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Triomphe potentiel de l’ignorance et de la passivité

Qu’est-ce qui est le plus dangereux pour une société réputée démocratique : la contestation ou la banalisation ? Bien entendu selon le pouvoir le premier comportement parfois accompagné de violences, devient très vite le mode d’action sur lequel se focalise la communication. Il est pourtant certain que le second constat qui se répand à une allure vertigineuse aura un impact sur la vie sociale des prochaines années et ce dès dimanche soir. la passivité (50 % d’abstention) et l’ignorance (un Français sur 3 votera pour les extrêmes cumulés) attesteront d’un cap franchi sans encombre. 

Depuis des semaines le poids des mots a en effet perdu tout son sens. Ils sont utilisés de manière tout à fait ordinaire alors qu’il y a quelques années ils auraient provoqué des vagues indignées. La résignation a envahi les esprits. La Résistance n’existe plus. Le fascicule de Stéphane Hessel a pris un sacré coup de vieux. « Indignez-vous ! » qu’il écrivait comme une exhortation à ne pas laisser écraser les valeurs fondamentales du vivre ensemble. Plus rien ne choque ou ne révulse.

Comme la France a perdu sa mémoire dans les réformes absurdes des programmes scolaires et comme les citoyen.ne.s se foutent pas mal de la dérive des comportements qui ne les concernent pas directement, les propos les plus outranciers n’interpellent qu’un nombre réduit de personnes. Et leurs protestations ou leurs condamnations n’ont aucun impact.

Les expressions ou les qualificatifs utilisés par les extrêmes de l’échiquier politique sont entrés donc dans le discours de parlementaires ou de ministres afin de dédouaner l’État républicain de son incapacité croissante à endiguer des phénomènes de violence. La surenchère verbale tient lieu d’argumentation politique mais surtout pas de solution aux constats implacables du quotidien. La société s’effondre sur elle-même, s’enlise dans le marais nauséabond de la démagogie, se prélasse dans le racisme ordinaire, étouffe sous les préceptes religieux, se nourrit de médias orientés.

Il y a quatre-vingts ans en ce 10 juin le paisible bourg limousin d’Oradour-sur-Glane a été anéanti en quelques heures par une action brutale, méthodique et délibérée d’une partie de la division Waffen SS Das Reich. On dénombrera 643 victimes dont plus de 200 enfants. Le veille après avoir raflé les hommes de 16 à 60 ans, les  SS et des membres du Sipo-SD raflent 120 habitants de Tulle pour une pendaison collective (99 sont effectivement suppliciés). Dans les jours qui suivent, 149 hommes sont déportés à Dachau où 101 perdent la vie. Au total, les crimes de guerre  font 218 victimes civiles  à Tulle. Et les faits de ce genre ont été nombreux parsemant le pays de sang et de larmes.

Il y a maintenant 53 ans (9 mars 1971) l’Ordre nouveau trois mille personnes assistaient à la présentation officielle du mouvement. «Il faut faire un parti révolutionnaire. Blanc comme notre race, rouge comme notre sang et vert comme notre espérance», lance à la tribune François Brigneau, l’un de ses leaders.  Parmi les fondateurs, l’Ordre nouveau avait fédéré à partir de 1969, d’anciens SS, des nostalgiques du régime de Vichy ou encore d’anciens militants de l’Algérie française.  Le Front National prendra le relais et inexorablement parviendra grâce à des slogans, des falsifications, l’exploitation des crises sociales, politiques, économiques à faire oublier ses origines.

Au premier scrutin auquel le FN apparaît (législatives de 1973) il réalise 0,52 % des suffrages exprimés et Le Pen père un peu plus de 5 % sur une circonscription parisienne ; Il y a cinquante ans aux présidentielles il cumule 0,75 % des voix ! Qui aura en mémoire ces réalités ? Rien à voir avec le RN clament les exploiteurs de l’ignorance citoyenne. Les mémoires sont aussi faibles et courtes que les SMS ou les tweets des gamins de notre époque.

Quelque 600 militants d’ultradroite, en majorité habillés de noir et le visage masqué, ont défilé dans les rues de Paris le 11 mai dernier en exhibant des drapeaux avec des croix celtiques et en scandant « Europe jeunesse révolution », le slogan du syndicat d’étudiants d’extrême droite Gud (Groupe union défense). Pour commémorer la mort de Sergio Ramelli, une figure du mouvement social italien (MSI), fondé après la mort du dictateur Benito Mussolini, quelque 1.500 néofascistes ont défilé début mai à Milan, salut fasciste ou salut romain à l’appui.  Un défilé de quelque 300 néo-nazis, dans une attitude martiale, en uniforme et brandissant des flambeaux, dans la ville de Plauen (Est du pays), a déclenché des critiques de la gauche et de la communauté juive allemande, qu’il a qualifiées de marche comme « terrifiante » au même moment. Mais tout va pour le mieux. les opinions dominantes ont baissé la tête et continué à ne pas entendre, ne pas voir et ne pas s’indigner. 

