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Des faits divers qui donnent froid dans le dos

Les jours se suivent et j’ai toujours aussi froid à ma liberté, mon égalité et ma fraternité. Tous se ressemblent. Si en citoyen curieux on se détache du flot d’informations formatées pour consolider les certitudes d’une opinion dominante obsédées par le confort de ses pensées, on déniche le symptômes du grand remplacement : celui de la devise républicaine par valeurs destructrices du vivre ensemble. Une tentative de coup d’État en Allemagne par une structure paramilitaire inspirée par le Reich hitlérien devrait nous persuader que nous filons tout droit sur une resucée des années 1930. Je l’avais déjà écrit sur ce blog dès avril… 2013

Rien ne s’est amélioré. A petits pas, faits non dénoncés après faits non dénoncés, d’entorses aux principes républicains aux atteintes graves aux libertés individuelles, de massacres en massacres de la démocratie représentative nous allons vers des lendemains qui déchanteront. L’indifférence et la passivité vis à vis de ce dont on ne parle pas mais qui existe génèrent le pire des dangers : celui de gangrène rongeant la démocratie.

Les atteintes à la laïcité se multiplient dans les établissements scolaires. On atteindra probablement plus d’un millier de signalements d’ici la fin de ce trimestre de rentrée. Et encore il ne s’agit que de celles qui sont officiellement signalées par des chefs d’établissement courageux. Dans le système scolaire la vertu essentielle devient le courage. Les agressions verbales et physiques, le harcèlement plus ou moins dénoncé sur les réseaux sociaux, les insultes directes ou voilées rendent le quotidien des profs traumatisant.

Croire que ces faits se produisent dans les seules écoles (là ce sont les parents qui officient), les collèges et les lycées des zones dites « prioritaires » relèvent de la manipulation pure et simple. Hier c’est une documentaliste du collège de… Gujan-Mestras qui a été violemment prise à partie par une élève emmenée à la Gendarmerie.

Mais le pire réside dans désormais la pression ouverte des tenants de la haine, de l’exclusion et de la violence sur tout événement ou action qui leur déplaît. Matraques, gourdins, barres de fer servent d’arguments lors des rassemblements d’extrême droite. Fusées d’artifice, pierres, mobilier urbain sont utilisées à tout instant contre les forces de l’ordre. La manière dont sont traitées ces manifestations mériteraient des études objectives.

A Bordeaux dans l’enceinte universitaire une  une vingtaine d’individus cagoulés,  armés de barres de fer et proférant des slogans racistes ont tenté de pénétrer dans un amphithéâtre ou plusieurs centaines de personnes dialoguaient avec les députés Louis Boyard et celui que son « collègue » girondin du RN voulait renvoyer en Afrique, Carlos Martens Bilongo. Il n’y aura aucune interpellation, une dispersion soft… et une protestation de l’Université ! 

La banalisation de l’insulte, la prolifération des menaces, la possession d’armes dites par destination ne cessent de prospérer avec des conséquences diverses pour ceux qui les mettent en œuvre. Ce qui est considéré médiatiquement comme subalterne ou anecdotique a valeur de symbole sur l’évolution sociétale : plus de débat, on frappe et on vitupère.

Pire. Le projet de sortie scolaire organisée pour rencontrer et débattre avec les animateurs d’une association de migrants à calais a dégénéré. Le professeur de la classe d’Hypokhâgne du lycée Watteau de Valenciennes est devenue une cible car elle a osé faire son travail en initiant une rencontre sur le thème de la fraternité.

L’enseignante résume la situation en lançant : « maintenant il faut une escorte policière pour débattre de la fraternité ? » Elle pourrait ajouter qu’il faudrait des policiers préventifs dans les classes où les profs évoqueraient ne ce jour symbolique du 9 décembre la séparation de l’église et de l’État et donc de la création de la laïcité. Et pourtant ?

Les exemples pullulent dans la proximité. Faire profil bas devient donc le comportement ordinaire dans tous les secteurs. S’exprimer devient dangereux. Les inconditionnels, les partisans, les courtisans, les supporters, les intolérants, les croyants, les « anti tout » et les « ne sachant rien » veillent partout. L’outrance verbale et la violence physique ruissellent. Impossible de s’interposer sans risques pour sa personne alors le repli sur soi triomphe partout et de plus en plus.

« Je n’ai jamais pu renoncer à la lumière, au bonheur d’être, à la vie libre où j’ai grandi. Mais bien que cette nostalgie explique beaucoup de mes erreurs et de mes fautes, elle m’a aidé sans doute à mieux comprendre mon métier, elle m’aide encore à me tenir, aveuglément, auprès de tous ces hommes silencieux qui ne supportent, dans le monde, la vie qui leur est faite que par le souvenir ou le retour de brefs et libres bonheurs.» Albert Camus (encore lui) lors de son discours de réception du Prix Nobel il y a 117 ans résumait à la perfection ce que j’éprouve au moment de boucler cette chronique. Mais je sais que le bout du chemin approche et que l’horizon là-bas se bouche à vue d’œil

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Cet article a 10 commentaires

