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La fracture socio-économique de l’écologie spectacle

Je ne connais pas Clément Sénéchal qui a travaillé pour Greenpeace et qui a écrit un livre décapent et épatant sur le thème « Pourquoi l’écologie perd toujours » (1) et qui donne à Libération un entretien d’une cruelle authenticité qu’absolument tous les élus de toutes les tendances devraient lire. Lors du Climat Tour à Marseille il a fait sensation par son franc-parler et son analyse de l’écologie politique actuelle. Je ne m’en suis jamais caché, je n’ai jamais été un adepte forcené des Verts en leur temps et des Ecolos actuels. J’ai toujours eu une pensée pour l’amélioration du cadre de vie dans le respect maximum de la protection de l’environnement. J’ai été (et je resterai) un inconditionnel du « développement durable » et absolument pas de la « régression ponctuelle.» Absolument tout ce que j’ai accompli dans les mandats électifs s’appuyait sur les principes essentiels que sont la citoyenneté, le social, le respect de la vie sous toutes ses formes. Si chacun base son action sur ces fondements il est plus écolo que le plus véhément des écolos.

Sans lutte permanente pour éduquer, former, encourager chaque individu à devenir citoyen avant d’être consommateur de tout et n’importe quoi il n’y aura jamais d’appropriation du respect réel de l’environnement. La coopération à l’école, le travail collectif de prise en compte du milieu où l’on vit, des actions concrètes d’observation des « vies » de tous genres, la mise à disposition de chacun des moyens de grandir autrement dans le respect et la dignité : autant de pratiques que l’école a oubliées ou a méprisées pour laisser la place sur ses sujets a un repli catastrophique sur les certitudes plaquées du savoir. Tout citoyen en devenant conscient de sa responsabilité dans le quotidien sur l’évolution planétaire remplace tous les plans foireux, les actions spectaculaires et les exigences démesurées.

« L’écologie telle qu’elle s’est constituée dans les années 70 a été codée plutôt comme une cause des élites. Pourquoi ? Parce qu’il s’est construit dans ces années-là une écologie du spectacle, de la sensibilisation, qui a mis complètement la question sociale de côté. Elle s’est positionnée comme une cause qui surpasse le clivage politique, en réalité assez inoffensive, qui a donc pu être récupérée facilement par les classes dominantes» explique Clément Sénéchal. Une vision dérangeante mais tellement vraie de la situation actuelle. Le parti écolo ne mobilise que des gens installés socialement ayant les moyens financiers de se protéger contre ce qu’il dénonce.

L’ex-cadre de Greenpeace ajoute que « les classes populaires qui essaient de joindre les deux bouts sont imperméables à cette écologie de la sensibilisation : il faut avoir du temps, des ressources économiques pour changer son mode de vie. Il faut aussi avoir des ressources culturelles pour accepter ces injonctions morales et surplombantes. La sobriété chez les classes populaires, elle n’est pas choisie, elle est subie, ça s’appelle la pauvreté. »

Récupérer, réparer, revendre, cultiver, vivre en consommant très peu : les précaires appliquent à la terre par nécessité et par obligation les consignes en matière de sobriété éclairée. Eux ne s’en vantent pas. SI M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, bien des membres des déclassés socialement sont devenus écolos sans le vouloir et surtout sans le savoir. Eux n’aspirent pas à la décroissance puisqu’il la partage chaque jour.

« Il y a toutes les populations vulnérables qui ne sont pas en capacité de s’équiper suffisamment pour s’adapter au changement climatique. Ce sont les catégories populaires qui subissent aussi la pollution  d’une manière extrêmement brutale : les pollutions sonores, chimiques ou lumineuses, par exemple. Elles sont reléguées proches des sites industriels qui génèrent des externalités négatives intenses, comme les incinérateurs ou les autoroutes. » souligne dans Libé l’iconoclaste Sénéchal. Elles voudraient bien quitter les logements à cinquante mètres du périphérique parisien ou ne pas travailler dans des champs ou sur des chantiers qui ne respectent aucun règle en matière de protection. Leur parler d’écologie ne les touche absolument pas car leurs problèmes sont ailleurs. « Il y a toute une écologie bourgeoise qui fait basculer des parties entières des classes populaires vers l’extrême droite, parce qu’elles se sentent victimes d’une forme de violence symbolique de l’écologie officielle. » Courageux ce gars.

On peut vous parler de voiture électrique quand vous n’avez que les moyens de rouler dans une vieille bagnole indispensable pour se rendre au boulot. On peut vous inciter à économiser l’électricité quand votre maison des années 70 est en carton pâte et que vous vous êtes saigné aux quatre veines pour la payer. On peut vous parler de verdissement de la cité quand les trottoirs sont défoncés et inutilisables. On peut vous vanter les produits bio quand vous n’avez même pas les moyens d’acheter Les produits bas de gamme. On peut vous conseiller le vélo quand vous n’avez pas les moyens d’en acheter un. Bref « l’injustice sociale et climatique détermine la réalité écologique du monde. » Le reste ce n’est que de l’opportunisme et du spectacle. Désolé pour ceux qui deviennent verts de rage.

