Je quitte aujourd’hui après 7 ans, la présidence du club des villes cyclables devenu à mon instigation « club des villes et territoires » cyclables… Même si je le savais, j’aurai vraiment un moment d’émotion en laissant ce fauteuil qui m’a permis de représenter plus d’un millier de collectivités territoriales engagées avec détermination dans d’autres formes de mobilité active que la sacro-sainte bagnole diesel ! Ce fut un vrai combat mené avec des élus motivés et une personne clé, la secrétaire générale, Véronique Michaud. Ce fut une montée de col sans dopage et à la force des arguments. Le plus dur aura été en effet de convaincre. Il y a toujours en France un sourire méprisant chez les interlocuteurs officiels lorsque l’on parle « vélo » aux gens qui comptent et qui vous attendent au sommet du col ! Je n’ai jamais eu, par exemple le plaisir d’accueillir un ministre de quelque tendance qu’il soit dans un congrès ou même avoir le grand honneur d’être reçu par l’un d’entre eux ! Dans la mesure où les villes, les intercommunalités, les départements et depuis peu les régions avaient décidé de prendre à leur compte les aménagements complémentaires dans la chaîne des déplacements il leur suffisait de jeter un œil lointain et de laisser faire. Entre les automobilistes et les cyclistes cherchez les plus intéressants électoralement et vous aurez l’explication !
Manque de persuasion ? Manque de « surface politique » du président ? Manque de crédibilité du lobby vélo ? Manque de valeur des propositions ? Toujours est-il que le club a davantage gagné la bataille de l’opinion que l’estime des gouvernants. La seule certitude après une décennie d’efforts incessants repose sur cette attitude spécifiquement franchouillarde assimilant la bicyclette à un outil de déplacement du « pauvre » ou à contrario du « bobo écolo ». La Droite le pense vraiment et, d’ailleurs dans beaucoup de villes où elle est revenue aux affaires elle s’est précipitée pour redonner toute leur place aux automobilistes (stationnement gratuit, levée des limitations de vitesse, réappropriation de l’espace public par la voiture…). Les socialistes sous-traitent cette politique d’avenir aux Verts et donc tournent la tête dès qu’on leur parle d’autre chose que de transports publics collectifs. Les ministres des transports et de l’environnement se foutent pas mal de ces cyclistes un tantinet jugés comme intégristes ce qui est loin, très loin d’être le cas. Mais c’est ainsi ! Pourtant tôt ou tard il faudra se tourner vers d’autres solutions.
Il n’est pas certain cependant que les politiques imaginées dans les mandats précédents soient reprises car jugées superflues face à la crise. Les pistes cyclables vont être les victimes expiatoires de la réduction des investissements alors que rocades de contournement, les parcs de stationnement gratuits, les ponts routiers ou les renforcements de réseaux pour absorber des trafics croissants resteront prioritaires. Le propre des techniciens routiers c’est de suivre le mouvement immédiat et de ne pas anticiper sur des modifications sociétales profondes. Les obsessions n’ont pas changé dans ce milieu : favoriser la rapidité du déplacement d’un point A à un point B alors que la vitesse est limitée (d’où le nombre croissant de giratoires) et séparer les flux par types de pratiques au lieu de partager l’espace public. Le changement des mentalités techniques progresse mais il reste encore bien du chemin à parcourir. La pression dans les villes du vélo en libre service constitue un atout pour les élu(e)s attentifs aux évolutions sociales. Elle aura permis à bien des équipes municipales de modifier leurs analyses mais il suffit de prendre un taxi à Paris ou à Lyon pour mesurer la « haine » qui existe vis à vis de ces dangereux terroristes routiers que sont les cyclistes. Le vélo s’impose au forceps !
Quand on assume une responsabilité nationale c’est l’opportunité de faire passer un message sur les valeurs dont on est porteur. En ce qui me concerne le renouveau de la « citoyenneté » demeure mon « crédo » politique. Elle n’apparaît plus nulle part sauf dans la mobilité active dont le consumérisme est absent. Le piéton et le cycliste ne dépensent que leur propre énergie. Le piéton et le cycliste ne polluent pas l’environnement général des autres. Le piéton et le cycliste, c’est abondamment prouvé renforcent leur santé et permettent donc à la solidarité sociale d’économiser. Le piéton et le cycliste, malgré tous leurs défauts, ne mettent pas en danger la vie des autres. Le piéton et le cycliste sont les meilleurs acteurs d’une politique anti-crise qui valorise le pouvoir d’achat (économies de carburant, d’assurance, de montant des investissements) en une période où il est malmené. Mais comme dans le fond le piéton et le cycliste ne rapportent pas (taxes ? Actes d’achat ou de paiement ? ) ils sont les oubliés des politiques. Gouvernementales depuis toujours. Aucun soutien probant, sonnant et trébuchant par l’Etat, par exemple, à la filière industrielle de fabrication des vélos à assistance électrique ( alors que le gisement d’emplois est réel) n’est prévu dans la loi sur la transition énergétique d’où la mobilité active est même absente ! Alors que le gouvernement actuel a tout à gagner il lambine, tergiverse, hésite ! Les propositions du club ont été enterrées dans un bréviaire de bonnes intentions qui serviront à paver l’enfer des promesses non tenues. C’est affligeant !
