Ce samedi il ne sera probablement pas titulaire dans l’équipe de l’Inter de Milan qui jouera la finale de la Coupe d’Europe des Clubs champions mais il sera sur la feuille de match. Il y aura le nom de Darmian au plus haut de l’affiche… Difficile de ne pas ressentir pour un vieux footeux modeste une certaine fierté…
« Je suis de ces gens qui pensent que l’on ne promène jamais ses pieds sur la terre mais que l’on y est ancré par ses racines, accroché par le parcours qui vous a fait naître ou venir parfois d’ailleurs. Samedi soir je ne pourrai pas m’empêcher de penser à mon père Eugenio devenu Eugène, à ma grand-mère Pasqua, à ma grand-père Silvio qui étaient de cette vague d’immigration italienne arrivée pour « manger le pain des honorables Français » au cœur des années 1920 quand, sur l’écran de la télévision, apparaîtra peut-être sur l’écran le nom de « Darmian ». Rien de bien glorieux car il ne s’agit qu’un simple patronyme dans le monde du football dont on connaît les défauts et les excès.
Une « babiole » dans cette période des vedettes du show-business et de millionnaires se prenant pour de vrais chevaliers de la balle ronde alors qu’ils n’en sont que des exploiteurs, mais une seconde de bonheur réel et jubilatoire dans cette nuit française moins célèbre que celle d’Amérique. Ce sera pour moi une sorte de résurrection de mes origines : Matteo Darmian, ce trentenaire à la physionomie similaire à celle de mon propre fils, portera sur son maillot jaune un siècle de parcours différents mais marqué par l’envie de progresser.
Un jour, avant que je devienne maire de Créon, un commerçant âgé qui me connaissait depuis mon enfance m’avait lâché sous les arcades : « vous réussirez car vous êtes un bâtard, fil d’un Italien et d’une Française. Et les bâtards plus que les autres veulent prouver qu’ils sont meilleurs car ils allient deux cultures. » Qu’il repose en paix mais ces paroles me reviennent en mémoire chaque fois que je doute. Samedi j’en profiterai au maximum.
Les commentateurs français de cette rencontre continueront ainsi bêtement à prononcer « Darmiannnnnn’ » comme nul ne le fait car les Darmian sont de nulle part et ne cherche pas à se distinguer par une accentuation pédante et injustifiée. Je sais seulement qu’ils ont toujours été des voyageurs dont les origines se situeraient en Perse où une cité de terre séchée appartient sous ce nom, au patrimoine mondial de l’Humanité. Ils auraient emprunté, il y a des siècles, les routes de l’espoir d’un monde meilleur ! Les lumières étincelantes de Venise depuis le cœur de l’Asie centrale, étaient attirantes. Elles les ont peut-être conduits à migrer avec d’autres vers elles qui drainaient des artisans ambitieux ou des ouvriers courageux, des étrangers aux mains habiles dont ils étaient. C’est en définitive la véritable histoire de la constitution des nations toutes faites de ces migrations successives dispersant les familles pour constituer une véritable mosaïque sociale forte de sa diversité.
Une « branche » des Darmian (1) replongés dans la misère au début du XX° siècle a poursuivi sa quête d’un avenir meilleur en partant vers la sidérurgie lorraine des maîtres des forges exploiteurs de leur vaillance et leur vigueur. Les moins audacieux, se sont installés dans la banlieue milanaise pourvoyeuse d’emplois grâce à ses industries naissantes après la seconde guerre mondiale. Bref ils ont encore maintes fois changé d’horizons et de nation ! Venus de San Stefano de Zimella où le sol ne pouvait plus les nourrir ils sont allés chercher seulement à manger ailleurs ! Les Darmian restent unis et proches malgré les distances et les choix historiques. Ils sont Ritals même partiellement et ils le restent avec plus ou moins de ferveur et de sincérité.
Matteo, le gamin de Rescaldina, cousin de fait, habitant Legnano ville où je suis allé plusieurs fois ne se doutera pas un seul instant qu’il portera à Munich les espoirs de cinq générations partagées de moins en moins pourtant entre leur passé et leur présent. Il revêtira la tunique inhabituellement jaune de cet Inter que la famille là-bas soutient majoritairement en notre nom à tous ! Nous serons derrière lui avec chaque lettre de son nom. Il évoluera peut-être sur une pelouse mythique avec des espoirs de reconnaissance dispersés en Italie, en France, avant au Canada, d’une famille éclatée sous l’effet des aléas de la vie.