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Cet article a 5 commentaires

  1. Jean -Pierre ROY

    Merci, Monsieur Jean-Marie Darmian, pour ce coup de gueule qui reflète bien la pensée, de nombre de personnes et je rajouterai surtout dans le monde rural.

  2. J.J.

    « Au début était le Verbe » …et ces partis autoproclamés « écologistes » ont démarré sur un malentendu. L’écologie n’est pas une politique mais une science : éco = maison et logos : étude ou connaissance du « milieu de vie », donc aucun rapport direct avec la protection de l’environnement.
    L’ambition personnelle a fait le reste : comme César, ne voulant pas être le second à Rome, certains opportunistes se sont lancés dans ce qu’ils ont pensé être une voie royale pour réussir en politique, n’hésitant pas à donner dans les outrances et un quasi fanatisme, entraînant à leur suite des gens de bonne volonté et un peu « limite » trompés par ce qu’ils croyaient être des conduites « vertueuses ».
    Ce « mouvement » (à l’origine protection de notre environnement et de notre « cadre de vie ») s’est vite transformé en une grande arnaque nationale (et internationale), comme toujours exploitant les naïfs au profit des plus aisés.

  3. faconjf

    Bonjour,
    l’écologie est un sujet trop sérieux pour le laisser entre les mains des escrologistes, réflexion personnelle qui marque ma différence avec ces groupes d’hurluberlus ayatollahs verts détenteurs de la vérité vraie.
    Dans le journal Le Monde du 29 mai dernier, on pouvait lire la Fédération (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) représente plus de 51 millions d’habitants ) affirme : « Les collectivités organisatrices du service public de l’eau potable sont contraintes de se lancer dans une course permanente aux traitements de l’eau qui n’est plus tenable d’un point de vue sanitaire, environnemental, économique, en particulier pour les territoires ruraux. » Mais aussi : « Force est de constater que les crises de la qualité de l’eau, résultat de pollutions diffuses et persistantes, et de sa rareté s’intensifient sous l’effet du changement climatique, conduisant à une crise structurelle de l’eau. » D’autant que « des pollutions industrielles par les “polluants éternels”, PFAS notamment, sont venues noircir le tableau. » En d’autres termes les élus en charge de l’eau annoncent la fin d’un cycle historique, celui d’une eau de qualité distribuée à domicile. Parlons d’un composé le pesticide R471811. La bête est un métabolite d’un pesticide interdit en Europe en 2020, le chlorothalonil. Un métabolite est un produit de dégradation d’une molécule chimique. Tous les pesticides, et bien au-delà, en « fabriquent ». Combien ? Nul ne sait vraiment. De nombreux métabolites sont plus toxiques que la molécule-mère dont ils sont issus. Mais alors dites-moi que fait la police à Gotham city ? Ici en France c’est l’ANSES qui fait la police de l’eau en avril 2023, l’Anses publie le résultat d’analyses portant sur 136 000 prélèvements réalisés sur des points de captage représentant 20% de l’eau distribuée chez nous. Il y a du R471811 dans la moitié, et un tiers des échantillons dépassent la limite de 0,1 μg. Or, jusque là, on ne le cherchait pas. Dans le système tel qu’il est, il n’y aucune solution. Alors l’Anses se dévoue, et le 29 avril 2024, elle revoit en catastrophe ses propres travaux sur le R471811, jugé jusque là « pertinent » et le change par un coup de baguette magique en « non pertinent ». Sa limite passe de 0,1 à 0,9, champagne pour les manipulateurs. Le comble, c’est que l’Anses justifie ce mic-mac par l’obtention de documents industriels. Citation garantie de l’Agence, qui explique avoir reçu, « pour le métabolite R471811, des nouvelles données fournies par Syngenta, titulaire d’autorisations (…) de produits à base de (…) chlorothalonil. »
    Mais c’est qui donc Syngenta ? C’est une ancienne multinationale suisse de la chimie, rachetée par le surpuissant groupe chinois ChemChina, dont le PDG Ren Jianxi est un responsable du très totalitaire parti communiste chinois. Autrement exprimé, l’Anses s’appuie sur une structure d’État spécialisée dans le mensonge pour prétendre que le R471811 est un bon petit gars qui a toute sa place dans l’eau prétendument potable du robinet.
    Pas grave si vous choppez une maladie neurodégénérative Bigpharma est là pour prolonger votre agonie à grands coups de billets libellés dans toutes les monnaies du monde, c’est juste du business.
    « Afin de mettre un terme à une pratique qualifiée d’« odieuse » par les Nations unies, la France prohibe depuis 2022 l’exportation de pesticides dont l’usage est interdit dans l’Union européenne (UE) en raison de leur dangerosité pour la santé ou pour l’environnement. Deux ans après l’entrée en vigueur de cette loi pionnière dans le monde, on continue pourtant à produire en France des milliers de tonnes de pesticides interdits et à les acheminer vers des pays aux réglementations moins protectrices, comme le Brésil (première destination), l’Ukraine, la Russie ou l’Inde. Effet boomerang, ces substances chimiques très toxiques reviennent dans les rayons des supermarchés français par le biais de l’importation de fruits, légumes ou épices traités avec ces pesticides. »
    Nous vivons ensemble sur un vaisseau spatial qui croise dans un univers hostile et que faisons nous ? Du pognon, non comestible, en empoisonnant les ressources qui permettent notre survie.
    Bonne journée, buvez du vin l’eau est polluée ;-)))

