Il faudra bien un jour où l’autre que notre société remette en question un certain nombre des principes qui guident son évolution. Cette remise en cause n’intervient, la plupart du temps, que sous la pression d’événements mettant en cause directement notre confort apparent. Changer les mentalités reste la plus exigeante des philosophies, car elle nécessite des efforts considérables. Alors, pour se donner l’illusion de l’efficacité, les responsables sociaux pondent des milliers de textes, règlements, normes, contraintes, pour s’assurer que leurs certitudes se transformeront en réalités.
Les prises de position reposent souvent sur des concepts simplistes destinés à satisfaire le plus grand nombre, car ils sont inspirés par une rassurante facilité d’élaboration. C’est ainsi que notre monde se veut celui de la… vitesse. Il n’existe pas un seul secteur de l’activité humaine où on ne lutte pas frénétiquement pour réduire l’influence du temps.
On vante partout les vertus de tout ce qui se fait vite ! Les lignes à grande vitesse (LGV) pour les déplacements ; la restauration dite « rapide » pour la nourriture ; les « primeurs » pour la production et tant d’autres facettes du quotidien font que le jugement se fait en fonction de la rapidité des actions. La qualité serait basée sur la réduction de toutes les durées. On ne se pose même pas la question des conséquences réelles de cette propension collective à accélérer tout ce qui peut l’être. Et pourtant… elles sont profondément néfastes pour l’avenir même de l’Homme !
Dégâts sur l’environnement, destruction du lien social, déperdition de la qualité, impact terrible sur la santé, perte de l’identité : l’affirmer n’a rien de rétrograde. Une nouvelle conception du temps progresse de manière fulgurante dans les esprits : la journée, la vie entière, s’organisent autour du temps de travail subi ou volontaire car il procure un statut social, des revenus, et c’est autour de lui que les autres temps (loisirs, repos, vacances) se composent.
Pourtant, sa part réelle dans la vie de chacun ne cesse de diminuer. Selon l’INSEE, si tous les individus de plus de 18 ans travaillaient, chacun y consacrerait à peine 3 heures par jour. Ce temps, considéré comme dominant, ne l’est plus dans les faits. Mais nous n’avons pas encore adopté une nouvelle valeur pour le remplacer. C’est l’une des causes de la crise actuelle.
L’ère industrielle s’est fondée sur un credo : gagner du temps ! Mais la technologie bouleverse les données : la durée s’efface devant l’instantané. L’informatique permet de communiquer » en temps réel » avec le bout du monde. Nous devenons une société d’insomniaques.
Le temps perd sa valeur d’étalon du travail : les contrats où la rémunération dépend du résultat se multiplient. Nous courons en considérant que le salut passe par la maîtrise du temps, grâce à la vitesse. Nous dépensons des milliards pour gagner des minutes sur un trajet entre Bordeaux et Paris, alors que nous en perdons beaucoup plus au quotidien dans les embouteillages, à quelques kilomètres de notre domicile. Nous comptons les secondes en nous donnant l’impression que notre vie en est…allongée ! En fait, une contestation de ces certitudes, portées par l’opinion dominante, est en train de naître : la lenteur salvatrice !
De plus en plus de décideurs ou de sociologues argumentent sur les vertus de ce qui est considéré comme un handicap, alors que ce peut être un atout dans tous les secteurs de la vie collective. Un mouvement dit « slowfood » pour la nourriture, a été vite complété par un autre beaucoup moins connu qui a ses origines en Toscane et qui porte le nom de « Cittaslow ».
Il s’agit d’une conception politique globale, servant de base à toute gouvernance locale. Des villes cultivant la « lenteur » quand d’autres dépensent des sommes folles pour vanter la vitesse devient, non pas une idée réactionnaire, mais un concept révolutionnaire ! Concevoir la vie autrement, hors des schémas traditionnels, refuser la vitesse comme élément de référence, suppose en effet une forte dose d’indignation permanente, allant à l’encontre des théories portées par la quasi totalité des aménageurs.
Les principes de Cittaslow sont ceux d’un véritable programme politique appliqué par plus de 150 villes de moins de 50 000 habitants dans 25 pays sur les cinq continents. Il a adopté un manifeste qui comprend 70 recommandations et obligations pour les villes candidates comme par exemple :
la mise en valeur du patrimoine bâti existant, la propreté de la ville,
la création d’espaces verts, d’ espaces de loisirs, de voies vertes,
le développement de commerces de proximité,
la participation des citoyens au développement de leur ville,
le développement de la solidarité intergénérationnelle,
la priorité donnée aux infrastructures collectives, avec des équipement adaptés aux handicapés et aux différents âges de la vie,
la préservation et le développement des coutumes locales et des produits régionaux,
la réduction des consommations énergétiques, la promotion des technologies vertes,
la diminution des déchets et le développement de programmes de recyclage,
la priorité donnée aux modes de déplacement non polluants et aux transports en commun.
J’ai approuvé tous ces principes qui ont guidé mon action publique (1) et que j’ai tenté de mettre en œuvre globalement avec les équipes municipales qui m’ont accordé leur confiance, et c’est la raison pour laquelle il faut se battre pour que la lenteur reprenne, avec fierté et ambition, sa vraie valeur.
(1) Créon a été la troisième ville française à franchir les examens internationaux lui permettatnt d’accueillir ce label en mars 2012
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Cittaslow Belle initiative, encore faut il une volonté des pouvoirs publics et un assentiment de la population dont certains membres sont particulièrement réfractaires et dépensent des trésors de mauvaise volonté et de critiques négatives pour mettre des bâtons dans les roues à toute initiative de ce genre. La mauvaise volonté d’une minorité ou même; d’un seul individu peut faire échouer un projet modeste ou ambitieux.
Exemple : dans la résidence, la mise en place du tri des déchets en bacs jaunes ou bacs noirs, ainsi que l’installation de plusieurs postes de compostage ont été accueillies très favorablement par les résidents qui pratiquent maintenant depuis plusieurs années avec application les opérations de tri. Malheureusement depuis quelques jours on constate qu’un ou une imbécile non encore identifié s’ingénie à mettre dans les bacs jaunes des sacs contenant un mélange de rebuts destinés au bac noir ainsi que des débris organique végétaux ou animaux.
« Il ne faut pas attribuer à la malice ce que la bêtise suffit à expliquer », ce principe dit du rasoir d’Hanlon(programmateur étasunien) peut aussi voir la conjonction de la bêtise et de la malice, l’une n’excluant pas l’autre, ce qui produit un redoutable mélange.
Mon commentaire sensé d’hier, comme à l’habitude (non, non merci, je n’ai pas mal aux chevilles) à propos de la pénurie d’eau qui hélas risque de devenir mondiale (Mayotte n’est un coup de semonce ) a été victime d’un « bug » et n’est pas parvenu à *Roue Libre.
J’y notais entre autre la naïveté de glaciologues interviouvés qui venaient juste de découvrir que moins la glace est épaisse plus elle fond rapidement.
« Plus on pédale moins fort, moins on avance plus vite. »(Coluche)
Notre Coluche en « roi de la bicyclette »… reste une référence à méditer… !
Merci J.J. de l’avoir ressuscité. !