Je l’avoue j’attendrai plus que le résultat, l’entrée en jeu avec son numéro 36 dans le dos ce « Darmiannnnnn’ » comme l’annoncera un commentateur agaçant, pour que notre patronyme entre avec lui dans l‘histoire du football où nous n’avons pas, mon frère et moi, même pas mis un orteil. Mieux il a effacera les souffrances d’Alain étouffé par la maladie et ils compensera ces années difficiles traversées par mes grands parents paternels ou leurs enfants Clara devenue Claire, Eugéne ou Mario en tant que « macaronis » ! Matteo sera simplement là au plus haut de l’affiche. La revanche silencieuse.
Pourvu qu’il soit solide, vaillant, efficace dans le couloir droit de la défense transalpine ! Pourvu que je puisse passer la tête haute dimanche matin dans ce monde où il faudrait renier ses origines pour laisser la France aux Français. Chez les Darmian on compense par la vaillance le vernis qui manque parfois à l’action. On joue en équipe et on sert les autres plutôt que soi-même. C’est une constante. Il en a hérité. J’en suis certain.
Matteo, ce gamin audacieux appartient à notre sang et le flocage de notre nom commun sur son maillot nous portera vers nos rêves d’enfants footballeurs les plus fous. Il a réussi à entrer dans le tournoi de géants aux pieds agiles pour donner une reconnaissance à une famille internationalisé ! Pourquoi ne pas avouer que je savoure mon plaisir! Je serai tellement déçu qu’il ne soit pas de cette fête.
Il nous offrira par procuration le sentiment que ceux qui ont fait le choix de quitter leur pays sous la contrainte n’ont jamais oublié d’où ils venaient et que leurs descendants espèrent encore transmettre cette quête de racines si précieuses. C’est dans le fond essentiel pour se construire, savoir d’où on vient ce qui n’a jamais nui à personne, pour savoir où on va ! Darmian d’Italie… c’est aussi désormais une petite part de nous ! Alors autant en profiter.
(1) Nos grands-pères étaient cousins germains
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Trouver ses racines ! Une chance quand on en a. Sinon on essaie de s’en créer en rassemblant souvenirs flous d’une aïeule trop peu connue et archives familiales qui permettent de s’identifier avec fierté à un pays, une région à l’histoire originale et aux fortes traditions.
Tout cela est un peu du domaine du rêve, mais il fait bon d’y croire.
La modeste jardinière que je suis sait combien il faut prendre soin des racines qui sont la promesse de belles fleurs, de beaux légumes ou fruits. J’ai toujours pensé qu’il en était de même pour nos enfants élevés avec des valeurs universelles qu’ils sauront défendre.
Ne jamais oublier d’où l’on vient pour savoir trouver son chemin. Nos parents nous ont guidés et là où ils sont ils doivent être satisfaits, chacun a trouvé sa voie même si, pour y arriver « nous sommes venus manger le pain… »
Bonne journée à tous
Bonjour,
Nos racines l’élément essentiel de nos arbres généalogiques qui parfois nous éclairent sur nos choix de vie. La généalogie est une clé parmi d’autres pour éreinter de la belle manière le slogan creux de la France aux Français porté par des « leaders » dont les noms sont d’origines étrangères. Regardez les patronymes de ces exaltés et vous comprendrez le ridicule de leurs discours prêchant la haine.
La généalogie ce sport intellectuel qui vous entraîne dans une enquête policière au cœur des vieux actes d’état civil ou paroissiaux ou encore notariaux pour retrouver cet ancêtre manquant. Des heures de recherches pour parfois buter sur l’impossible fille mère ou l’enfant perdu et recueilli par les bonnes œuvres. Tous ces drames resurgissent des limbes du passé et l’émotion vous étreint comme si nos ancêtres devenaient soudain présents.
Tout ces éléments rassemblés ne représentent en fait que la partie officielle, ils restent muets sur les aléas de la vie, drames des guerres avec les viols de masse ou encore les aventures sentimentales interdites.
La généalogie devrait être enseignée dans les écoles, pour moi elle est un instrument essentiel pour combattre le racisme et la xénophobie. C’est aussi une porte d’accès à notre histoire individuelle et commune.
Mais ça c’est juste mon point de vue.
bonne journée
Je regarderai peut-être Paris SG – Milan mais, pour moi, ça ne ressemblera jamais à un derby comme Castillon contre Saint-Christophe-des-Bardes. Pour les curieux, ce derby revêtait, un intérêt particulier en ce qu’il opposait deux clubs dont avait porté le maillot un prénommé Gian Maria. Figurez-vous qu’il porta aussi les maillots du 31e RG de Libourne et, et, et… des pousse-citrouille et pisse-papier du Centre-Ouest dont j’étais.