La vieille gare de Lille Flandres attend que le soleil vienne réchauffer ses pierres grises concurrencées désormais par le métal et le béton de sa voisine qui se proclame européenne. Les façades des hôtels qui l’entourent rivalisent de décors du début du siècle précédent ou de briquettes rouge sang patiemment agencées par des ouvriers aussi soigneux qu’un enfant passionné constructeur de structures en Kapla. Il fait bon au soleil de la vie dans cette capitale nordiste dont je ne conserve que des souvenirs agréables tant l’accueil y est attachant par sa sincérité et sa simplicité.
Le périple a été un peu long et j’ai perdu l’habitude de ses levers au creux de la nuit pour rejoindre l’aéroport mérignacais. Créon enveloppé par l’obscurité laisse encore à la lune le soin de suppléer la disparition de tout le réseau d’éclairage public. Déplacement sans grade difficulté vers Mérignac sur une rocade en train de se préparer à sa surcharge pondérale de camions quotidienne. Une place de parking trouvée à perpette mais c’est l’exploit ! Je commence à m’inquiéter. D’autant que je me trompe de lieu d’embarquement. Billi fait le Kid du low-cost comme ils disent et je l’ai oublié. Rançon du progrès l’attente et la préparation du vol sont plus longues que le vol lui-même.
Les péripéties du contrôle de mon maigre bagage à main aggravent mon stress. N’ayant pas sorti la poche transparente dans laquelle se trouvent les objets de la toilette que je ferai le lendemain je suis refoulé et soumis à la fouille. C’est ainsi tout voyageur est un suspect en puissance. Je l’avais oublié. La salle d’embarquement ressemble donc alors que l’aube se lève à la terre promise en moins confortable. On s’y presse en attendant que le préposé à l’accès aux pistes décide de la ruée vers l’avant et l’arrière de l’appareil comme si personne n’était certain d’avoir sa place. Le risque d’être bousculé pour défaut de rapidité augmente à chacun de mes déplacements.
Une dame dont la valise ne rentre pas pour quelques centimètres dans le gabarit a été vite détectée par la préposée au contrôle. Il lui en coûtera 48 € de plus et l’envoi de son bagage dans la soute. Elle fulmine en pure perte. Son compagnon de route revient vérifier mais il échoue à son tour dans sa tentative de normalisation. Du coup ça rouspète derrière et certaines se précipitent pour vérifier l’épaisseur de leur valise. C’est ainsi la rentabilité se glisse partout ! La rumeur court : retard au décollage ! Le murmure s’accroît. Le temps presse. Soulagement général quand la porte décodée par des doigts agiles s’ouvre sur la piste où attend l’avion réputé à prix réduit. Vol en fait sans histoire au-dessus d’une France rayonnante et sans aucune guirlande nuageuse.
Je suis déjà parti depuis quatre heures et demi quand je quitte l’aéroport de Lille via la navette vers le centre ville. Il me faut trouver l’hôtel qui m’a été réservé. En attendant je me pose face à la gare et je prends (luxe suprême) un petit-déjeuner complet histoire de me reconstituer un moral chancelant loin de la maison. Bien évidemment quand je dégotte mon lieu d’hébergement j’y arrive trop tôt et il me faudra patienter jusqu’à midi pour que la chambre réservée soit livrable. Attendre. Encore attendre en nouant conversation avec les administrateurs de l’association Laïque pour l’Éducation la Formation la prévention et l’Autonomie (ALEFPA)… On cause surtout d’Outre-mer avec Mayotte et La Réunion car les représentants de ces départements sont arrivée depuis la veille. Plus édifiant que de m’informer sur une télé perroquet.
Il faut filer dès que j’ai posé mon sac dans la chambre, vers le lieu de l’assemblée générale se tenant à Tourcoing dans une ancienne chaufferie industrielle reconvertie en espace événementiel. Beaucoup de monde et une réunion de haute tenue marquant le départ du Président et de quelques piliers de cette structure gérant 300 établissements spécialisés, employant 4 000 salariés et s’adressant à plus de 20 000 personnes de l’enfance à la vieillesse la plus avancée.. Un monstre de l’économie sociale et solidaire brassant 243 millions de budget et agissant dans tous les secteurs difficiles que ni les collectivités locales, ni l’État ne veulent s’emparer. Un projet extrêmement courageux d’établissement spécialisé à Mayotte, des reprises d’EHPAD, des constructions des résidence autonomie, des structures d’accueil de femmes en difficulté, une reprise d’un énorme service d’aide à domicile… Partout il faut se retrouver en « pompier gestionnaire »… La face réelle d’une France qui table sur un système libéral ne retenant que l’écume du profit.
