Quand on entre dans les propositions précises du programme d’Emmanuel Macron on s’aperçoit qu’il manque singulièrement de réalisme et même de ce pragmatisme réclamé par son auteur. Il faut le dépouiller de tout le langage de la technocratie qui ( comme le disait fort bien Coluche) fait que l’on ne se rappelle plus la question que l’on a posée en écoutant la réponse. Prenons simplement deux exemples concrets et précis. C’est ainsi que l’on critique sur des bases faussées et vraiment détournées la proposition de Benoît Hamon de créer un revenu universel d’existence pour les 18-25 ans au prétexte qu’il ruinerait la France mais on passe sous silence la proposition alléchante de suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers faite par « ni gauche… ni gauche ». Il est vrai que dans ce pays rongé par un populisme reposant sur l’acculturation citoyenne annoncer une disparition de la solidarité par la suppression d’une contribution qu’expliquer qu’il faut l’augmenter en cherchant l’équité fiscale ! Marketing maconesque, celui des soldes ou des têtes de gondole alléchantes! 

Il me semble que quand, brutalement, un soir en février 2009 dans un moment de folie médiatique Nicolas Sarkozy annonça sans barguigner la suppression de la taxe professionnelle tout le monde applaudit. « Ca va empêcher les  entreprises de délocaliser avait-il annoncé. Ce sera un facteur de création d’emplois et donc de baisse du chômage » prétendait doctement le Président. Les dégâts causés par cette mesure seront spectaculaires et n’auront aucun effets réels sur les capacités des entreprises à investir et à devenir plus compétitives (d’autres impôts encore plus injustes ont été inventés en remplacement!). Ils ont été évalués avec une certitude : le déficit imposé aux collectivités territoriales a été compensé par une augmentation des taxes sur les ménages ! Ces derniers avaient été et sont encore les grands perdants : alors que les trois taxes auxquelles ils sont assujettis (habitation, foncier bâti et foncier non bâti) représentaient en 2009 59 % du produit total des impôts perçus par les communes et groupements de communes, ce taux est passé à 77 % deux ans plus tard la suppression de la TP ! Il en sera pareil pour les ménages moyens si la TH est payée par des impôts d’Etat !

Emmanuel Macron par pure démagogie commet la même erreur que Sarkozy. D’abord parce qu’il ignore que 42 % en moyenne des ménages français n’acquittent pas de taxe d’habitation dont ils sont exonérés et dans certaines communes ce taux peut atteindre 80 %. Ce qui fait que, s’ils ont des revenus modestes et s’ils sont seulement locataires, ces foyers ne participent pas au financement des services publics communaux ou intercommunaux (école, équipements structurants, déficits sur les services, complément du coût des transports pour la part financée par la collectivité…) qu’ils utilisent. En fait la perte sèche supplémentaire pour le financement du fonctionnement communal serait de 10 milliards d’€ ! Privées du levier fiscal de la TP en 2009, privées du levier fiscal de la TH en 2018, saignées par la contribution demandée par Bruxelles pour diminuer le déficit d’un Etat mal géré, les mairies devront obligatoirement tailler dans les dépenses du quotidien. Et encore une fois les plus modestes perdront leur seul patrimoine : les services publics ! Plus grave s’instaurera une dépendance totale des collectivités à l’égard de dotations dont le niveau sera fixé par des parlementaires, non-cumulards certes, mais de plus en plus éloignés des contraintes croissantes de la gestion locale ! Que l’on réfléchisse à une homogénéisation territoriale de la taxe d’habitation même si la réforme serait douloureuse, est admissible mais prôner ex-abrupto une suppression relève de la plus pure des démagogies.

On trouve aussi au détour du programme la « métropolisation » des conseils départementaux lorsque sur leur territoire se trouve une métropole ! Cette décision dont la paternité revient certainement au Maire ex-socialiste (l’a-t-il été un jour?) de Lyon signifie simplement que les zones périurbaines ou rurales de la Gironde basculeraient comme c’est le cas dans le Rhône, dans le giron de Bordeaux métropole. Des accords de répartition de compétences fraîchement signés n’auraient plus aucune sens mais surtout il faudrar encore une fois expliquer clairement quel est l’intérêt de faire gérer les bassins de vie Sauveterre de Guyenne, Langon, Coutras, Blaye, Pauillac ou Grignols par une structure métropolitaine déjà engluée dans sa propre gouvernance ?

Quid des services d’incendie et de secours ? Quid des allocations individuelles de solidarité ? Quid des cellules communales déjà très malmenées par l’intercommunalité ? Quid de l’intégration des services départementaux actuels ? Quid des soutiens aux associations de proximité ? Quel maire lucide peut soutenir de telles propositions ? Quel citoyen peut se faire berner par le miroir aux alouettes d’un bavardage de machine à café de Bercy ? Doit-on se contenter de brailler contre Le Pen fille qui prône la défense de la commune, du département et de l’Etat et qui supprime les régions ? Bientôt les réformes territoriales seront plus nombreuses que les réformes des programmes scolaires ! Je veux savoir si les élus locaux qui soutiennent Macron approuvent ces propositions et bien d ‘autres du même type !

Veuillez laisser ce champ vide

E-mail *

Vérifiez svp votre boîte de réception ou vos indésirables afin de confirmer votre abonnement.