L’indicible deviendra lundi banal. Inutile d’écouter les déclarations dimanche soir sur les plateaux de télés : aucun ne sera responsable et bien évidemment coupable. Ils iront à Tulle et à Oradour pérorer sur le malheur de ces gens du peuple morts à cause de la passivité des politiques dans les années 1930 à l’égard des fascismes. On les honorera à nouveau en 2034. Mais rien n’est moins sûr… Ce sera trop tard et encore plus loin. 

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Cette publication a un commentaire

  1. facon jf

    Bonjour,
    à force de faire du FN-RN le principal adversaire choisi pour mobiliser l’électorat hostile aux héritiers de JM. Lepen les successeurs libéraux de Mitterrand à Mac-Ronds ont consciencieusement fait son lit. L’héritière du business Lepen a parfaitement ancré son parti dans le paysage. Le libéralisme forcené introduit par Delors a fracturé le monde ouvrier en donnant le feu vert aux délocalisations voulues par les affairistes. Depuis 1984 et sans discontinuer, l’industrie qui faisait vivre des millions de Français n’est plus que friches industrielles et des salariés condamnés à la reconversion et/ou au chômage. L’ex-Chevénementiste énarque Phillipipo a modifié l’image du FN(2012) en creusant le sillon dans les milieux salariés et en poussant le vieux Lepen vers la sortie. Ses analyses rendant responsable les partis traditionnels du marasme social ont convaincu l’électorat populaire à rejoindre le FN. Les historiques du parti ne lui ont jamais pardonné la dédiabolisation et le crime de lèse-majesté à l’encontre du vieux. Le travail ayant été fait, il est lourdé comme un malpropre par la Marine qui entame alors (en 2017) l’opération séduction du patronat et de la droite dure traditionnelle. Dès le départ de Philipipo et de ses troupes, la sortie de l’euro et le référendum sur le Frexit sont abandonnés, car ils effraient les électeurs issus de la droite traditionnelle, notamment les retraités obsédés par la stabilité, dont le parti essaie de capter les votes.Patiemment auprès des petits patrons puis petit à petit et en toute discrétion elle monte les marches du Medef. Porté par d’excellents sondages, le Rassemblement National prépare activement sa potentielle arrivée au pouvoir en se rapprochant des milieux économiques et en tournant définitivement la page de l’ère Philipipo. Qu’il s’agisse de rencontres avec des figures du monde des affaires, de changements programmatiques ou de refonte des alliances avec les autres partis d’extrême-droite, le RN est toujours discret sur ces évolutions. Il sait en effet que son électorat populaire en sera la première victime. Pour accéder au pouvoir il faut deux jambes l’électorat ET l’argent des milieux d’affaires et voila comment les rôles sont distribués entre Bartoidela avec sa fausse image de proche des milieux populaires et la Marine qui cajole les premiers de cordée et les retraités de droite.
    Le tandem va bientôt franchir une nouvelle étape avec les Européennes où Mac-Ronds le poulain des banksters va se prendre une magistrale fessée.
     » Concernant la France, le paysage politique a été complètement détruit par Macron, qui a instauré une présidence personnelle, non basée sur une majorité de parti, comme auparavant. » Karin Kneissl ancienne ministre Autrichienne des Affaires étrangères.
    Le RN parvient à fédérer différentes classes sociales autour d’un discours commun visant à faire porter la douleur des réformes néolibérales sur les étrangers, qui seraient aujourd’hui « assistés ».
    Pour convaincre les Français qu’une autre société est possible, la gauche aura donc fort à faire. Avec une telle popularité des idées défendues par Bartoidela et Le Pen, invoquer la peur de l’inconnu et l’histoire du parti ne fonctionne plus. Plus que jamais, il lui faut pointer les contradictions du RN et son agenda anti-social afin de démontrer quels intérêts l’extrême-droite défendra réellement si elle parvient au pouvoir. Mais pour cela, encore faut-il que la « gauche » en question soit crédible. Les trahisons et attaques anti-sociales des parangons de la « mondialisation heureuse », du « rêve européen » et autres sociaux-démocrates rêvant de renouer avec le Mollandisme sont en effet les premières raisons de l’essor initial du RN.
    Bon repos de fin de semaine
    https://lvsl.fr/le-tournant-patronal-du-rassemblement-national-prelude-de-son-arrivee-au-pouvoir/

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