La cathédrale Notre-Dame restaurée en cinq ans après le tragique incendie dont on ne connaît pas toujours précisément les causes, deviendra le symbole de l’efficacité du « macronisme » et plus largement du libéralisme. En pondant une loi spéciale votée dans des délais très brefs, le parlement a largement facilité ce « miracle ». Tout ce qui était impossible dans le droit « normal » a été aboli offrant une ouverture efficace aux donateurs et aux travaux spécialisés. L’établissement public administratif chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, prévu par la loi du 29 juillet 2019, a été créé le 1er décembre 2019. Il avait pour mission d’assurer la conduite, la coordination et la réalisation des études et des opérations concourant à la conservation et à la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Il faut bien admettre qu’en plaçant l’EPA sous la responsabilité du Général retraite Georgelin qui sera le grand absent de la cérémonie d’inauguration l’État a également effectué un acte bénéfique. Il a en effet bousculé les pesanteurs habituelles des opérations de cet ordre. En effet il a pu s’exonérer des multiples conventions internationales, d’avis spécialisés paralysants, de prescriptions techniques éloignées de la réalité. Il avait un délai à respecter et des fonds à profusion : s’appuyant sur le premier engagement et possédant les moyens d’agir il a vite compris que la confiance dans les savoir-faire concrets des artisans, des entreprises compétentes lui permettraient d’avancer concrètement et plus vite.
En atteignant 846 millions les dons ont pulvérisé les objectifs les plus élevés. Il se murmure même qu’il resterait 140 millions lorsque toutes les promesses auront été concrétisées avec un débat en cours sur leur utilisation. En utilisant la fondation Notre-Dame créée en 1992 comme organisme collecteur nombre d’entreprises soucieuses d’associer leur image à une opération de prestige ont été à des degrés divers très intéressées. Il faut également rappeler que le sommes allouées tombent sous le coup de deux niches fiscales : le mécénat culturel ou les dons à une fondation reconnue d’utilité publique. Le financement permet ainsi des déductions fiscales avantageuses potentielles.
Cet élan de générosité sans précédent a concerné 340 000 donateurs, dont une large partie de la somme venant des plus grosses fortunes de France. Aux 200 millions de la famille Arnault et du groupe LVMH et une somme identique des propriétaires de L’Oréal auxquels s’ajoutent les 100 millions de François Pinault et Total Énergies ainsi que les contributions du conseil régional d’Île-de-France (10 millions), de JCDecaux (20 millions), de la famille Bouygues (10 millions) et d’Axa (10 millions). Les Américains ont apporté globalement 70 millions de dollars. Pas de versements d’Elon Musk, de Google, d’Amazone ou de McDonald… en revanche pas mal de « petits » donateurs d’outre-Atlantique. Les grandes fortunes cumulées auraient financé ainsi 85 % des fonds récoltés. Les versements de la plupart d’entre eux sont étalés sur cinq exercices fiscaux ce qui ne rendra pas les avantages trop visibles dans les comptes.
L’autre paramètre de cette réussite repose sur la mobilisation de tous les corps de métiers très « pointus » qui ont trouvé une opportunité de démontrer leur talent. La « confiance » a dopé la réalisation dans des délais exceptionnels d’un chantier qui normalement aurait pu durer une décennie voire beaucoup plus. Dans les opérations ordinaires elle n’existe pas ou beaucoup moins. Le chantier de Notre-Dame a mobilisé environ 250 entreprises réputées d’excellence, ainsi que plus de 500 artisans, tous sélectionnés selon leurs compétences dans chaque domaine (architectes, ingénieurs, archéologues, conservateurs, scientifiques, charpentiers, maçons, tailleurs de pierre, menuisiers, échafaudeurs, cordistes, restaurateurs de peintures, de sculptures ou de vitraux, facteurs d’orgue, photographes et l’ensemble des équipes administratives….). La fameuse et inévitable concurrence libre et non faussée a été soigneusement mise de côté puisque les crédits le permettaient.
Une aventure surtout humaine car tous n’ont pas eu, comme c’est souvent le cas à « prouver » à priori leur capacité à relever les défis d’une telle reconstruction. En France le système administratif « normal « est celui de la méfiance et du fameux « moins disant » qui faute de crédits ne tient pas compte nécessairement de la qualité des intervenants. La réouverture au culte et au public de la cathédrale Notre-Dame va être exploitée jusqu’à la corde par le politique au grand dam des religieux puisque le Pape s’est fait porter pâle. Normal dans la période actuelle. Elle tombe à pic dans une période où la France a besoin d’une manifestation lui permettant de renouer avec son passé glorieux et ses références cultuelles et culturelles. Une saturation de l’espace médiatique y contribuera et on reprendra vite le chemin des dures réalités. La résilience n’aura existé que grâce au travail laïque des femmes et des hommes !
