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Confinavirus (S2-E11) : le faux débat du vendredi noir

Les principes d’urbanisation appliqués durant la fin du XX° siècle a des conséquences néfastes dont on ne mesure l’impact que progressivement. Pour des raisons économiques et de modèle social on a largement favorisé l’étalement urbain avec plusieurs effets : augmentation de la durée du trajet domicile-travail avec le coût afférent ; éloignement des services essentiels ou des commerces ; isolement social sur des lieux dépourvus de toute animation et aussi une tendance au repli sur les nouvelles technologies qui arrivent via la fibre.

Lentement se sont installées des habitudes de consommation inédites que la crise sanitaire renforce. Toutes les consignes données depuis des mois consistent à inciter au non-déplacement pour éviter la propagation du virus. Si l’on ajoute que les personnes de plus de 65 ans se sont mises aux technologies permettant de maintenir une distanciation sociale tout en assouvissant leurs besoins de consommation. C’est inexorable et le report ou le maintien de la date du « vendredi noir » est vraiment un écran de fumée dissimulant, comme à l’habitude, les vrais problèmes.

Le e-commerce a en effet franchi en 2019 le cap historique des 100 milliards d’euros. Le total des ventes sur internet en France s’élève à 103,4 milliards d’euros. Ce montant comprend à la fois les ventes de services et celles de produits, ces dernières comptant pour 45% du total. Les soldes, les promotions, les achats privilégiés représentent une faible part de ces sommes qui ne cessent de grandir.

Tout à coup, le gouvernement s’en émeut sous les coups de boutoir d’une opinion publique qui s’aperçoit qu’il existe dans la proximité des commerces (ce n’est pas le cas dans bien des zones rurales ou périurbaines) pouvant leur apporter des satisfactions. La fermeture des « non-essentiels » et plus encore des bistrots, bars, cafés, brasseries ou restaurants seulement fréquentés par une clientèle réduite ne touche guère des « petites » villes ou des villages qui ont perdu depuis trois décennies une bonne part de la vitalité.

L’hypocrisie est aux manettes avec des larmes de crocodiles de consommateur.trice.s ne fréquentant jamais ces lieux de vente et en ignorant même l’existence. Cette attitude est la plus répandue même si par sympathie ou solidarité quelques-uns d’entre eux ont retrouvé le chemin des cœurs des villages ou des villes. La clientèle la plus âgée et probablement la plus fidèle ne pouvant pas se déplacer ou hésitant à le faire dans le contexte sanitaire les commerces s’en trouvent impacter et ce n’est pas une plate-forme numérique qui changera ce phénomène.

Le déplacement d’une semaine du « vendredi noir » ne changera rien à cette réalité. Le e-commerce prospère sur les services qui n’existent plus ou qu’il a détruits et pas forcément au détriment de ceux qui ont su s’organiser et qui sont en ordre de bataille. Les structures collectives peuvent résister mais pas celles et ceux qui ont eu l’espoir d’un sauvetage solitaire. La solidarité dans le mondé économique habitué à la concurrence n’est pas la vertu la plus répandue. Son absence sur les territoire va vite se sentir.

La solution ne consiste donc pas à décaler la date de ces « soldes de 24 heures » permettant simplement d’écouler des stocks coûteux avant les opérations d’inventaire à venir et à des prix permettant de réaliser des bénéfices juteux sur les quantités vendues. Les promotions ne sont en effet que virtuelles sur certains produits par rapport à ceux annoncés antérieurement. Vendre un produit à 100 € est moins rentable qu’en vendre 200 à 50 € !

La vraie mesure salvatrice serait simplement de permettre aux commerces considérés comme non-essentiels de retrouver leur activité dans un respect sérieux des gestes barrière, avec horaires limités, ce qui semblait être le cas dans les situations anté-reconfinement.

Ils retrouveraient une clientèle un peu plus motivée et profiteraient peut-être d’un élan de sympathie. Cette décision devrait s’accompagner d’une décision collective de repousser le « vendredi noir » pour éviter une ruée dévastatrice pour les mesures de prévention de la contamination.

En fait plus rien n’arrêtera encore quelques temps la progression du e-commerce lointain (Amazone, et C Discount) ou de proximité (les Drive) et la pandémie si elle dure accentuera ce phénomène qui finira par atteindre ses limites actuellement proches globalement des 20 % de l’ensemble des transactions.

Les « habitudes » de consommation qui se sont construites depuis une quinzaine d’années s’effaceront-elles ? Il faut craindre au contraire qu’elles s’amplifient dans les prochains mois.

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Cet article a 2 commentaires

  1. Philippe Conchou

    en lisant ton article, excellent comme d’habitude, l’idée m’est venue de faire la liste de mes utilisation du Web.
    Les livres en premier lieu, en général des raretés historiques ou autres introuvables en librairie, des pièces pour mon vieux Solex, des pneus pour mon vélo, des graines pour le jardin, du café mais aussi des légumes (frais), du petit électroménager etc…
    Mais aussi des résultats d’analyses le jour même du prélèvement, le cadastre en ligne, les impôts etc etc…
    Le Web est devenu incontournable surtout à la campagne, tout le monde veut la fibre, le commerce en ligne a de beaux jours devant lui.
    Quand au Black Friday , journée de soldes bidonnėes (une de plus), je ne me sens pas concerné

    1. Ménière Jean-Marie

      Votre commentaire Monsieur Philippe Conchon fait rampeau à celui de Monsieur Jean-Marie Darmian :
      « Mektoub » (mot arabe) signifie en un mot tout est écrit ou peut s’écrire encore faut-il vouloir et pouvoir le lire !
      « Celui qui ne sait pas ce qu’il cherche ne comprend pas ce qu’il trouve  » (Claude Bernard).
      « Des chercheurs on en trouve, des trouveurs on en cherche » (Charles De Gaulle).
      Pourquoi vouloir demeurer « comme une poule qui a trouvé un couteau » (proverbe libyen) ?

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