  1. J.J.

    Cette politique des deux poids deux mesures n’est pas neuve (ce qui n’est pas rassurant pour autant). Je me souviens d’une manif (autorisée) pour la Paix en Algérie qui avait été perturbée par de très probablement sympathisants de l’OAS. Nous les avions neutralisés en douceur et remis aux « autorités » qui les avaient fait entrer par un bout du panier à salade et ressortir par l’autre. Quant aux manifestants autorisés, ils avaient ensuite été dispersés avec vigueur et sans ménagement avec force coups de pieds dans les tibias. Les gardiens de la paix locaux (sic) ne disposaient pas alors de l’arsenal sophistiqué contemporain.
    Mais il avait été suffisant (les forces du soit disant ordre parisien étaient cependant mieux équipées) pour réprimer la manif du Métro Charonne (8 février 1962, 8 morts , plus de 200 blessés). Nous ne parlerons pas ici du 17 octobre 1961, avec toujours la sympathique figure du préfet Papon.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami J.J.…
      Quand tu écris… « Nous ne parlerons pas ici … » Pourquoi cette autocensure inutile puisque, grâce à mon ami Gérard Boulanger aujourd’hui décédé, on a pu et nous pourrons enfin en parler… !

      1. J.J.

        « Nous ne parlerons pas ici … » C’est une figure de style :
        une prétérition.

  2. Laure Garralaga Lataste

    à méditer…
    « C’est en Espagne que ma génération a appris que l’on peut avoir raison et être vaincu, que la force peut détruire l’âme et que, parfois, le courage n’obtient pas de récompense. « Albert Camus (4e de couverture de « la déchirure » — décembre 2009.).

  3. Philippe Labansat

    Malheureusement, le mauvais exemple vient d’haut, quand la représentation nationale est congédiée à coups de 49-3, pour des sujets aussi futiles que le budget de l’État, la Sécu, la suppression de 3 ans de retraite aux travailleurs.
    Pas l’exemple d’un débat approfondi, partagé et constructif…

  4. Christian Coulais

    Autre fait marquant;
    « Caroline Colombier est l’autre visage de l’alliance capital-fasciste à l’Assemblée nationale. Sa nomination à la délégation parlementaire du renseignement comme seule élue d’opposition par LREM a marqué une étape décisive et glaçante dans les mains tendues par la minorité présidentielle. Mais aussi une promotion inespérée pour cette militante historique du Front national de la première heure alors qu’elle avait 15 ans, autrefois dans le secret de son passé au parti de Pierre Bousquet et de Jean-Marie Le Pen, aujourd’hui dans celui du secret-défense face aux sujets les plus sensibles de la République. »
    Autre extrait :
    « Le scandale est total. Non seulement la délégation au renseignement travaille sous secret-défense, mais elle traite des dossiers les plus sensibles de la sécurité nationale, des projets de terrorisme aux menaces vitales en tout genre. Et l’extrême-droite ne manque pas d’y être bien intégrée, à l’heure où elle projette des attentats dans toute l’Europe. Un risque énorme qu’a voulu courir Yaël Braun-Pivet, pour montrer toute la bonne volonté du gouvernement et de sa minorité à l’Assemblée envers l’extrême-droite (en excluant la France Insoumise et la #Nupes, qui avaient eu le tort de les faire plier au premier tour des législatives). »
    Lire la suite…
    https://linsoumission.fr/2022/12/08/macron-caroline-colombier/

  5. Christian Coulais

    Autre propos…
    L’« ampleur » des discours de haine en France, mais aussi les « interpellations discriminatoires » conduites par les forces de l’ordre inquiètent le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD). Ses 18 experts indépendants ont diffusé vendredi 2 décembre une série d’observations et de recommandations après examen de la politique française concernant les minorités du pays.
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/12/02/une-instance-de-l-onu-s-inquiete-de-la-haine-raciale-et-des-interpellations-discriminatoires-par-la-police-en-france_6152704_3224.html

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami Christian…
      Avec cette promo, une seule question : comment a-t-on pu en arriver là… ! ! !

      1. J.J.

        …comment a-t-on pu en arriver là…
        Voir plus haut, les complicités de certains responsables des forces de l’ordre avec des personnages plus que douteux (et même pas du tout douteux) sont inquiétantes : il y a quelques décennies, un individu, ancien de l’OAS, condamné pour différents forfaits graves en Algérie a échappé à la cour d’assis grâce à la complicité d’un haut gradé de la gendarmerie.
        Des bagatelles réglées en correctionnelle avec quelques mois de réclusion, avec peine aménagée et liberté conditionnelle pour ne pas le gêner dans ses activités professionnelles. Ben voyons, le pôvre !
        Motif de l’accusation : incendie volontaire d’une entreprise industrielle, puis tentative de meurtre (conduites de liquide de frein sectionnés sur le véhicule de la victime visée).

        1. Laure Garralaga Lataste

          @ à mon ami J.J.…
          Mais aussi… n’oublions pas l’abandon de nos 3 valeurs fondamentales :
          Liberté… devenue libertés,
          Égalité… seulement pour certains,
          Fraternité… remplacée par communautarisme.

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