    1. faconjf

      Je me réponds à moi-même ( on est jamais si bien servi..)
      « Pas grave si vous choppez une maladie neurodégénérative Bigpharma est là pour prolonger votre agonie à grands coups de billets libellés dans toutes les monnaies du monde, c’est juste du business. »
      Petite info concernant Bayer développe des médicaments, des produits de santé sans ordonnance et des produits phytosanitaires pour l’agriculture, la boucle est bouclée.
      Pour la petite et la grande histoire Bayer était une partie d’IG Farben, un conglomérat d’industries chimiques allemandes créé dans les années 1920. En 1930, IG Farben rachète près de la moitié du capital de Degesch, qui inventera le Zyklon B, un puissant insecticide. Degesch, filiale d’IG Farben, produit en grandes quantités du Zyklon B (puissant insecticide qu’elle a inventé) sous forme de cristaux pour les nazis qui les utiliseront dans les chambres à gaz des camps d’extermination. Au début des années 1950, dans le cadre de la politique de dénazification, le groupe industriel IG Farben qui est complice de la solution finale, est démantelé en plusieurs sociétés distinctes, dont l’entreprise Bayer, BASF et Agfa. Plus près de nous en mai 2016, Bayer annonce le lancement d’une offre d’acquisition de 62 milliards de dollars sur Monsanto. En septembre 2016, l’offre de Bayer remonte à 66 milliards de dollars et le 14 de ce mois, Bayer annonce officiellement que l’offre a été acceptée par les actionnaires de Monsanto. La marque Monsento disparaît pour cause de glyphosate …
      Pour revenir à mon sujet ( c’est pas de ma faute chef j’ai glissé) de la liaison entre pesticides et bigpharma, on apprend que en 2021 Bayer développe deux thérapies géniques autour de la maladie de Parkinson ( maladie neurodégénérative) , avec ses filiales BlueRock Therapeutics et Asklepios BioPharmaceutical, dans le cadre d’un essai clinique de phase 1.
      En janvier 2022, Bayer noue un partenariat avec Mammoth Biosciences pour le développement de nouvelles thérapies géniques et cellulaires dans le cadre des maladies liées au foie.
      Les agriculteurs sont exposés à des pesticides, des insecticides et des fongicides dont certains sont toxiques pour le foie. On peut citer par exemple les hydrocarbures aliphatiques, le cadmium et la diméthylnitrosamine ( NDMA pour les chimistes). Parmi les rares cas d’intoxication à la NDMA sur des êtres humains évalués dans le monde, trois cas de décès humains ont été recensés en Allemagne en 1980, après qu’ils eurent ingéré 4 doses de 200 mg NDMA sur deux ans. Ils sont morts à la suite d’une insuffisance hépatique. Deux autres cas d’intoxication par inhalation de fumée de NDMA, en 1937 et 1974, ont provoqué des maux de tête, des vomissements, la jaunisse et l’accumulation de liquide dans la cavité péritonéale.
      C’est sympa non?

  4. Alain.e

    Je recharge mon véhicule électrique à l’ aide de mes panneaux solaires , ma maison est aux normes RT 2020 ,je dispose d’ ampoules basse consommation , composte mes déchets et utilise des sacs réutilisables bien sur .
    Je dispose de toilettes sèche même par temps humides et n’ utilise pas de papier toilette évidemment .
    Je limite ma consommation d’ eau et ça se sent et ressent sur ma facture .
    Je suis l’ homo écologistus 2024 , évolution de sapiens et Neandertal , je suis biodégradable à la fin ….
    Rêve ou cauchemar , à chacun de choisir et ce Sénéchal ne parait pas si Clément , mais ces propos semble très juste .
    Cordialement.

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