératoire de Briançon pour l’une et spécialisée en psychiatrie pour l’autre expliquent très vite « boucler ce soir un périple de 843 kilomètres à bicyclette ».

« J’habite Créon précise Inés. Nous sommes parties d’ici il y a 13 jours pour Sète et arrivée là-bas nous sommes revenues. Ce soir on savoure le fait d’avoir tenu le défi que nous nous étions fixé il y a un an. Nous avons préparé ce voyage avec le plus de soin possible : choix du matériel, itinéraire, dates, lieux d’hébergement et tout a été parfait à part le temps ! »

A l’aller le duo a emprunté la voie longeant le canal latéral à la Garonne puis le Canal du Midi constituant la voie européenne des Deux Mers. « C’est très inégal avoue Anne. Autant la preière partie est convenablement aménagée autant la seconde est souvent en mauvais état. Les arbres abattus ou arrachés ont abîmé l’ancien chemin de halage. La signalétique est incertaine. D’ailleurs entre Agde et Sète nous avons eu beaucoup de mal à trouver la fin du parcours. Par contre la piste qui longe la Garonne est un peu monotone avec en permanence pas très loin l’autoroute. ». Pratiquement chaque soir elles ont installé leur tente dans des petits campings et éviter les hôtels.

« Il y avait en définitive assez peu de monde sur le trajet. Beaucoup de familles très bien équipées. La sensation de liberté de gestion de notre périple était inestimable pour moi qui sort de semaines de pression à l’hôpital ajoute Anne. Ça fait un bien fou de pédaler pour se vider la tête ! Vous savez la seconde vague de la pandémie fin 2020 a été terrible ! » Si toutes deux savent que nous sommes entrés dans la quatrième période critique, ce soir en savourant leurs boissons fraîches à l’arrivée, elles ne veulent pas encore mesurer les conséquences qu’il aura sur la reprise de leur activité professionnelle.

Anne s’attend pourtant déjà à un retour exigeant dans le contexte annoncé pour les semaines à venir. « A Briançon nous n’avons que 6 lits de réa en temps normal et nous sommes passés au double ce qui pour notre établissement est exceptionnel. A Gap ils avaient le matériel pour doubler leur capacité mais pas le personnel. Je n’ai pas eu de congés de Noël mais je n’ai eu aucun problème pour ceux que je viens de prendre. Je vais basculer encore une fois vers les urgences et la Covid. J’avoue que je l’avais oublié en ne pensant qu’au vélo et à réaliser notre projet ». Cette impression a été confortée par le fait que l »application du Pass sanitaire a vraiment été sur le parcours à géométrie variable. Parfois exigé, souvent même pas évoqué !

Leur temps étant limité, les deux pédaleuses de charme ont bifurqué sur le chemin du retour vers Bédarrieux pour emprunter la voie verte « passa païs » qui s’arrête à Mazamet. Cette ancienne voie ferrée reconvertie en piste cyclable traverse le Haut Languedoc et de superbes paysages. Le périple vélocipédique a pris fin en gare de Toulouse pour un retour vers Bordeaux.

Inés ne décolère pas de leur passage en gare : «ça été un calvaire pour installer nos vélos dans le train. Il n’y avait que 5 places et on nous donnait moins de deux minutes pour monter les bicyclettes après avoir enlevé les sacoche. On ne peut pas dire que la SNCF soit très accueillante avec les cyclotouristes. Nous sommes revenus par un Intercité. Personne ne nous a demandé notre billet et notre Pass ni au départ ni à l’arrivée ! »

Anne et Inés ont récupéré leurs « montures » gare Saint-Jean pour revenir par la piste Lapébie vers Créon. Elles ont vérifié que ça montait (« de 5 m à 105 m » explique l’une d’entre elles). Les 23 kilomètres ne leur a pas posé de problème après les 820 qu’elles avaient parcourus. « Nous avons pris notre temps et nous nous sommes déjà arrêtées à Latresne pour nous poser devant une bière. Même l’averse n’a pas réussi à gâter notre plaisir d’avoir réussi. Maintenant pour retourner à la maison rue Lafontaine, nous allons savourer les cent derniers mètres »

Les deux infirmières en première ligne se sont évadées de ce monde et n’ont pas entendu beaucoup d’applaudissements le long de leur voyage au long cours. Elles ne les recherchaient pas et n’en voulaient pas. N’empêche qu’elles ne sont pas peu fières de ce qu’elles ont accompli ! 

