(…) Georges avança vers la porte. Laurette tout sourire dehors entra d’un pas décidé suivie par quatre enfants. « Heureusement que j’ai prévu assez pour manger pensa immédiatement Georges. Avancez. Bienvenue à vous chez le vieil instituteur maniaque. D’ailleurs laissez vos souliers à l’entrée. Ici sur le parquet vous n’aurez pas froid aux pieds et vous éviterez du travail à Laurette.

• Les enfants je vous présente celui qui a besoin de vous pour décorer son sapin que je vais aller chercher au supermarché. Monsieur Georges voici Léa et Julien dont je vous ai parlé et Mahmoud et Aïcha qui sont leurs copains. Je vous les laisse quelques minutes le temps que j’aille acheter l’arbre en pot qu’il faudra rendre aussi gai et beau que possible.
• Tiens te voici l’argent nécessaire pour en ramener un de taille moyenne. » Dans quelques instants le vieil homme se retrouverait seul avec ce quatuor qui le regardait avec un brin d’inquiétude. Ils s’acquittèrent sans problème de l’obligation qui leur était faite. « Suivez-moi il nous faut discuter pour savoir comment nous nous organisons. Je vous ai préparé un petit-déjeuner…
• Mais Monsieur (ce terme eut une résonnance particulière aux oreilles de Georges), nous avons déjà mangé avant de partir osa Léa la plus âgée.
• Es-tu certaine que c’est le cas de tout le monde ? Qui veut un chocolat chaud avec des tartines beurrées ou de la confiture ? » Le triomphe attendu ne fut pas au rendez-vous ? Personne ne leva la main. Il eut un moment de panique. Ca commençait bien mal. « Vous voudriez autre chose ? »
• T’as pas de Nutella ? demanda Mahmoud
• Mais tu sais le chocolat c’est aussi bon ! Tu devrais essayer. Et ma confiture de melon d’Espagne je suis certain que tu n’en as jamais mangé.
• C’est quoi le melon d’Espagne ?
• Une sorte de gros melon vert que l’on coupe en petits cubes et que l’on fait cuire avec du sucre. Viens tu vas voir. »

La petite troupe se déplaça vers la cuisine. Georges les invita à s’asseoir à la table épaisse en chêne massif trop longue pour lui tout seul. Il versa vite un litre de lait dans une casserole et ouvrit un pot de sa fameuse confiture qu’il achetait à une jeune agricultrice du Lot-et-Garonne venant au marché. Il distribua à chacun une assiette ornée au centre d’une scénette de chasse d’antan. Nouvel étonnement des gamins. Il devança leurs questions.

« Elles ont plus de cent ans, un siècle. Elles ont appartenu à ma grand-mère. Lisez ce qu’il y a d’écrit. » Le piège. Léa s’acquitta aisément de la tâche. Aïcha aussi mais les deux garçons patinèrent un peu pour décoder la légende. Il ne sut pas s’empêcher de les questionner : « en quelle classe êtes-vous ?

• CM1 monsieur répondirent en chœur Mahmoud et Julien.
• Ah, bon ! » Monsieur Georges n’alla pas plus loin. Il les invita alors qu’il remuait le chocolat dans le poêlon de lait à plonger leur cuillère dans le monticule jaune d’or. Ils s’y aventurèrent prudemment.
• Alors ?
• C’est bon avoua Julien en repiquant dans le tas.
• Moi-aussi j’aime bien avoua Aïcha
• C’est un peu gluant lâcha Léa et trop sucré.»

Mahamoud ne se prononça pas mais finit promptement le contenu de son assiette. Une première satisfaction pour Georges.  « Qui veut du chocolat au lait ? » Silence… « Vous ne voulez pas de chocolat au lait ? »  Aucune candidature. « Bon ce n’est pas grave ! Alors encore de la confiture sur ce pain que je suis allé chercher ce matin ? » Deux mains se levèrent pour un demi-succès. Les deux autres souhaitaient du nutella ou du Yogourt à la fraise. La rencontre débutait mal.

Heureusement la déception fut de courte durée car Laurette appelait à l’entrée pour que l’on vint l’aider à transporter le sapin. Tout le monde s’y mit et on le plaça dans un coin du salon contre le piano qui n’avait pas donné signe de vie musicale depuis plusieurs années. Qu’il était beau. Un Nordmann dense et trapu. Il respirait la joie devant les enfants qui touchaient avec intérêt ses branches et qui rêvaient déjà de le couvrir de ces décorations brillantes et lumineuses que Monsieur Georges devait bien avoir dans une boite quelque part. Ils attendaient un signe. Laurette aussi.

« Je vous propose que nous nous mettions tous au travail et que nous fabriquions de quoi embellir notre sapin… Qu’en pensez-vous ? J’ai tout préparé sur la table. Ce soir il sera magnifique car je le sais vous êtes capables de créer de belles choses. Qu’en pensez-vous ? Si ça ne marche pas je le donnerai… » Le quatuor le regardait sans bien comprendre. Ce vieux Monsieur parlait un autre langage, avait d’autres habitudes. Il paraissait gentil mais il était vraiment bizarre…

« Laurette trouve un dessous de pot et quelque chose pour isoler le sapin du parquet. Jeannette ne sera pas contente si nous laissons une trace…

 A suivre

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