You are currently viewing Il n’est vraiment pas très réaliste de battre en retraite maintenant

Il n’est vraiment pas très réaliste de battre en retraite maintenant

La seule évocation de la retraite provoque depuis des décennies un mouvement d’inquiétude dans le monde du travail. Comme il est difficile de s’y retrouver dans une société où les repères sérieux sont bouleversés par des manipulations destinées à affoler ou à chloroformer la réflexion citoyenne, les effets d’annonce ou de contre-annonce servent d’arguments électoraux. D’un scrutin à l’autre le financement devient problématique ou rassurant. Pour éviter ces variations plus ou moins aléatoires Lionel Jospin a créé une instance pluraliste et compétente qui a vocation à prévoir et à suivre l’évolution du versement des pensions en France.

Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) devait fournir aux politiques et à l’opinion publique des éléments d’appréciation. Depuis qu’il existe, il n’est jamais parvenu à dégager une tendance sûre car le système par répartition reste tributaire du marché du travail et du nombre d’actifs cotisant ou décroissant selon les périodes. Pour l’instant le COR affirme que le poids des pensions dans le produit intérieur brut, à législation constante, devrait diminuer dans les décennies à venir… quand sur les estrades il est affirmé le contraire. 

D’un peu plus de 13,5 % du PIB à la fin des années 2010 (avant un pic exceptionnel à près de 15 % en 2020), il devrait descendre entre 11 % et 13 % d’ici 2070, suivant les scénarios de productivité retenus. Un phénomène lié essentiellement à la désindexation, depuis la fin des années 1990, des pensions sur les revenus, qui conduit à un décrochage – relatif – de la pension moyenne par rapport aux revenus d’activité. «La pension continuerait de croître en euros constants, mais moins vite que les revenus», explique le COR. La pandémie a semble-t-il bouleversé les prévisions avec un fort déficit de 2020, lié à la crise sanitaire (18 milliards d’euros, 0,8 % du PIB) ?

Bien entendu quand il s’agit d’effectuer les calculs pour 2030, 40 ou 50 la précision devient toute relative. Comment imagine-t-on le niveau de l’emploi, des salaires et de l’économie dans dix ou vingt ans alors que l’on ne le connaît pas avec certitude à échéance d’un trimestre ou d’un mois. Le principe de la répartition ne semblant pas être remis en cause les supputations relatives à son efficacité vont bon train. Le Président-candidat s’est empêtré à ce sujet dans le décalage de l’âge de départ à 65 ans sans pouvoir en justifier l’utilité. Le COR est pourtant assez clair sur ce sujet.

Si l’État maintient, en pourcentage du PIB, sa contribution dans le système au même niveau qu’en 2020 et le déficit de l’ensemble du dispositif de retraite devient alors résiduel jusque dans les années 2030-2040 (selon les différents scénarios de productivité retenus), avant de se résorber et de laisser place à un excédent croissant, compris entre 0,5 % et 2 % en 2065. Une seconde hypothèse prévoit que si l’État employeur se contente de maintenir ses niveaux de cotisations et ses subventions d’équilibre à leur niveau de 2020. Le système global (public et privé) reste déficitaire, mais au maximum autour de 0,7 % du PIB dans les prochaines années, avant, dans la plupart des scénarios économiques retenus, de devenir bénéficiaire entre 2040 et 2055. Il semble que ces données aient été volontairement négligées (surtout les secondes) puisqu’elles supposent… une subvention d’équilibre des finances publiques en faveur des salariés et pas des entreprises.

Quand on se souvient du montant des sommes injectées par le « quoi qu’il en coûte » il n’est pas totalement absurde d’imaginer que l’on peut trouver sur le budget les fonds nécessaires pour maintenir l’âge actuel de départ vers la retraite. On sait aussi fort bien que malheureusement les périodes d’emploi ont été singulièrement perturbées dans les décennies antérieures et que le montant moyen des pensions en sera affecté. Les ressources du régime sont aussi assises sur deux éléments : le montant des rémunérations des actifs actuels et futurs et la pérennité de leurs carrières. Or les deux sont menacés par des pratiques sociales allant de plus vers du temps partiel, des salaires bas pour améliorer les profits et des contrats de courte durée… Il faudrait aussi parler de tout ça avant de parler âge de départ pour renflouer un système qui est à flot. 

On a aussi oublié que Lionel Jospin avait tenté en 2001de créer le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), dont la mission était d’accumuler quelques 150 milliards d’euros jusqu’à 2020, afin d’amortir le choc des départs à la retraites des baby-boomers. En juin 2010, cette cagnotte a été cramée pour renflouer la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) et pour le remboursement de la dette de la branche vieillesse du régime général en raison de l’explosion du besoin de financement du régime général dans le cadre de la crise économique de 2008.

Pourquoi ne pas relancer la proposition d’ une contribution liée aux automates de tous les genres qui envahissent le marché du travail cette réserve ? Elle servirait à amortir les aléas économiques et rassurerait sur la solvabilité du régime. Probablement trop simple et peut-être non-conforme aux ukases venus de Bruxelles.

Cet article a 4 commentaires

  1. Philippe Conchou

    A part quelques carrières longues de plus en plus rares plus personnes ne prendra la retraite à 60 ans à taux plein dans l’avenir.
    Personnellement je l’ai prise à 62 ans et demi grâce aux 4 trimestres d’armée et 6 trimestres de jobs d’été.
    Une bonne partie des gens avec qui je parle de ce problème savent déjà qu’ils n’auront le taux plein qu’entre 64 et 67 ans, alors ce débat sur les retraites est une fois de plus du vent, car on oublie tout le temps que pour avoir une retraite il faut avoir travaillé (c’est la moindre des choses) et avoir été déclaré….

    1. Bernie

      Le Conseil d’orientation des retraites est incompréhensible.
      J’ai aperçu quelques syndicalistes mais c’est très insuffisant.
      La décote et la surcote demeure encore et je n’ai jamais rien compris à ces éléments.
      Soyons optimistes et très bon week-end

      1. Laure Garralaga Lataste

        @ à Bernie
        Je crains que l’optimisme ne suffise pas à résoudre ce problème !
        N’oublions pas que le Français souhaite avant tout appliquer la politique du « beurre, de l’argent du beurre et du sourire de la crémière » sans qu’il ne lui en coûte rien !

    2. Laure Garralaga Lataste

      @ à Philippe
      Merci ! « …pour avoir une retraite il faut avoir travaillé… et avoir été déclaré…. » CQFD- Ce qu’il faut démontrer !
      Où en est le travail au black ? !

Laisser un commentaire