Cet article a 8 commentaires

  1. Laure Garralaga Lataste

    Bien sûr qu’elles ont remporté une victoire…
    Sur leur propre doute quant à leur réussite, et par anticipation sur leur capacité à accomplir le retour !

  2. GRENE CHRISTIAN

    M’sieur, si Laure n’avait pas répondu à votre chronique du jour, je vous aurais écrit ce que j’ai retenu des « Châtiments » du p’tit père Hugo à qui vous me faites penser souvent et que vous m’avez demandé de lire pendant les vacances: « Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là! ». Il avait envoyé ça dans les dents de Napoléon III (qu’il appelait « le petit ») à la chute de l’Empire ». Mais Laure est passée devant moi et, pour sa peine, je lui offre mon ananas gramme du jour. C’est bon quand il fait 35° à l’ombre: « Le douanier Rousseau ».

  3. GRENE CHRISTIAN

    A Laure, que je ne connais pas mais dont j’apprécie les échappées en roue libre, ce petit texte en explication de mon ananas gramme: Le monsieur dont il est question plus haut se prénomme Henri et jamais ne fit quelconque école d’art. Peintre du dimanche, il occupait les fonctions de gardien des contrôles et des circulations du vin et de l’alcool dans le deuxième moitié du XIXe siècle. D’où son surnom.
    Il peint ce qu’il voit, les berges de la Bièvre ou des pêcheurs à la ligne,… « un oiseau dès l’aurore ».

  4. Laure Garralaga Lataste

    Aujourd’hui, c’est dimanche, et Jean Marie a dû se réveiller trop tard pour nous écrire « une roue libre »… Ce sera donc un dimanche très triste… Pour me consoler, je retourne à ma confiture de prunes qui ne compte pas pour des prunes vue la vitesse à laquelle, en roue libre, les pots descendent ! ! !

  5. GRENE CHRISTIAN

    Laure et Bernie, comme Madeleine Riffaut – fille d’instit’s elle aussi – font de la Résistance même le dimanche. J’en parlerai au chef de la Roue Libre car ça mérite une médaille.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à Christian…
      Il y a longtemps que je fais de la Résistance, car je suis née en 1939 ! Résistance contre les menteurs et les voleurs de Mémoire ! ! !
      Fille de résistant français en 1944 pour avoir fait son service en France (il avait le choix entre la France et l’Espagne…), je survivrai à la Retirada imposée par Franco à ces Espagnols républicains. Comment est-ce possible ? Ma famille partira de Barcelone le 15 décembre 1937 où mon père travaillait et qui, amoureux de ma mère, avaient été mariés par le consul de France à Barcelone… Ma mère vivra cette terrible Retirada enceinte de 7 mois ! Et j’aurai la riche idée d’attendre patiemment pour naître à Bordeaux le 05/02/1939… N’est-ce pas que je suis Résistante ! ?

  6. Laure Garralaga Lataste

    @ à Bernie
    J’ai un temps mort puisque ma confiture attend… alors je vais en profiter pour lire l’article du Sud-Ouest de ce jour…
    Une amicale pensée à un ami qui peut me dire « tu » car… pas de chichis entre nous !

  7. Laure Garralaga Lataste

    @ avec mes excuses à tous…
    Une grave erreur de date s’est glissée dans le mail à Christian ci-dessus : j’aurais dû écrire 15 décembre 1938…
    Avec mes plates excuses !

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