Il paraît que l’expérience rend pessimiste car elle permet de s’inquiéter de l’avenir à la lumière des constats effectués durant les années passées à se coltiner la réalité. Jamais peut-être en désormais plus de 50 ans ininterrompus d’engagement dans l’action sociale je n’ai éprouvé autant de doute sur les conséquences des politiques menées en France depuis le début du XX° siècle. La comparaison avec les années 1930 ayant précédé la guerre mondiale qui a ravagé la planète s’affirme chaque jour davantage.
Les indicateurs économiques nationaux, européens ou mondiaux ne se prêtent guère à l’optimisme. La sacro-sainte croissance qui doit apporter la prospérité et sauver le monde n’a plus aucun sens compte-tenu du danger qu’elle représente pour la planète. Elle mène droit à la catastrophe environnementale en cherchant par tous les moyens à produire uniquement pour vendre quelles qu’en soit les conséquences. En France un récent incident en témoigne. La polémique autour de l’ADEME ayant osé un message raisonnable vis à vis du « vendredi noir » révèle l’échec probable de la politique libérale en cours.
Aussitôt le gardien du temple de la doctrine du financement des dépenses de l’État par

justement les taxes à la surconsommation. Seule l’inflation a permis de limiter les dégâts. Deux attitudes angoissent les statisticiens de Bercy. Les ménages ayant encore une marge budgétaire épargnent mais ne consomment plus autant. Même eux cherchent par tous les moyens à moins dépenser dans le quotidien. Tous les distributeurs remarquent que le fameux « panier » moyen de sortie de caisse est en baisse alors que les prix ont augmenté.
L’autre catégorie qui ne cesse de croître regroupe les foyers qui ont du mal, beaucoup de mal à s’en sortir. Bilan : alors que l’État a un besoin impérieux de voir rentrer les taxes accompagnant une consommation soutenue, le risque est indéniable que les recettes stagnent ou chutent. Cette tendance touche les classes dites moyennes qui s’amenuisent car elles tombent inexorablement dans la précarité et la pauvreté. Tous les signaux d’urgence s’allument. Les restos du Coeur, la Banque alimentaire, le Secours Populaire croulent sous les demandes et n’ont plus la capacité humaine et financière d’y répondre.
Selon les derniers constats de l’INSEE l’inflation demeure élevée en France (4,9 % en rythme annuel) à cause de l’évolution des prix des biens alimentaires et l’énergie qui touchent justement celles et ceux qui ont des revenus bloqués. La consommation elle accuse une baisse en volume de plus de 5 % sur les 24 derniers mois. Les dépenses liées à l’alimentation chutent, elles, de plus de 10 % sur la même période ! Les fêtes de fin d’année ne s’annoncent pas sous les meilleurs auspices. Et que dire du premier trimestre 2024 qui risque d’être fatal à bon nombre d’entreprises ou de commerces.
La haine de l’autre au sens générique enfle. Dans les périodes difficiles, la tentation de rendre l’autre responsable de ses déboires enfle. Elle détériore les liens sociaux et surtout génère une violence sourde qui ne demande qu’à éclater. A partir du moment où l’extrémisme sous toutes ses facettes exploite ce sentiment pour exister ou pour le faire fructifier, plus rien n’est sous contrôle. La France se fracture sous l’influence d’événements intérieurs ou extérieurs. Un affrontement racial est en germe dans le terreau du racisme et de misère culturelle et matérielle. Il finira pas croître. La répression ne colmatera pas toutes les brèches dans le barrage que représentaient jusqu’à présent les valeurs républicaines.
Une économie chancelante avec le secteur référence du bâtiment et des Travaux publics en double crise (manque de main d’œuvre et manque de chantiers aggravé par la situation des donneurs d’ordre public), une consommation en baisse, une omniprésence des extrémismes de tous poils qui cherchent à déstabiliser la démocratie, un gouvernement tentant de dissimuler un endettement abyssal (le FMI s’en inquiète) : l’avenir paraît sombre. Pour le moment les rustines d’annonces quotidiennes qui ne seront pas tenues, masquent la réalité. Un pessimiste n’est qu’un optimiste qui a beaucoup d’expérience. Je ne cesse de le penser en écrivant chaque soir.
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