Que retiendra-t-on en matière de sport durant cet été 2014 ? La finale du championnat du monde de football sans les Bleus ? Plus probablement la monumentale raclée infligée à des Brésiliens dopés par les médias mais pas au niveau prévu. On ne parlera pas longtemps de la victoire de Nibali sur un Tour de France durant lequel le syndrome de Poulidor a resurgi en France puisque les « non-vainqueurs » ont été plus célébrés que celui du fut sur la plus haute marche du podium. Il ne faut pas se faire d’illusion sur les autres sports car rien n’a émergé d’exceptionnel. Alors il restera le formidable engouement pour l’équipe de rugby féminin lors de la Coupe du monde dont la spontanéité et l’enthousiasme semblent avoir conquis le cœur des téléspectateurs.
Qui aurait parié sur cet émoi dans l’opinion publique durant cette période estivale où tous les canons de la beauté féminine sont très différents de ceux des rugbywomen ? En fait leur succès désormais assuré constitue un désaveu de tout ce qui se passe dans le sport business factice, méprisant et surmédiatisé. Rien, il n’y absolument rien de commun entre des matchs du circuit pro de football, de rugby masculin, de basket ou de hand et ces explications entre ces dames taille grand patron.
D’abord parce qu’elles respirent la joie de jouer, la joie d’être ensemble, la joie simplement de vivre propre aux aventurières poursuivant un rêve dans cette période où les millionnaires de la balle ronde traînent leur lassitude de retrouver le terrain. On s’interroge avec gravité sur la capacité de ces « vedettes » à courir, à sauter, à lutter car elles n’auraient pas eu le temps de récupérer sur les plages privées exotiques pour étoiles filantes fatiguées. Les dames d’ovalie ne se posent pas la moindre question et se contentent de gagner après avoir fait le maximum pour y parvenir. Ces filles là deviennent match après match l’avenir du sport.
En fait les Bleues démontrent que les performances ne dépendent pas toutes du niveau des rémunérations mais de la solidarité active, de la volonté collective, de la puissance de la motivation, ce qui devient extrêmement rare.
Ensuite elle rende un fier service à l’égalité des sexes et à la fumeuse théorie du genre. Bien plus qu’un décret, une circulaire ou même une loi elle prouve que rien ne pourra arrêter l’ascension de la gent féminine qui démontre dans tous les secteurs de la vie sociale toujours plus de pugnacité, de solidité, de modestie et de réalisme. Le rugby est bel et bien la discipline la plus révélatrice de cet état de fait. Peu de force brute et brutale mais une vraie conception de ce jeu d’évitement que doit être le vrai rugby qui s’est peu à peu transformé en jeu d’auto-tampons. Cette spontanéité plaît au public alors que ce dernier commence singulièrement à se lasser d’affrontements ne reposant que sur des talents de perce-muraille. En fait elles créent un nouvel état d’esprit dont les racines sont dans le sport scolaire.
Une très grand majorité d’entre elles rend en effet hommage aux profs de gym des collèges qui ont mis en œuvre le principe, très peu pratiqué en club, de l’égalité absolu d’accès dans l’éducation sportive à toutes les disciplines. Faire évoluer ensemble les filles et les garçons, sans tabou, sans préjugés, sans théorie prend des allures salutaires dans le contexte actuel où le communautarisme incite dramatiquement à la segmentation sociale.
Ces rugbywomen au grand cœur cassent cet été les schémas habituels et c’est un vrai bol d’oxygène dans l’atmosphère viciée actuelle. Elles respirent la sincérité dans l’effort, ne se lamentent pas sur leur triste sort comme les manchots pleureurs surpayés et surtout elles assument leur taille, leur poids, leurs mensurations, leur engagement qui n’a de viril que son intensité. Elles effacent une image de la femme totalement artificielle et entièrement fabriquée pour des magazines reproduisant chaque été les poncifs de la beauté.
Elles vont devenir selon le résultat de la demi-finale face aux bûcheronnes canadiennes de véritables stars à la force de leurs mollets et de leurs bras. Pour peu que lors du dernier match elles « vengent Jeanne d’Arc » et on les « plaquera » sur la couverture glacée des journaux de mode pour haricots verts ! Une grande victoire pour des dames qui ne gagnent guère de trèfle ( moins de 200 € par jour de compétition) et qui auront tenu tout le monde à carreau. En fait elles auront parfaitement illustrer ces préconisations faites aux hommes qui savent tout par André Boniface : « Personne ne vous oblige à jouer. Mais, si vous le faites, ce ne doit pas être à moitié car le rugby est un supplément à la vie ! ».Mieux elle donne vie au rugby !
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Pour faire dans le mode lyrico-emphatique, cher à certains commentateurs sportifs, cette équipe de rugby féminine, c’est : (biblique) David face au Goliath du sport professionnel, ou bien, :(historico-héroïque), Léonidas aux Thermopyles, face à l’armée d’un Xerxès de la spéculation financière et pseudo sportive.
En tout cas voilà qui nous sort avec plaisir des sempiternels clichés sur de soi-disant vedettes, qui sont davantage « people » que sportives.