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Il fait froid en hiver…toujours pour les mêmes

Au CM2 autant que je me souvienne nous apprenions que la France était un pays de la zone tempérée. Les températures si elles avaient de sautes d’humeur ne s’installaient pas dans l’excessif. Mieux j’ai en mémoire le rôle du Gulf Stream sur les côtes léchées par l’Océan Atlantique pour nous garantir des hivers modérés. Des repères qui ne sont plus d’actualité puisque désormais, comme dans bien des domaines de la société, les événements météorologiques légèrement exceptionnels prennent une dimension angoissante. Figurez-vous que depuis quelques heures les informations sur une « vague de froid » en hiver éclipsent les guerres cruelles et même « l’énorme » remaniement gouvernemental qui se prépare, sans se préparer tout en se préparant. Une déferlante de reportages submerge les petits écrans. 

Les alertes se multiplient. Les conseils prenant les gens pour des débiles et dès demain sur les trottoirs ou les sites les plus improbables, les envoyés spéciaux décriront l’épouvantable réalité : les températures négatives s’étendront sur la France demain mardi. Une catastrophe… Nous risquons d’avoir froid! Vous verrez : notre économie en sera affectée; les transports en souffriront; le moral en subira les conséquences; la neige et le verglas bloqueront les déplacements. Bref durant toute la journée il vous sera ressassé que la semaine qui s’ouvre sera sibérienne ou presque.

D’ailleurs le Président qui veille sur tout et dirige tout, a illico convoqué hier soir la Première des Ministres qui mijotent dans la tambouille politique nationale pour un entretien ayant pour objectif d’évoquer « un certain nombre de dossiers importants comme les intempéries dans le Pas de Calais (sic) et… l’arrivée de la vague de froid (re-sic) ». Cette version officielle d’un entretien préalable à un licenciement à court ou moyen terme, a quelque chose de pathétique. Du foutage de gueule méprisant. Le remaniement serait congelé tant que le thermomètre se balade en dessous de zéro ! On ne va pas changer le gouvernement d’un pays qui grelotte. Ce serait inhumain.

Attention les prévisions sont en effet cataclysmiques. Imaginez un peu les constats pour demain tournent autour de -5 °C à Belfort, -3 à Lille, -2 à Paris, Bordeaux et Rennes, 0 à Lyon et Toulouse… et 9 à Marseille.. Mieux il est annoncé qu’en hiver la moyenne des relevés dans trente stations devrait passer sous zéro. Une situation que nous n’aurions pas connue depuis cinq ans. C’est dire si cette vague rafraichissante nécessite une intervention présidentielle avec communiqué officiel. En fait les seules personnes pour lesquelles il devrait y avoir une mobilisationce sont celles qui dorment dans la rue et qui depuis des décennies entendent des promesses qui ne sont jamais mises en œuvre. dans dix jours tout sera oublié. 

En janvier 1954 soit il y a maintenant 70 ans, l’abbé Pierre, dans des circonstances climatiques infiniment plus angoissantes, entamait une campagne pour sauver des vies humaines menacées par l’indifférence. Lors de la première semaine de l’année 1954, une première vague de froid accompagnée de chutes de neige s’abat sur le nord et le nord-est de la France. Les températures descendent en dessous de −10 °C. En raison des conditions sociales de l’époque, la France compte en effet de nombreux sans logis qui subissent de plein fouet les effets de cet épisode rigoureux.

La première vague de froid accompagnée de neige concerne notamment le Nord et le Nord-est du pays du 1er au 9 janvier 1954. Soixante-dix ans plus tard plus de 2 800 gamins dorment dans la rue. La Fondation abbé Pierre compte en 2023, 330 000 sans abri en France. On ignorait combien ils étaient il y a sept décennies mais probablement moins nombreux. Durant tout le mois de janvier le prêtre se démène et obtient que Léo Hamon présente un amendement destiné à prélever un milliard sur les 90 prévus pour la reconstruction du pays, dans la nuit du 3 au 4 (impossible sous la V° république). Il devait servir à construire des « cités de première nécessité ».

Hélas, après 72 heures de débat, le projet est rejeté. Cette même nuit, à quelques kilomètres de l’Assemblée, un bébé de trois mois meurt de froid dans le car qui abrite sa famille au milieu d’un campement de fortune. Qu’en serait-il maintenant ? Dégainerait-on le 49-3 pour l’imposer ? Où trouverait-on les fonds ? Qui aurait le courage de présenter une telle loi ? Irait-elle jusqu’au vote ? Bien évidemment elle serait repoussée puisque les réponses aux dégâts du froid ne doivent pas concerner les immigrés. 

Lors de l’entretien de l’Élysée le duo a du relire l’appel du 1° février de l’abbé Pierre ! Nul doute qu’ils le relaieront : « Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’avait expulsée… Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. Devant l’horreur, les cités d’urgence, ce n’est même plus assez urgent ! (…) La météo annonce un mois de gelées terribles. Tant que dure l’hiver, que ces centres subsistent, devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure (…) » Grelottons de honte et acceptons que notre hiver ne se transforme pas en connerie médiatique !

Cet article a 2 commentaires

  1. Philippe CONCHOU

    En Suède il a neigé mardi quelques centimètres suivis de températures continues entre -6 et -11.
    A part quelques désagréments de transports mardi matin, tout est normal, les suédois, tous bien équipés, vivent normalement, les bus et voitures circulent, les voies principales ont été immédiatement dégagées mais pas les routes et rues secondaires, les pistes cyclables ont été salées, les trottoirs sablés mais pas déneigée,etc…
    « C’est du beau temps  » m’a dit la caissière du magasin où j’achète le pain tous les jours.
    Dans ce pays où l’organisation des transports est parfaite, les gens ne râlent pas et les médias s’intéressent aux sujets qui en valent la peine.

  2. J.J.

    L’hiver 1954 fut terrible et on s’en souvient surtout à cause de l’intervention de l’abbé Pierre qui dénonça une situation tragique.
    Nous n’avons plus d’abbé Pierre, mais la situation, loin de s’améliorer s’est banalisée.

    Si l’hiver 1954 fut terrible, celui de 1956 fut pire. S’il m’en souviens, ça devait être le 6 février, Je suis parti le matin au Lycée, il « mouillassait », un temps mou, pluvieux . Et soudain dans la matinée, le ciel s’est éclairci, le vent est monté au nord, glacial.
    À midi, quand je suis revenu à la maison, le thermomètre « affichait »(terme météo de rigueur) moins 5. et ça a continué, il est descendu à moins 15 et n’est remonté que début mars.
    Entre autre inconvénient, ravitaillement de plus en plus difficile. La distribution du gaz de ville était devenue très aléatoire, les « usines à gaz » de l’époque fonctionnant au charbon. Celui ci ne pouvait plus être acheminé, suite au gel des canaux du nord les péniches étaient immobilisées.
    Les pensionnaires avaient été renvoyés dans leurs foyers, faute de chauffage, nous n’étions que quelques élèves en classe, emmitouflés jusqu’aux oreilles. J’avais récupéré un vielle peau de mouton que je portais sur mes vêtements, ce qui me donnait un peu l’allure d’Anthony Quinn dans « les canons de Navaronne « …
    Fait le plus notoire dans le quartier : un mur de pierre de taille s’était effondré sur une cinquantaine de mètres, travaillé par le gel. par bonheur, personne ne passait à ce moment.
    Et bien un mois à moins quinze, on a survécu sans qu’on en fasse « des tonnes « dans les canards de l’époque.!

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