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« Le financement permet ainsi des déductions fiscales avantageuses potentielles. »
À part les grandes fortunes qui ont mis un point d’honneur, et il faut saluer leur geste, à ne pas profiter des déductions fiscales, il y a certainement un nombre conséquent d’opportunistes qui ont profité de la mesure pour faire payer leurs impôts potentiels par les contribuables lambda.
(Lorsque je fais un don à une association [les Orphelins des Sapeurs Pompiers, ou d’Auteuil par exemple], bien que n’étant pas particulièrement fortuné, je ne fais pas payer la déduction fiscale par les autres contribuables).
» Tout ce qui était impossible dans le droit « normal » a été aboli offrant une ouverture efficace aux donateurs et aux travaux spécialisés. «
La preuve que quand on veut, on peut.
Si l’on mettait un semblable acharnement à construire des logements pour les sans abris, ou les personnes logées dans des conditions inacceptables, je trouverais cela magnifique.
La réfection de la cathédrale de Paris, à part les travaux de recherche et la protection des vestiges archéologique, me laissent parfaitement indifférent (j’ai bien l’intention de zapper ce probable festival d’autosatisfaction animé par des personnages que personnellement je considère comme peu fréquentables).
L’acharnement mis par des artisans de talent à réaliser cet ouvrage, m’apparaît comme un gaspillage de compétences.
J.J. Ronchonneur compulsif.
La cathédrale incendiée est reconstruite et ouverte à la visite des uns ,à la prière des autres.L’évènement peut nous toucher à de multiples titres,qui ne peuvent se confondre avec ce qu’en fait notre société du spectacle d’aujourd’hui. Qu’un chef de l’état veuille marquer le sauvetage et la reconstruction d’un monument connu dans le monde entier en lui donnant un caractère exceptionnel ,ne me choque pas. Qu’il en soit fait un acte politique à répercussion internationale ,visant à valoriser le « génie Français »,je n’y vois que justice lorsque veut bien penser à la richesse technique,culturelle,humaine et historique que constitue l’art des bâtisseurs de cathédrales;il serait heureux que notre société asphyxiée par l’impérialisme numérique redécouvre ce cheminement du savoir faire des compagnons bâtisseurs qui faisaient œuvre pratique de synthèse de la technique,de l’art et de la spiritualité. Au passage,on peut redécouvrir ce que le numèrique peut apporter aux bâtisseurs et qui se situe fort heureusement bien au delà de l’homo numéricus analysé par l’économiste Daniel Cohen ,ou de « la fabrique du crétin digital » décrit par Michel Desmurget.
Bien sûr,l’argent a été mobilisé selon des ambitions et des méthodes de notre temps;chacun y projettera son interprétation de la motivation et de l’intérêt qui ont conduit quand même à un résultat exceptionnel qui peut inspirer quelque fierté. Évidemment,l’historien pourrait utilement venir nous rappeler comment s’est organisé le recueil de fonds ayant permis les constructions d’origine,mais les compagnons bâtisseurs étaient déjà au rendez vous des constructions à forte portée symbolique et spirituelle. C’est ainsi que s’est enrichie notre culture .
C’est le moment de penser aussi à tous ceux qui,de par le monde,tentent d’imposer leur vision du monde et de la société en s’attaquant et en détruisant tous les témoignages historiques et patrimoniaux des cultures qu’ils veulent anéantir:que signifie le dynamitage de sculptures monumentales et le pillage des musées sinon le risque permanent de voir anéanties les œuvres du travail,de la création et du génie humain par des idéologies mortifères !
Il est incontestablement plus positif et plus encourageant de voir des chefs d’état saluer le travail des architectes et des artisans,et de tous ceux qui contribuent à la sauvegarde du patrimoine de l’humanité;les discours d’un jour exceptionnel auront ils une dimension exceptionnelle? Chacun verra.
Pour ma part,j’espère pouvoir un jour apercevoir l’œuvre des « passeurs de lumière » que sont les vitraux et conclure un moment de réflexion silencieuse par l’écoute des grandes orgues de la cathédrale et de cette musique qui fait écho à une construction humaine qui dépasse le temps de notre propre existence.
