Le jour où en 1979, Christian Grené apprit qu’il appartiendrait à l’équipe du services des sports de Sud-Ouest qui suivrait le Tour de France il touchait déjà à l’un de ses rêves. C’était à la fois une reconnaissance et une aubaine. Jongleur de mots, farfadet incurable, Harry Potter du verbe, féru de Ferré, spécialiste du ballon, celui qui était en apprentissage pour devenir le « main jaune » espérait se tailler un strapontin dans la légende des cycles. Celle qu’écrivent les suiveurs ayant plus d’un tour dans leur musette en magnifiant les exploits ou en faisant pleurer sur les défaillances des chevaliers mis en selle. Aux cotés du rupestre Robert Dutein et de l’élégant Jean Eimer un journaliste respecté et talentueux.
Christian ne suivrait pas leurs joutes princières destinées à épater la cour des la Petite Reine mais il jouerait les dénicheurs de personnages ou de moments insolites ou décalés. Ce n’était pas un boulot pour lui mais une cure de jouvence inespérée. Biberonné dans un service où personne n’aimait les acrobaties de style et encore moins les excentricités d’Antoine Blondin, l’envoyé très spécial se promettait de tout tenter pour partager un « verre de contact » avec son maître. Un défi car le singe aux talents divers avait ses partenaires qui ne suçaient pas les roues et encore moins la glace. Entrer dans le cénacle nécessiterait patience et opportunisme. Antoine ne buvait pas avec n’importe qui et n’importe quand. L’homme avait ses vapeurs éthyliques d’où il ne sortait que pour devenir un alchimistes aux formules magiques.
Christian attendait son jour où il partagerait quelques instants avec celui qui bénéficiait d’un Goddet de soutien et de mansuétude. Il vint le 22 juillet lors de l’étape de Fleurance. Antoine Blondin n’avait goûté ni aux potions, ni aux tisanes, ni aux herbes du Docteur Mességué, ni au pousse rapière trop dangereux pour un habitué du régime blanc. Il avait boudé la vielle du départ préférant la tournée des chais d’Armagnac « Ce matin là se souvient l’ex reporter de Sud-Ouest il était, seul attablé dans la matinée à une table du bar des Amis ». Une occasion car il appartenait plutôt aux drôles d’oiseaux des nuits qui refaisait le Tour du monde à moins que ce ne soit la monde du Tour le monde.
« Je me suis approché et je me suis présenté explique Christian. Monsieur Blondin est-ce que je peux prendre mon petit-déjeuner avec vous ? Il m’a répondu : »Jeune homme asseyons nous et trinquons. Partageons un verre de contact.(J’ai découvert plus tard que ce calembour lui était familier). Et j’ai ainsi rompu le croissant et avalé dans mon calice ballon le vin blanc à jeun avec celui dont je buvais par avance les paroles. » Étrange première communion amicale. Elle marque le début de retrouvailles de leveurs de coude sur deux autres grandes boucles.
« Des générations d’élèves avaient appris le français avec Lagarde et Michard. Moi et je le dis sans honte, avec Bastide et Blondin. Mes parents instituteurs et soucieux comme tel que j’appris cette discipline selon le bon usage, jamais ne m’en firent grief d’autant que je m’adonnais à la lecture des seconds que durant le mois de Juillet. Si gavroche est tombé par terre par la faute à Voltaire, je suis devenu journaliste par la grâce de Blondin » explique Christian. Et le bonhomme ne manquait pas de grâce surtout dans la manière dont il traitait les mots.
Il se retrouvèrent la même année lors de la journée de repos dans la station alpine Les Menuires. Le jour où Le Belge Lucien Van Impe n’avait pas réussi à mettre en bière la domination de Bernard Hinault qu’il ne distança que de 8 malheureuses secondes. Un instant sérieux le chroniqueur de l’Équipe consentit à confier à Christian ce qu’il pensait de la soixante-sixième édition du Tour de France. « Nous sommes sortis du Moyen-Age, assorti d’une conception féodale où il y avait un suzerain et des vassaux pour passer en pleine Renaissance. Nous l’avions pressenti sous Bernard Thévenet, cela se trouve aujourd’hui confirmé avec Bernard Hinault et tout un tas de coureurs que les conceptions antérieures auraient relégués à l’anonymat alors même qu’il leur est désormais loisible de s’exprimer (…) Il semble donc que l’avenir de ce Tour soit suspendu à la selle de Bernard Hinault et accroché à ses pédale à condition que le champion à la selle se double d’un champion à la ville, ouvert et avenant ce qui n’est pas encore fait » Visionnaire l’Antoine ! Propos à rapprocher du Tour de cette année.
Il ne s’empêchait jamais de mêler le sérieux et l’incongru, le mythique au banal, l’humour et l’amour. Ainsi lors d’une rencontre à Auxerre avec le Maire, Ministre des Sports en 1979 il protesta vivement contre le refus d’un bar de la ville de lui servir un verre d’alcool en raison de la proximité d’une…église. Christian a conservé cette demande officielle : lancer la construction « d’un bar de 100 000 places avec une église à moins de 300 mètres »… Christian c’est mon « Blondinet », mon nain jaune, c’est mon Lagrêne, celui qui n’a jamais assez cru en lui. Celui avec lequel les verres de contact m’ont aidé à voir la vie en rosé et pour lui en jaune !
En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Je pense que Kiki doit se prélasser du coté de l’ile d’Oléron…
Mais il n’aime pas trop que l’on ressasse ce passé où il a aussi beaucoup souffert du temps du célèbre président BEZ.
Je dois d’ailleurs nos retrouvailles au fait qu’il fût « limogé » à Bayonne aux infos générales…
Allez bonne journée quand même!
Bonjour Gilou.
Je certifie exact le texte de Jean-Marie. Sauf que je n’ai pas été maire de Bayonne, ni père ou grand-père de François, en son temps joueur professionnel aux Girondins de Bordeaux. Je ne m’appelle pas Grenet mais Grené, ainsi défini par M. Robert: « Qui offre à la vue ou au toucher une multitude de petits grains rapprochés ». On dit aussi « un beau grené, le grené d’une gravure… »
L’heure du Berger a sonné! Je lève mon verre à la santé des ami(e)s.
Enfin, on met un visage sur le fameux personnage Antoine Blondinet