Après avoir écrit et déposé son testament chez Maître Pineau notaire à Nice, Antoine Bertal effectuera plusieurs ajustements en mais jamais il ne toucha à son legs en faveur de la mairie de Créon. Il décéda le 2 janvier 1895. Les heureux bénéficiaires de sa générosité furent avertis.
C’est avec une énorme surprise que les élus créonnais apprennent le 21 février 1895 que celui qui a quitté la ville il y a plus d’un demi-siècle leur attribue une fortune colossale. Dans le fond il ya peu de monde qui a un souvenir d’Antoine Victor Bertal qui s’est installé sur Toulouse. La lettre officielle du Préfet décrit les sommes allouées et les conditions nécessaires pour les obtenir. La situation est compliquée puisque Créon n’a plus de maire. En effet le notaire Gaston Boudet est décédé le 21 janvier. Il appartient à son adjoint Ulysse Gouilleau de faire face à la situation. Il convoque le conseil municipal le 21 février pour lui communiquer le contenu de la missive. « Si ce pauvre Gaston était là affirme-t-il je serai plus rassuré. Nous allons prendre conseil de l’administrateur provisoire de son étude, maître Bouchet car il nous faudrait un état réel de tout ce qui nous revient ».
Tout le monde est sous le choc. Un musée ? Des tableaux ? Une bibliothèque ? Autant d’inconnues qui affolent un peu cet aréopage de notables plus ou moins conscients de l’importance du legs. Elu maire le 24 février le Docteur Émile Saligue aura en charge l’exécution des volontés testamentaires de Bertal. Il affrontera une longue série de procès des frères du rentier qui retarderont durant…douze ans la réalisation des exigences de celui qui n’aurait pas imaginé pareille hargne. Ce sera l’objet de réunions très animées au sein du conseil municipal.
Réélu en 1896 avec une liste composée par les sortants le médecin aura le verdict définitif de la Cour d’appel d’Aix en Provence le 13 février 1898 : le testament est validé ! « Chers collègues Créon va percevoir environ 316 000 francs en espèces ou en titres, une villa rue Lamartine à Nice évaluée à 70 000 francs et le mobilier, la bibliothèque, les tableaux qui atteignent 12 795 francs (1) annonce le premier magistrat. Dès que nous serons autorisés par le Ministre de l’intérieur à le percevoir nous attaquerons la construction du musée en surélevant la mairie. Ce n’est qu’une question de mois ».
Un programme qui mettra dix ans avant de se réaliser. Si les obligations ne sont pas remplies l’État récupérera le legs ! Sur les conseils du notaire niçois la maison, la bibliothèque, les meubles, la cave sont vendus sur place de manière plutôt suspecte. Et le 6 novembre 1903 les élus apprennent que la part de la dotation communale ne serait que de 142 337 francs (2). On est loin des estimations initiales. Mais c’est déjà considérable.
La rénovation complète de la mairie rabougrie et sale va constituer la première tâche. Elle n’aurait jamais été possible avec un budget commune de… 13 952 € (2) ! L’architecte Grange va établir un projet en tous points conformes aux volontés d’Antoine Victor Bertal. Le chantier débutera le 5 août 1906 et donnera lieu à une manifestation grandiose avec la pose dans le sol de l’entrée un tube avec un message destiné à la postérité. Il faudra pas moins de trois autres années et un peu plus de 22 000 francs (sur les 50 000 touchés) pour que tout soit terminé et que le fameux musée soit ouvert au public le 21 février 1909 après une inauguration . Les œuvres d’art sont arrivées en 1902 dans un wagon spécial et ont été entreposées dans l’ancien dortoir de l’école de filles.
Tout sera l’objet de contestations, de polémiques, de votes serrés. Émile Saligue personnalité contestée a couronné la première rosière le 2 septembre 1907 mais le climat est délétère pour des raisons politiques consécutives à la loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905. Le conseils explose en deux blocs ayant six voix chacun. Impossible par exemple de séparer les deux candidats au poste de conservateur. Il faudra attendre les élections municipales de 1908 et la défaite du Dr Saligue au poste de Maire et l’élection de Bernard David pour que la situation se calme.
Les 180 toiles du legs Bertal ont été disposées par M. Graton désigné comme responsable du lieu dans la salle au second étage de l(‘Hôtel de ville. Les visiteurs sont nombreux. Cet homme recruté à Bordeaux où il exerçait comme artiste et professeur de dessin, dresse sur un petit carnet au crayon à papier un recensement des œuvres avec un estimation très approximative. Ce pauvre Antoine Victor Bertal rêvait d’un autre Créon que celui du début du XX° siècle. Tout ce qu’il avait souhaité ne durera moins de dix ans… un seul jeune ayant témoigné d’une passion pour les arts est désigné en dix ans et lentement les tableaux vont être dispersés vers l’église, les écoles et… chez quelques amateurs sensés les protéger. Mais ce n’est rien par rapport à e qu’il se produira dans les années suivantes !
(1) 180 millions d’ euros
(2) 5 millions d’euros
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