Là encore un constat s’impose : le renouvellement de la génération engagée dans les années 80-90 n’est pas au rendez-vous. Les associations réparties sur tout le territoire national comme l’ALEFPA demandent de plus en plus de temps, de compétence, d’investissement personnel et de travail concret. Il faut rester sur des valeurs ce qui devient rare. D’autant que les habitudes obscures des mouvements ou associations laïques périscolaires que j’ai connues ressurgissent avec des querelles à l’ancienne manigancées par les nostalgiques de la toute-puissance du socialisme nordiste. Les anciens acceptent pourtant de continuer quelques mois pour assumer la transition avec une candidate dont on peut penser que le principal défaut serait d’être (peut-être) une femme aux yeux de certains. Les conciliabules vont bon train. Le complot s’ourdit dans les couloirs.
Le chant du départ philosophique et hautement politique dans le sens vrai du départ du Président Michel Caron après 17 ans de dévouement a les accents de cet engagement d’antan qui a totalement disparu du répertoire militant enseignant. Le sortant en profite pour délivrer des messages solides, valeureux et réconfortants mais… dont on se demande s’ils ont une chance d’être entendus. La soirée de détente n’effacera pas mes doutes. L’ESS devenu un axe essentiel de la rénovation sociale et sociétale doit conserver ses bases idéologiques et ne pas sombrer dans les travers inévitables de la technocratie et des enjeux de pouvoir.
Dix-neuf heures après être partis me voici face à mon clavier. La journée a été longue ? Très longue. « Je crois que toute ta vie tu n’as pas assez pensé à toi me disait mon épouse tu vas le payer « . Je vais finir par penser qu’elle a raison. Trop tard probablement.
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Tu sais, Jean-Marie? Ticlo a bien raison et je devine ce qu’elle peut ressentir parfois. Dis, quant te poseras-tu? Dis, au moins la sais-tu?
à mon très cher ami Christian…
… « Que tout le temps qui passe ne se rattrape guère…
Que tout le temps perdu… NE SE RATTRAPPE plus.
« N’ayant pas sorti la poche transparente dans laquelle se trouvent les objets de la toilette que je ferai le lendemain je suis refoulé et soumis à la fouille. »
C’est comme ça qu’entre les mains d’un poste de contrôle de la « Met », j’ai failli me retrouver en slip sur le quai de la gare de Bruxelles, à cause de comprimés de glucose « conditionnés » dans du papier alu, et qui sonnaient au passage du portique.
« La soirée de détente n’effacera pas mes doutes. »
Ce n’est peut être qu’une indéfinissable sensation, due à l’âge sans doute, qui ne nous rend pas optimistes, mais on a parfois l’impression que « tout fout le camp ».
à mon très cher ami J.J.…
… » Si tu n’as fait que faillir »…… Rien de grave ta vertu est préservée !
Bonjour,
oui c’est difficile de se mettre en retrait de la vie associative. Difficile de se mettre en retrait lors des AG où ceux qui portent les assoces à bout de bras crient à l’aide. Refuser de se réengager au motif que se maintenir à un âge avancé bouche l’horizon des compétences en devenir. Laisser partir les responsabilités comme on lâche la main de ses descendants vers l’avenir oui c’est difficile. Pourtant c’est indispensable si nous refusons que les AG soient peuplées et conduites par des dirigeants dont le principal souci est de rester debout avec ou sans déambulateur…
Laisser la place à la relève, même si le siège reste vide, c’est le moment de vérité pour les assoces dont beaucoup vont disparaître faute de combattants. Pas de panique la nature a horreur du vide et si le besoin est avéré alors une autre structure renaîtra avec d’autres et sous une autre forme bénévole ou payante.
Tout pousse vers la disparition des structures bénévoles, le mouvement de balancier s’est inversé et l’on voit fleurir partout les salles de sport privées avec leurs prix délirants.
Partout les associations laïques et bénévoles s’éteignent et beaucoup s’en lamentent et pourtant il faut l’admettre le bénévolat est en décrue.
Combien de temps pour que le mouvement s’inverse? Quand les citoyens prendront la mesure de ce qui s’est perdu? Qui reprendra les outils forgés par nos aînés et qui sont progressivement jetés aux fossés des lois de 1901? Où se réuniront les futures structures lorsque les locaux auront été abandonnés et vendus par les collectivités? Combien de bénéficiaires seront abandonnés aux rigueurs de l’économie de marché ?
Et pour finir Pourquoi sacrifier plus d’un siècle de pratiques ayant apportés tant de joies à tout les Français jeunes ou vieux ??
Je garde mes réponses pour moi …
Bonne journée tout particulièrement à ceux qui ont sacrifié une grande part de leur temps libre aux assoces ne recueillant comme remerciements que critiques et soupçons.
