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Bilan 2023 : la verticalité accrue du pouvoir jupiterien

Dans les deux chroniques précédentes de cette fin d’année, Roue Libre a évoqué deux évolutions inquiétantes en France : la fracture des territoires avec une domination croissante des grandes zones urbaines et la déliquescence de la vie politique. Ces deux constats en entraînent une troisième : la verticalité du pouvoir étatique. Incontestablement depuis le début de 2023 elle s’est considérablement renforcée face aux contestations provoquant de spasmes de plus en plus graves. Le Président de la République communique sur tout, conçoit tout, sait tout, dirige tout et n’assume rien.

Cette manière pro-consulaire de diriger est certes l’une des conséquences du contenu de la Constitution de la V° République, mais elle n’avait peut-être jamais été poussée aussi loin. Le système présidentiel ajouté aux outils permettant de contourner toutes les oppositions, dévore la démocratie représentative. Cette dernière ne joue plus aucun rôle, et quand elle tente d’exister, elle est vite mise en joue : 49-3 ou dissolution. A la manœuvre le maître de l’Élysée. Ce poids d’un seul homme sur la vie collective institutionnelle a été omniprésent en 2023.

La crise de la réforme des conditions d’accessibilité aux pensions a constitué le révélateur de ce comportement à la fois hautain et autoritaire. La vraie raison (un ukase de Bruxelles sur les finances de la France) a été masquée par de multiples arguments tous plus faux les uns que les autres. Peu importe les conséquences humaines de mesures strictement comptables. Il était indispensable de démontrer au reste de l’Europe que le Président avait la poigne nécessaire pour imposer le pire. Aucune concertation, aucune concession, aucune approche d’intérêt collectif : la verticalité dans toute sa splendeur.

Sous la Ve République, l’exécutif est bicéphale avec, d’un côté, le Président de la République élu directement par le peuple auquel dans la situation actuelle il ne doit rien. De l’autre le (la) Premier(e) ministre nommé par le chef de l’État est censé(e) être responsable devant l’Assemblée nationale. Les articles 5, 15, 20 et 21 de la Constitution règlent principalement, et non sans une certaine souplesse, les rapports entre l’Elysée et Matignon. En fait tout au long de 2023 ils n’ont pas été appliqués sans que l’opinion dominante ne s’en préoccupe. 

Sur tous le sujets alors que l’article 5 de la Constitution confère au Président de la République un rôle d’arbitre quand l’article 20 prévoit que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Ces définitions n’ont été véritablement appliquées qu’en période de cohabitation. Ce n’est pas le cas et donc même sans majorité, par le jeu des compromissions plus ou moins évidentes, c’est plus qu’avant le chef de l’État qui a déterminé la politique de la Nation et a exigé que la Nation s’incline devant sa volonté. Le Gouvernement n’est là que comme fusible éventuel.

Cette verticalité a été renforcée par la mise sous tutelle financière de toutes les collectivités locales. Le local parfois ferment d’un autre politique plus humaine, plus proche, plus cohérente, n’a plus de marges de manœuvre. Il est soumis désormais à tendre la sébile pour espérer obtenir des dotations octroyées par la Loi annuelle des Finances. Le renouveau de la décentralisation qu’Emmanuel Macron avait promis aux maires de France n’a pas eu lieu, voire pire, la réforme de la taxe d’habitation a enterré les espoirs « girondins ».

Principale ressource des territoires avec quelques 22 milliards d’euros de « recettes au profit des collectivités territoriales1 » la taxe d’habitation dont l’assiette fiscale est moyenne touche plus de 29 millions de foyers français. Elle a disparu en 2023 emportant avec elle les espoirs « d’autonomie de gestion. La férule étatique n’a pas été, dans les faits aussi forte jusqu’à cette année. Cette stratégie a renforcée dans les faits de manière souterraine mais efficace, le « centralisme » dont rêvent les élites de l’administration centrale.

Beaucoup moins de présence des représentants de l’État au contact de la population, surveillance accrue des gestions locales, renforcement constant des normes et des textes réglementaires : 2023 a consacré l’éloignement du Président avec les élus locaux dont il n’a jamais fait partie. La « décentralisation » n’aura aucun intérêt si l’on reste sur les bases présentes du financement communal, intercommunal, départemental et régional.

Le Président a tous les leviers en mains. Il les a maniés de manière superficielle et autoritariste au cours des derniers mois. Les traces sont indélébiles dans les esprits. La réforme des retraites, la loi immigration ou les budgets nationaux passés en force et sans débat confirment cette verticalité d’un pouvoir à la dérive, incapable de négocier ou de coconstruire. «J’assume les choix qui sont faits, et je hais l’exercice consistant à expliquer les leviers d’une décision», affirme le Président. Dont acte.

