Le culte de la fin du siècle dernier et du début de celui que nous vivons repose sur le mythe libéral que la privatisation de tous les systèmes de solidarité sauvera notre pays de la faillite. Une absurdité totale que plus personne ne dénonce car la valeur de la participation commune équitable à la vie collective. D’ailleurs est-ce que la notion de vie collective a un sens puisque nous sommes entrés dans le chacun pour soi. La devise de la République est devenue en quelques années Sécurité, « Egolité » et Animosité avec une tendance à rendre les autres responsables de tous nos maux individuels !
Avec deux livres un journaliste a cassé la belle mécanique consistant à se gaver financièrement sur les défaillances de ce qui faisait la force de la démocratie : les services publics. Il a dézingué la privatisation de la dépendance de la fin de vie en s’intéressant aux EHPAD. Victor Castanet attaque la base de la pyramide des âges en dévoilant l’exploitation par des structures financières de l’accompagnement de la petite enfance. Dans le deux cas l’obsession du profit altère considérablement le service rendu allant jusqu’à la mise en danger de celles et ceux qui mettent leur confiance dans des établissements essentiellement préoccupés par les bénéfices potentiels à réaliser.
Prendre en charge une personne ayant des difficultés physiques ou psychiques reste une vraie mission de solidarité avec des contraintes éthiques et surtout une ouverture possible à toutes celles et tous ceux qui en ont besoin. Est-ce normal que le malheur des gens relevant de cette prise en charge serve de support d’enrichissement des actionnaires de fonds de pension britanniques ou américains ? Le principe même d’un lien entre détresse et argent est inadmissible. L’absence totale de prise en compte réelle d’une modification de la courbe démographique a conduit à volontairement laisser le « marché » régler l’offre indispensable. En Gironde par exemple il n’y a plus depuis plusieurs années de création de lits publics d’EHPAD… alors que les demandes croissent de manière exponentielle.
Pas une semaine sans que je sois sollicité par une connaissance ou un ami dans l’urgence pour trouver une solution de prise en charge de l’un de ses proches contraint de quitter son domicile. L’urgence médico-sociale n’existe pas. Sauf à avoir un budget disponible de 35 à 45 000 euros par an pour trouver une place dans le secteur privé l’angoisse de ne pas trouver de prise en charge publique à un tarif acceptable survient inévitablement. C’est la France inégalitaire. C’est la France de la débrouille. C’est la France des réseaux. C’est la France de l’imprévoyance.
Il en est de même pour la garde des enfants dans laquelle les collectivités locales et la Caisse d’Allocation familiales sont les garantes d’un service de qualité. Enfin la seule préoccupation devient rapidement le coût. Les autorités de tutelle imposent des mètres linéaires de règles, de contraintes multiples aux structures publiques mais comme c’est le cas dans tous les secteurs privatisés (santé, solidarité, éducation, sécurité…) elles ne sont peu regardantes. Et lorsqu’elles exercent leur droit de contrôles elles se retrouvent accusées d’ingérence ou de parti pris ! Tri des enfants en fonction des revenus des parents. Tarifs prohibitifs reposant sur l’utilisation des niches fiscales potentielles. Personnel instable. Recherche du prix de revient minimum. Les clés du système privé.
Pour ma part depuis plus de quarante ans maintenant j’ai défendu la prise en charge par les parents eux-mêmes avec le soutien de la collectivité des structures d’accueil des enfants. En u mandat de président de communauté de communes ont été pris en charge quatre crèches neuves et un relais assistantes maternelles. Tous ces lieux mis à disposition par la puissance publique sont gérés directement par des citoyens motivés (1). Leur objectif est simple : équilibrer un budget permettant le meilleur accueil possible de leurs enfants. L’économie sociale et solidaire dont la Gauche obsédée par le tout municipalisé ou étatisé a oublié la valeur doit être cette troisième voie de l’autonomie, de la responsabilité et de la solidarité. Elle est exigeante. Elle doit être codifiée et sécurisée mais elle offre une solution conforme à l’intérêt des partenaires concernés.
Dans le contexte actuel où les finances publiques sont en berne et où la démocratie balbutie l’autogestion associative citoyenne devrait être encouragée, développée et soutenue dans les secteurs médical, médico-social et social ainsi que dans celui de l’économie de proximité. On en est loin. Très loin. La privatisation avance toujours plus et tous les livres de Victor Casstanet (2) ne changeront pas la donne. Un État exsangue n’a plus de place pour l’innovation. Il est devenu en quelques semaines après la dissolution celui de la distribution de rustines.
(1) Le partage du pouvoir local Editions Le Bord de l’eau sur les plateformes de vente.
(5) Les fossoyeurs (Fayard) et les Ogres (Flammarion) Victor Castanet
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Si l’Etat est devenu un « distributeur de rustines », alors on va pouvoir continuer à rouler en ‘Roue Libre ». Ouf!
Bonjour à tou(te)s et félicitations à JMD pour ses exploits renouvelés chaque jour.
Bonjour Christian
Je m’associe à ta prose du jour en nous souhaitant un été indien!
ça nous changera
PS Je n’ai pas mis les pieds en Gironde cet été; désolé…
On prétend que l’argent n’a pas d’odeur, moi par contre j’observe qu’il répand des remugles assez insupportables et nauséabonds.
E S S, citoyenneté, entraide et entreprises solidaires ! Des gros mots ! Et pourtant des citoyens qui arrivent à s’organiser peuvent accomplir de beaux projets.
Il y a une vingtaine d’années, nous avions organisé en fournissant documentation conseils et matériel, dans un environnement rustique, un « Caravélo » qui permet aux élèves dispersés dans de nombreux hameaux assez éloignés, de rejoindre leur école à vélo, encadrés par des parents responsables qui se dévouent à tour de rôle pour sécuriser les petites caravanes. Dans une commune voisine, un « Carapat » du même modèle n’avait pas survécu, faute de bonnes volontés.
Et puis, le temps passant, j’avais oublié notre Caravélo, mais il y a quelques jours j’ai lu dans le canard local que l’entreprise fonctionnait toujours grâce probablement aux premiers bénéficiaires et d’autres citoyens de bonne volonté qui ont repris le flambeau.
Il y a des jours on a quelque satisfaction de constater que nos efforts et notre implication n’ont pas été vains.
À ma connaissance d’autres organisations de ce genre existent surtout dans les Deux Sèvres.