Pourvu qu'on trouve vite du pétrole à Palmyre !

Quelques jours après une offensive avortée, les djihadistes de l’Etat islamique (EI) sont parvenus à prendre le contrôle de la quasi-intégralité de la ville de Palmyre en Syrie, après un « retrait massif des forces du régime syrien de tous les secteurs » de la localité. Est-ce fortuit ou voulu ? Ils contrôlaient depuis le milieu de journée le tiers nord de la ville, d’où « les soldats du régime s’étaient enfuis ». Lentement les digues cèdent partout dans les pays concernés par un affrontement entre des gouvernements inorganisés, minés par des querelles intestines, incapables de mettre en place une défense fiable et des groupes barbares mobiles et fanatisés. Le cas de Palmyre, par son caractère symbolique attirent l’attention des médias mais pas nécessairement de l’opinion publique. La chute d’une cité antique avec des monuments oubliés car très peu visités depuis deux ou trois décennies n’a bien évidemment rien de comparable avec celle d’un champ pétrolifère !
Si l’on revient aux racines de ces affrontements présentés comme liés à la religion on masque une réalité beaucoup plus terrible. Bush était allé en Irak sur injonction des trusts pétroliers et des émirs du golfe. Si on en est en grande partie dans un tel bourbier c’est en raison de décisions clairement liées au monde du profit ! Les USA et la Grande-Bretagne ont aidé et soutenu toutes les mouvances pouvant de près ou de loin favoriser leur intervention sur le sol irakien… et désormais elles se retournent contre ceux qui les ont aidés idéologiquement et matériellement à émerger ! L’accès au brut irakien était au coeur de la décision britannique de s’engager aux côtés des Etats-Unis en 2003. C’est ce que prouvent des documents confidentiels obtenus grâce à la loi britannique sur la liberté d’information, et dont le quotidien The Independent s’est fait l’écho en son temps sans soulever la moindre polémique .
Cinq mois avant le début de l’invasion, la ministre du commerce britannique, la baronne Elisabeth Symons, déclarait aux représentants des majors britanniques qu’elle ferait en sorte que ces dernières aient accès aux réserves d’hydrocarbures dans l’Irak d’après Saddam Hussein…. Il y aurait même eu des réunions aux Etats-Unis où une carte de partage des champs pétrolifères ont été partagés. Une réunion avec BP, Shell et BG (British Gas) datée du 31 octobre 2002 indique : « La baronne Symons a reconnu qu’il serait difficile de justifier que les compagnies britanniques puissent sortir perdantes en Irak (…) si la Grande-Bretagne devait être un allié proéminent du gouvernement américain durant la crise. » La ministre a alors promis « de rendre compte aux compagnies avant Noël » du résultat de ses tractations auprès de l’administration Bush à Washington. Bush n’a, bien entendu, jamais reconnu le rôle joué par le pétrole. Les mobiles, c’était les armes de destructions massives (inexistantes) de Saddam Hussein et les liens (fictifs) de ce dernier avec l’organisation terroriste Al-Qaida. On a vu ce qu’il en est !
Partout sur la planète l’arrière-plan des conflits est toujours (et je dis bien toujours!) économique. Terres rares, uranium, minéraux divers, zones potentiellement gorgées de gaz ou de pétrole. Est-on allé en Libye pour régler son sort et rendre définitivement muet Kadhafi ? Peut-on honnêtement prétendre que les pays intervenants ne lorgnaient pas vers les réserves libyennes… plutôt que vers un renouveau démocratique insensé compte-tenu du contexte tribal ? Quand on dénonce les affrontements sanglants en Syrie, du Nigéria, du Sahel, de l’avancée chinoise en mer de Chine, de l’Ukraine cite-t-on les enjeux réels ?
Le chœur des effarouchés par la destruction de Palmyre sonne faux dans un monde où seul le profit compte et sert de base à toutes les exactions possibles. La cité antique ne sera pas défendue comme le serait d’autres lieux. D’abord parce que les combats nécessiteraient l’envoi de troupes terrestres aguerries en Syrie et ensuite parce que les destructions probables d’un patrimoine « occidental » ne pourront que renforcer la haine à l’égard de Daesch. Ensuite le dictateur syrien met les Occidentaux face à leurs responsabilités : laisser faire et se mettre à dos leurs opinions publiques ou venir au secourus sur le terrain et entrer de plain-pied dans le lutte contre l’EI. Enfin la cité antique revêt une importance stratégique pour les extrémistes sunnites, puisqu’elle ouvre sur le grand désert syrien, limitrophe de la province irakienne d’Al-Anbar, qu’ils contrôlent déjà en grande partie. Prendre Palmyre permettrait au groupe djihadiste de rassembler de larges pans de son territoire et de mettre la main que une grande proportion de l’Irak et de ses ressources.
Mais rassurons nous le 2 juin, une réunion internationale se tiendra à Paris. Selon une source diplomatique, vingt-quatre ministres ou représentants d’organisations mondiales y participeront, dont le secrétaire d’Etat américain, John Kerry et on parlera au passé des ruines historiques de Palmyre avec des larmes pétrolières de crocodiles dans les yeux !

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