Ce champ est nécessaire.

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Cet article a 5 commentaires

  1. Gilles Jeanneau

    Une dérive de plus vers la dictature qui nous est promise avec la Marine Nationale…
    Mais ton analyse m’attriste encore plus quand on est obligé de constater que c’est avec la complicité ou la duperie, je ne sais, de la majorité du peuple…

  2. facon jf

    Bonjour,
    je suis complètement d’accord avec votre analyse. Le financement du bloc communal une question qui vient immédiatement à l’esprit conséquence directe du faux cadeau de la taxe d’habitation.
    Les cerveaux musclés de l’ INSEE ont trouvé la solution pour prendre dans nos poches 11 milliards d’€. Et en plus la motivation révélée dans le rapport bien Français c’est la justice fiscale mais oui ! Le rapport est intitulé  » Non‑Taxation of Imputed Rent: A Gift to Scrooge? Evidence from France » qui se traduit dans la langue de Molière par:  » La non‑imposition des loyers imputés : un cadeau pour Harpagon ? Une estimation dans le cas de la France ».
    Quelques extraits du résumé en témoignent les rapporteurs ont trouvé la martingale.
    « Le creusement spectaculaire des inégalités de richesse alimente le débat sur la possibilité de taxer le patrimoine…Cet article examine le potentiel impact redistributif de l’imposition des loyers imputés, c’est‑à‑dire des loyers que les propriétaires devraient payer s’ils étaient locataires de leur bien. Nous estimons les économies d’impôt correspondantes et leur répartition entre les ménages en France à l’aide du simulateur fiscal . Nous évaluons à 7 % du revenu national net le montant des loyers imputés nets, leur non‑imposition constituant des dépenses fiscales cachées pouvant aller jusqu’à 11 milliards d’euros par an. La non‑imposition constitue ainsi la plus grande dépense publique envers les propriétaires occupants. Elle profite principalement aux ménages les plus âgés et les plus riches. »
    Un véritable tour de force que de faire passer un non-recouvrement comme une dépense publique! l’autre tour de force est de laisser croire que la cible est constituée par les vieux Harpagon riches et que les autres seraient épargnés… Chapeau les artistes!
    Fiscaliser à l’extrême l’immobilier c’est mettre le pied sur la tête de l’ensemble des professions qui en vivent en temps normal et en survivent actuellement. Mais qu’importe il faut complaire au Mozart de l’économie qui considère que la start-up nation à besoin des capitaux figés dans l’immobilier. Il faut donc torpiller le bâtiment quelques soient les conséquences désastreuses sur ses emplois non délocalisable. Qu’importe si des tas de retraités laminés par l’inflation vont se retrouver avec des impôts largement rehaussés par des revenus fictifs. Qu’importe si cette mesure efface la promesse du Méprisant en mai dernier de baisser les impôts des classes moyennes de 2 milliards d’ici son départ. Il est coutumier du tour de passe-passe consistant à prendre dans notre poche l’argent qu’il claironne nous offrir.
    Sur un malentendu ça va passer crème, comme disent les d’jeunes.
    En attendant nous allons nous régaler du nouveau feuilleton judiciaire intitulé  » Pénicaud à Las végas » . Dommage la fin est déjà  » spoilée » ou divulgâchée en Français car la justice aux ordres va tout faire pour sauver ce bon soldat de la première heure  » aux services de sa Majesté ».
    bonne journée

  3. J.J.

    « Ce poids d’un seul homme sur la vie collective institutionnelle », en parlant de certains pays considérés comme hors des états auto considérés comme « vertueux(les pays démocratiques dits de l’ouest), on appelle ce seul homme un dictateur ou un autocrate ou tout autre « épithète diffamatoire ».

    « Cette verticalité a été renforcée par la mise sous tutelle financière de toutes les collectivités locales » ….qui, avec les difficultés croissantes et les obstacles jetés dans les jambes des élus locaux, considérés en haut lieu come incompétents et parfois rebelles , mènera à leur disparition, avantageusement remplacés par de tout puissants « missi dominici » aux ordres et issus de la plus ou moins haute administration. Enfin l’ordre régnera.

    1. facon jf

      @JJ un missi dominici ou un Gauleiter à la Française ?

      Gauleiter Responsable politique du parti nazi (à partir de 1925), et responsable administratif (à partir de 1933), d’un Gau (subdivision territoriale dans l’Allemagne nazie).

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