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Le menu « Pisa » est dur à digérer

Si l’on en croît l’expression voulant que « raison ne soit pas comparaison » les résultats de l’opération consistant à classer les systèmes éducatifs mondiaux à partir de tests sur les résultats des élèves de 15 ans mériterait bien d’autres analyses que le rang constaté. Pour s’en convaincre il est indispensable de dépasser encore une fois les effets du classement pour entrer dans les causes. Or comme le veut le réflexe médiatique on ne prendra que le sensationnel. En l’occurrence le résultat brut indique que la France dévale la pente vers le niveau des pays sous-développés en matière d’éducation.

Le constat de l’OCDE qui gère cette étude est sans appel : « Dans l’ensemble, les résultats de 2022 sont parmi les plus bas jamais mesurés par l’enquête Pisa dans les trois matières en France. » Le rapport porte, à chaque édition, sur les mathématiques, la compréhension de l’écrit et les sciences, avec à chaque fois un focus sur l’une de ces disciplines. Cette année, il s’agit des maths. La France conserve sa place dans la moyenne de l’OCDE dans les trois disciplines, aux côtés de pays comme la Hongrie, le Portugal ou la Lituanie. Elle se classe entre la 15e et la 29e place en maths et entre la 11e et la 29e en compréhension de l’écrit et en sciences. Peu glorieux !

Illico le Ministre qui avait eu connaissance depuis belle lurette des résultats a proposé des « réformes ». Les énièmes mesures qui désavouent les précédentes et reviennent aux fonctionnement antérieur comme si encore une fois le bon sens avait été oublié. Pas un mot sur les modifications totalement décalées des occupants du ministère de la rue de Grenelle. Pas moins de 35 personnes différentes ont occupé ce poste en 64 ans sous la V° république soit moins de deux ans en moyenne pour chacun. Le plus résistant a été Blanquer qui a tenu plus de cinq ans. Une très grande majorité d’entre eux a forcément attaché son nom à une mesure salvatrice de ce secteur essentiel de la vie sociale.

Pénurie de candidatures pour devenir enseignants, intrusion permanente des maux d’une société en déshérence dans la vie quotidienne des établissements, influence croissante des parents dans un système public devant par essence rester indépendant, culte de la réussite par le fric et non par le mérite : la liste serait longue des interférences autour des élèves. Dans les commentaires des spécialistes de l’OCDE il y a un chapitre qui résume ce contexte de l’enseignement en France.

La France indique clairement que la France « l’un des pays de l’OCDE où le lien entre le statut socio-économique des élèves et la performance qu’ils obtiennent au Pisa est le plus fort », indique l’OCDE dans son rapport. La situation est toutefois stable, elle ne s’aggrave pas. Ouf ! On s’en contentera puisque il y a peu de motifs de satisfaction. N’empêche que ce paramètre est soigneusement passé sous silence car il remet plus profondément en cause les politiques conduites depuis des années. Le fossé s’est creusé entre les familles. La pauvreté à progressé. La fracture entre classes pouvant soutenir leur enfant et celles qui subissent tout sans avoir les moyens matériels et culturels de réagir. La fameuse mixité sociale n’existe pas car elle est refusée par les plus aisés.

Ainsi en maths, les élèves provenant de milieux favorisés obtiennent des résultats supérieurs de 113 points à ceux des élèves défavorisés, alors que l’écart moyen n’est que de 93 dans les pays de l’OCDE. Seuls la Slovaquie, Israël, la Hongrie, la Suisse, la Belgique et la République tchèque font moins bien. Une liste qui mériterait d’être disséquée car en dehors de la Belgique (et encore) ce sont des pays qui… chasse à fond la caisse l’immigré et n’ont pas le prétendu poids de cette arrivée dans leurs systèmes éducatifs.

Les élèves scolarisés dans les voies professionnelles (20 % de l’échantillon), bien plus nombreux que les autres à grandir dans un milieu défavorisé, ont obtenu 90 points de moins que leurs camarades des filières générales et technologiques en maths, contre 59 points d’écart dans l’OCDE. Après lissage en prenant en compte le milieu socio-économique, les élèves de la voie pro obtiennent 45 points de moins que les autres (-14 en moyenne). Dur et réel.