Bonjour,
Trop mignon, Macron a voulu nous « donner une espérance à l’échelle humaine ». A la fois contremaître, charpentier et cordiste (un « en même temps » appliqué à l’artisanat), il nous a expliqué cette semaine comment il avait réussi à mener à bien le chantier de la cathédrale de Notre-Dame : « la clé est de ne jamais laisser de place au doute, d’avoir de bons chefs et agir ensemble ». Et aussi de bonnes chaînes de télé pour relayer la com’ présidentielle. Car depuis une semaine, on n’assiste pas à la réouverture de Notre-Dame mais bien à la canonisation de Saint Emmanuel, en direct sur France 2 et toutes les chaînes d’info. Une couverture médiatique hors-norme, pour des festivités payées pour un tiers par des fonds publics et par France Télévisions. Autant vous dire qu’on en a eu pour notre argent…( Notre-Dame : Macron canonisé en direct Arrêt sur image )
La réflexion entre hier (XIIéme siécle début de la construction de ND de paris) et aujourd’hui 850 ans plus tard nous interroge sur le pourquoi de sa construction. Et déjà ce sont les migrations de populations qui en sont la cause. La grande hospitalité médiévale, 1150-1350 expliquent les ethnologues en est la raison. Entre le 11e et le 14e siècle, de nombreux migrants, partant des campagnes, tendent d’échapper aux pics de famines ou de violences. Ils répondent aux appels d’hospitalité lancés par les villes en pleine expansion. L’ aspect socio-économique est primordial.Il fallait trouver une population pour des villes en pleine croissance : les villes vers 1150 ont besoin de main-d’œuvre pour développer la marchandisation, les corporations et, ainsi, enrichir les seigneurs des villes via des taxes (pour le passage d’un pont, pour étaler sur un marché…). Le second aspect étant également pour l’Église catholique de reconquérir des populations auparavant sous le catharisme ou autres influences pour préserver les richesses de l’Église. Le financement des hôpitaux, hospices (Maison où des religieux donnaient l’hospitalité aux pèlerins, aux voyageurs.), églises et cathédrales est régit par l’Évèque . En prétextant la doctrine de saint Augustin,L’Eglise incite à lui faire des dons plutôt que de donner directement aux hôpitaux. dons qu’elle utilisera pour créer ces établissements. Si au départ les dons proviennent des grandes familles de notables qui en attendent un retour en termes de notoriété et de stratégie patrimoniale, le développement marchand des villes et l’apparition du pouvoir bourgeois voient ces dons effectués de plus en plus par les corporations… Qui étaient d’origine chrétienne puisque sous l’auspice d’un saint. L’atmosphère religieuse, dans laquelle baignaient les pauvres lors de leur passage dans ces lieux d’hospitalité, est tournée vers la prière pour le salut de l’âme des généreux donateurs. Les lieux d’hospitalités pour ces migrants de l’époque sont noyés d’endoctrinement. Les pauvres sont préparés à intégrer les valeurs d’abnégation de soi, d’obéissance et de fidélité (à Dieu) ; prêts à intégrer un système professionnel des corporations très réglementées et autoritaires. Toute comparaison avec l’histoire actuelle n’est pas fortuite!
Après le pourquoi la construction des cathédrales et autres hospices ayant édifié aussi la fortune de l’Église vient le comment on les a construit.
Les bâtisseurs de cathédrale. Au Moyen Âge, l’architecte d’un édifice est souvent un tailleur de pierre qui, à force d’expérience et de curiosité intellectuelle, devient maître d’œuvre, le concepteur du bâtiment et le dépositaire des sciences de la construction. Sous l’égide du maître d’œuvre attaché à l’édifice, une équipe d’artisans hautement qualifiés se constitue. Il s’agit probablement d’ouvriers itinérants, suivant le maître au gré des chantiers. Ces artisans sont organisés en loges qui établissent les statuts et les règles de travail. L’édification d’une cathédrale s’étale sur plusieurs siècles. Les artisans qui se succèdent sur le chantier, s’influencent et se transmettent les techniques et les modes à travers l’Europe. Ce sont bien les pauvres venus des campagnes intégrés dans les loges ou corporations qui ont construit les cathédrales souvent au prix de leur propre existence.
A la fin du Moyen-Age, avec les épidémies et la famine, le pauvre sera rejeté et devenu responsable de tous les fléaux.
En 2024, fort de notre histoire, le clergé parisien aurait pu insister pour que, sur la photo de la réouverture de Notre-Dame, figurent plutôt les éclopés, les indigents et les lépreux, les manchots et les boiteux, les miséreux et les malades, pour qui la cathédrale a été faite si belle par ceux qui mirent deux cents ans à la construire. On aurait pu souhaiter, parce qu’elle est d’abord leur maison, leur asile, leur réconfort, qu’ils y entrent avant tous les autres, avec leurs difformités et leurs malheurs, leurs peines et leurs fardeaux.
Impossible ! Vous n’y pensez pas ! Gâcher la fête de notre bon prince. En 2024, il est partout chez lui, vous le savez bien. A Notre-Dame aussi et il a tenu à y organiser une sauterie pour ses amis. Le peuple pourra se contenter de la télé, c’est aussi bien pour lui. De toute façon, il ne comprend rien.
Chez moi, la télé est restée éteinte …
Bon dimanche n’oubliez pas de remercier le saigneur des pauvres.