Je quitte une fonction bénévole passionnante car elle est constructive, tournée vers l’avenir et utile socialement. Quel plaisir de passer outre les clivages politiciens durant des années, de se sntir soutenu par des femmes et des hommes exclusivement soucieux de l’intérêt général, et qui de se battent sur des valeurs écologiques concrètes ! Créon a été pour moi un mini-laboratoire de l’utilisation du vélo et chaque jour à la terrasse du Café des sports sur le parvis zone de rencontrer je peux désormais apprécier que tous ces efforts, ces dizaines de déplacements à Paris, ces interventions dans le monde (Espagne, Belgique, Colombie, Pologne, Italie, Burkina…) n’ont pas été vains. Partie de rien en 1999 Créon est vraiment devenue une ville vélo ! Ca suffit à mon bonheur car j’ai fait ce que je disais !
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J’ai appris aussi par cette présidence au vélo ,à mieux vous connaître pour toutes vos actions d’homme responsable élu…! Chapeau bas
Bravo et merci pour tout ce que vous avez fait pour le vélo et les cyclistes, il est vrai que les cyclistes ne sont pas les amis des automobilistes pourtant comme vous dites ils ne polluent pas, encore mille fois merci.
Bonjour !
En observant cette photo d’en-tête et ton titre, la scène de » La vache et le prisonnier » ( où ça fait » Paff ….pschitttttt » ) se superpose …..bizarrement ! ! ! Coïncidence n’est-ce pas ?
Cordialement.
Bonjour,
« On » ne naît pas automobiliste, on naît physiologiquement parlant piéton (en devenir). Enfant on dépasse pour la première fois les limites de sa « vitesse de bipède tout neuf » sur son premier vélo. Il faudra attendre pour enfourcher un deux roues à moteur, repoussant encore les limites de la vitesse et de l’autonomie. Ce n’est qu’un peu plus tard que l’on deviendra automobiliste sans toutefois cesser d’être un piéton et (ou) un velocipédiste. « On » peut aussi être un adepte d’autres moyens de déplacement (patins à roulette, skate-board, trottinettes…) qui ont tous un point commun avec ce qui précède (à l’exception de la marche à pieds) : la roue !
« On » est donc un mutant. Pas un de ces mutants de films d’horreur, non un mutant capable de changer d’état plusieurs fois par semaine, voire par jour sans que son enveloppe extérieure n’en révèle le moindre signe. Par contre, à l’intérieur, c’est très différent.
Le plus souvent (mais pas de généralisation) « On » endosse le comportement supposé lié à sa dernière transformation. Pas plus que le papillon il ne se souvient de sa vie avant sa dernière métamorphose.
Les conflits entre les « On » sont donc, si l’on admet ce point de vue, compréhensibles. Alors il est fréquent que l’on dédie des espaces spécifiques liés au niveau de mutation des « On ». Mais il y en a beaucoup trop et l’espace public doit donc être partagé. Et c’est là que tout se complique.
Depuis Georges Pompidou et sa fameuse déclaration (début des années 70 pour ceux qui n’étaient pas nés), « On » considère majoritairement (une vraie majorité, pas une majorité obtenue grâce à des abstentions) que <>. D’où ce que M. Darmian a parfaitement décrit plus haut.
Il en résulte que « On » dans sa voiture est souvent excédé par « On » sur son vélo. Il ne va pas assez vite et il le double au risque de le faire chuter alors que cent mètres plus loin le feu vient de passer au rouge et que « On » à vélo va se retrouver à son niveau avant qu’il ne repasse au vert, sans même donner un coup de pédale pour peu que la rue soit légèrement en pente.
Bien entendu pas un seul mutant n’est blanc comme neige.