Autre constat : les élèves de 15 ans scolarisés dans le privé ont eu 27 points de plus que ceux du public en maths (+24 dans l’OCDE) mais, une fois le profil socio-économique pris en compte, l’écart est à l’avantage du public : +21 points, contre +11 dans l’OCDE. Autrement dit, à milieu social égal, les élèves du public s’en tirent mieux que ceux du privé. Un coté positif qui sera oublié n’en doutons pas.

Par contre les experts de l’OCDE affirment que les rapports entre les adolescents et leurs professeurs ne sont pas terribles en France. « Les pays où les élèves se sentent plus soutenus par leurs enseignants sont ceux où la chute en mathématiques est la moins forte ». Or « la France est l’un des pays où les élèves reçoivent le moins de soutien de la part de leurs enseignants » ( 52 % contre 63 % en moyenne dans l’OCDE). Mais fait plus grave  « il y a une moindre implication parentale dans le suivi des progrès des enfants depuis 2018 ». A relier à bien d’autres situations plus inquiétantes.

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Cet article a 9 commentaires

  1. Gilles Jeanneau

    Bonjour à toutes et tous
    Un seul mot me vient à la lecture de ton billet et de ceux dont tu nous as gratifié récemment: décadence. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. La France n’est plus ce qu’elle était. Et c’est triste et désespérant à la fois.
    Bonne journée quand même.

  2. christian grené

    Jean-Marie, toi le bâtisseur, le papa d’Ezio, que ne nous parles-tu pas plutôt d’Andrea, Giovanni et Nicola Pisa… no? Tous architectes et moins désespérants.

  3. J.J.

    « Pas moins de 35 personnes différentes ont occupé ce poste en 64 ans sous la V° république soit moins de deux ans en moyenne pour chacun. »
    J’avais déjà évoqué il me semble dans un commentaire cette course à la notoriété qui nous a valu parfois des moments pénibles …
     » Le plus résistant -ET LE PIRE- a été Blanquer qui a tenu plus de cinq ans.  »

    Notre inspecteur nous avait proposé dans les années 70 une remarquable conférence sur « le handicap socio culturel ». Environ cinquante ans après, il n’y a guère à changer dans les concluions, sinon une aggravation du phénomène.

    Quant à la Pisa, je la préfère avec deux Z et napolitaine.