@ à mon ami facon jf
Si une asso se « porte à bout de bras et crie à l’aide… »
Laisse béton… Elle ne survivra pas et aura ta peau… !
Bonsoir @facon jf !
« …recevoir comme remerciements que critiques et soupçons. »
Ayant encadré des groupes de scolaires ou sportifs en bénévole, disponible, non diplômé, travaillant au « plus que noir », cinq à huit jours en milieu montagnard … sans accident, ce en ayant quitté sa vigne (qui pousse !),je certifie qu’il est plutôt désagréable d’entendre que « la coopérative scolaire ou le club vous a payé des vacances » ! Mais quelle magnifique récompense l’on reçoit quand, dix, vingt, trente ans plus tard, on croise les regards brillants de jeunes devenus adultes (ou plus adultes !) qui vous sont reconnaissants. Merci Patrick, Christian, Franck, Sylvette, Brigitte, Les Mille Pattes, Maïté, Jean-Claude (par ordre chronologique !!!) pour la confiance que vous m’avez accordée.
Oui, @ facon jf, je peux vous certifier que le bénévolat, bien qu’en régression car atteint par le fric et le risque, apporte beaucoup à qui sait le ressentir.
Amicalement
Non Jean-Marie, tu n’as pas perdu ton temps en t’impliquant dans la vie collective. Heureusement qu’il existe des personnes davantage portées par l’intérêt collectif que leur intérêt individuel (j’en connais tout proche de moi…;). La force d’une société c’est la capacité de faire collectif dans un environnement où tout vous pousse vers l’égoïsme. Certes, les associations connaissent des heures sombres, mais je dirai que c’est davantage par le non-soutien des politiques publiques que par un affaiblissement de ses forces vives. France Bénévolat montre que le bénévolat en France augmente régulièrement depuis 10 ans. Et oui, contrairement aux idées reçues, il y a de plus en plus de jeunes qui s’engagent dans les associations. Les 15-34 ans sont maintenant presque aussi nombreux que les plus de 65 ans. Alors, c’est sûr qu’on les retrouve moins dans les CA (manque de temps, d’expérience), mais c’est une réelle bonne nouvelle pour l’avenir et c’est aux associations de leur faire une place pour qu’ils s’impliquent davantage dans la gouvernance.
La vie associative est source de richesses et d’épanouissement. Tu l’as bien compris sur Créon en impulsant une politique volontariste de développement des associations. Après, comme dans toute grosse organisation, les batailles d’égo et de pouvoir viennent toujours ternir le projet lui-même, mais la nature humaine est ainsi (mal) faite…
Amitiés,
@ à mon ami Vincent.
Parfois, il faut savoir perdre son temps…
Et je partage ce… « Certes, les associations connaissent des heures sombres, mais je dirai que c’est davantage par le non-soutien des politiques publiques que par un affaiblissement de ses forces vives ».
Bonjour J-M !
Donc, une fois de plus, malgré un contrôle technique…médical ( pas au top … semble-t’il?), à 76 ans…révolus (les 64 ans de Macron sont loins, La Classe!), délaissant ton épouse … qui t’a donné UN EXCELLENT CONSEIL ( sincères félicitations pour cet « appel du pied » Madame!), te revoilà en train de lustrer un siége dans une A.G. !
Mais, voyons J-M, un grand garçon comme toi, as-tu réfléchi que « les cimetières sont remplis de gens indispensables » et que la Terre, malgré des cahots, continue de tourner …tourner …tourner ….
Et la relève que tu as formée, qui piaffe d’impatience et d’inexpériences, même au risque de se retrouver avec des Macrons… que tu contestes ?
Oui, maintenant, tu te dois d’occuper les bancs de la Place de la Prévoté où, en appui sur ta canne, les yeux entrouverts derrière des sourcils broussailleux ( ! ), tu pourras toujours murmurer aux jeunes oreilles attentives, des conseils genre : « Oh ! Moi, tu sais, jeunot, je ne suis plus aux Affaires, mais tu devrais faire comme ça ….» ! ! !
C’est cela une retraite active et … utile, qui permet aussi de rattraper un peu de temps perdu … dans sa vie de couple !
Je me doute que tu vas m’opposer le leitmotiv habituel : « Mais ça me permet de retrouver des copains de lutte … et patati…et patata » sauf que ces copains se raréfient soit par contraintes de l’âge ou par renoncement pour remplacement .
Bonne escapade malgré tout dans ce monde qui a toujours été le tien …. avant que la cloche de la sortie ne sonne ! ! !
Amicalement.
@ à mon ami François…
Je partage, oh combien cette maxime…
» les cimetières sont pleins de gens irremplaçables ».
Bonjour @Laure !
….et merci pour avoir retrouvé le mot …qui m’a échappé ! ! !
Respectueusement