Les exemples sont nombreux et pour ceux qui ne le sauraient pas encore, dans une ville moyenne de bord de mer proche de mon domicile, « On » peut se faire flasher par la police municipale s’il dépasse la vitesse faramineuse de 10 km/h sur la piste cyclable.
Il est vrai qu’elle est empruntée par une foultitude de mutants (automobilistes exceptés) et que des accidents graves dont un hélas mortel entre vélo et rollers s’y sont produits.
Cela pose un vrai problème d’aménagement. Trop souvent (dans ma région en tout cas), les pistes cyclables se résument à quelques lignes de peinture sur un trottoir plus ou moins large ou tout le monde doit cohabiter. Trop souvent elles débouchent sur… rien ou dans une rue à contre-sens. Trop souvent elles servent d’arrêt minute (dans le meilleur des cas) aux livreurs ou automobilistes, certaines peuvent être accessibles aux services de sécurité, ce qui peut sembler compréhensible mais du coup certains automobilistes pressés et peu scrupuleux les empruntent pour se dégager des embouteillages.
À contrario, et c’est un contre exemple intéressant, quid du partage (réglementé et organisé) de la plate-forme du tram où l’on peut circuler à vélo en toute sécurité, hors pollution sur des axes vitaux le plus souvent et pas seulement touristiques.
Il est vrai qu’avec le temps, même si ça reste théoriquement interdit, l’usage s’est répandu (ainsi qu’une certaine tolérance) et vélos, livreurs à vélo, vélos-taxi… y cohabitent avec les rames du tramway et ce sans incident majeur.
Ce comportement anarchique en apparence est finalement plus responsable et citoyen que la plupart des décisions prises à la hâte, souvent à la veille d’élections locales, sans qu’une véritable politique avec des choix affirmés ne soit mise en œuvre. Peut-être serait-il temps de le prendre en compte et de réaliser les aménagements et d’en édicter les règles d’usage.
On pourrait y voir le fait que les mentalités des usagers changent peu à peu et que les mutants vont finir par garder en mémoire les expériences acquises dans leurs différents états de mutation. Du moins on peut l’espérer mais surtout, c’est aux pouvoirs publics de les y aider. Encore faudrait-il qu’ils délaissent de temps en temps leurs voitures de fonction qui traversent la cité à grande vitesse, précédés et suivis de motos aux sirènes hurlantes… Certains (nes) le font prenons exemple sur celles et ceux qui n’y voient pas un écorniflage de leur image.
Merci M. Darmian pour ce que vous avez déjà fait malgré toutes les difficultés qu’on imagine et bon courage à celui, celle qui reprendra le flambeau.
Cordialement
Vent d’Est
http://www.lepoint.fr/tiny/1-1863858
À l’attention de M. Darmian : quelques guillemets et o majuscules de « On » ont disparu à l’édition, de même pour la citation de Georges Pompidou « C’est à la ville de s’adapter à la voiture et non l’inverse ». Si vous publiez mon commentaire, pouvez-vous avoir l’amabilité de porter ces corrections.
Cordialement
Devoir accompli !
Comment se _dévêtir _ aussi simplement de tous tes costumes ‘ tes responsabilités’ tes obligations ‘ politiques ‘sociales’ culturelles ..j’en passe .,les joies familiales valent bien des sacrifices ,……mais au fil de mes centaines de lectures…..je n’en trouve pas …
Tant mieux
En tant qu’ancien trésorier du Club, pendant plusieurs années jusqu’en 2008, je peux témoigner de la qualité du travail accompli sous la houlette de Jean Marie. Je pense me faire l’ interprète du plus grand nombre de ses membres et en particulier ceux qui siégeaient régulièrement au bureau. Comme eux , j’ai pu apprécier les facultés de meneur, de décisionnaire de Jean Marie sans toutefois oublier ses qualités personnelles, à savoir l’écoute des autres et le respect du déroulement des débats. Le tout avec la chaleur humaine et l’empathie qui le caractérisent en un mot l’humanisme qui transparait dans ses articles sur le blog.
En particulier ceux faisant référence à son passé et aux personnes qui ont façonné sa personnalité.
Pour tous ces moments forts y compris, bien sûr, le court séjour à Créon pour inaugurer une piste cyclable je te remercie Jean Marie et j’ espère encore longtemps profiter de tes écrits , de ta vision des choses que je partage pour beaucoup et en un mot de ton amitié.
Au plaisir de te revoir et de te lire .
Jean François Dehlinger
Triste de te voir partir et heureuse de te voir partir….. Le vélo, ici chez nous, reste, et restera j’espère le vélo.