  4. facon jf

    Bonjour,
    le couperet est tombé le ministère de l’éducation vient de recevoir son carnet de notes, c’est affligeant mais pas surprenant. Il y a tant à dire et à réformer que je m’étalerais à longueur de pages sur le sujet, je préfère m’écraser.
    PISA c’est quoi ? C’est d’après ses concepteurs l’évaluation de « l’aptitude des jeunes à exploiter leurs savoirs et savoir-faire pour faire face aux défis de la vie réelle ». Vous pouvez si vous le souhaitez consulter ce qui s’écrivait il y à 10 ans au sujet du menuisier PISA dans la vie réelle c’est très drôle.
    http://michel.delord.free.fr/pisa2013-quick.html#Le_menuisier_PISA
    On peut s’interroger sur l’évolution de l’école depuis les années 50 des classes de 40 élèves dont la moitié ne parlaient pas un mot de français à leur entrée à 6 ans en primaire (seulement le polonais, l’italien ou le Portugais suivant la région, car pas de maternelle ou de crèche à l’époque) et à qui l’école de la République arrivait à apprendre à parler, lire, écrire le français et compter parfaitement avant l’âge de 14 ans (âge du certificat d’étude ). Voilà ce dont était capable l’école dans les années 50.
    Et une blague pour finir, à peine caricaturale de l’évolution de l’enseignement des maths depuis 1960 :
    1960
    Un fermier vend un sac de patates 10 francs. Ses frais atteignent 4/5 de son prix de vente. Quel est son bénéfice ?
    1965
    Un fermier vend un sac de patates 10 francs. Ses frais atteignent 4/5 de son prix de vente, c’est-à-dire 8 francs. Quel est son bénéfice ?
    1970 (Mathématiques modernes)
    Un fermier échange un ensemble de patates P avec un ensemble de pièces de monnaie M. La cardinalité de l’ensemble M est égal à 10 et chaque élément de M vaut 1 franc. Dessinez dix gros ronds représentant les éléments de M. L’ensemble C des coûts de production est composé de deux gros ronds de moins que dans l’ensemble M. Représentez C comme un sous-ensemble de M et répondez à la question suivante : Quelle est la cardinalité de l’ensemble des bénéfices ?
    1975
    Un fermier vend un sac de patates 10 francs. Ses coûts de production sont de 8 francs et son bénéfice est de 2 francs. Soulignez le mot patates et engagez une discussion avec vos camarades de classe.
    1981
    Un fermié kapitalist privilégié sanrichi injusteman de 20 francs sue un sac de patat.
    Analiz le tekste et recherch lé fôte de contenu de gramère d’ortograf de ponktuassion et ansuite di se ke tu panse de cête maniaire de sanrichir.
    1990
    Un(e) fermier(ère) vend un sac de patates 10 francs. Ses coûts de production représentent 80 % de son revenu. Sur votre calculatrice, dessinez le graphe du revenu en fonction des coûts. Utilisez le programme PATATES pour déterminer le profit. Discutez le résultat avec les élèves de votre groupe. Rédigez une brève dissertation qui analyse cet exemple dans le monde réel de l’économie.
    2010
    Un producteur de l’espace agricole câblé sur ADSL consulte en conversationnel une data bank qui display le day-rate de la patate. Il télécharge son progiciel SAP/R3 de computation fiable et détermine le cash flow sur écran pitch 0.25 mm Energy Star. Dessine avec ton mulot le contour 3D du sac de pommes de terre, puis logue-toi au réseau Arpanot (Deep Blue Potatoes). Via le SDH boucle 4.5, extrais de MIE le graphe des patates. Question : le producteur respecte-t-il la norme ANSI, ISO, EIAN, CCITT, AAL ?
    2020
    Qu’est-ce qu’un fermier ? Qu’est-ce qu’une patate ?
    2023
    Est-ce que mettre une patate à son camarade fils de fermier harceleur est une démarche compassionnelle et empathique ?

    Le principe même de l’évaluation c’est de mesurer la compréhension ou l’obtention des savoirs et savoirs faire de l’apprenant ET des savoirs, des méthodes utilisées et savoirs faire de l’enseignant pour atteindre les objectifs pédagogiques mesurables.

    Enfin, la question de l’éducation c’est aussi factuellement qu’est-ce qu’on désire comme population ?
    Une poignée de chanceux qui réussiront toujours plus facilement que les autres , pour diverses raisons en laissant en parallèle sur le carreau tous les autres. Bref une école en mode garderie pour les uns, ascenseur spatial pour les autres, le système anglo-saxon en somme.
    Ou un modèle qui cherche à « élever » toute la population d’une manière homogène, pour améliorer l’intelligence collective des citoyens, pour être en mesure de relever les défis qui nous attendent ?

    Bonne journée

  5. François

    Bonjour @facon jf !
    – Applaudissements avec bans ! ! !
    – Bien vouloir écouter « Brighelli La fabrique du crétin you tube » (à votre bon choix !)
    Amicalement

    1. facon jf

      bonjour
      Vous pouvez offrir à Noël les livres de Michel Desmurget qui font un bien fou… à ceux qui comprennent !
      Faites-les lire ! – Pour en finir avec le crétin digital – E-book – ePub
      Michel Desmurget

  6. Baillet Gilles

    Le problème est le discrédit lancé depuis des années sur la connaissance et globalement la culture générale. On veut privilégier la bêtise et l’ignorance que l’on glorifie dans les médias. Alors on a fait de l’éducation nationale une machine à produire des crétins. C’est tellement plus facile de manipuler un peuple d’imbéciles…

  7. Laure Garralaga Lataste

    Merci à notre ami facon.jf pour sa superbe démonstration des « maths modernes »… !
    Si grâce à lui j’ai compris quelque chose… « c’est que je n’y comprendrai jamais rien »… puisqu’il n’y a rien à comprendre !

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