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Le pasionnnant et le lamentable

Deux stades hier soir avec deux visions de ce que plus personne ne saurait appeler « LE » sport. A Budapest les championnats du monde d’athlétisme et à Ajaccio la rencontre entre l’équipe locale et celle des Girondins de Bordeaux. Outre la distance kilométrique séparant la Hongrie et la Corse, il y avait une différence terrible entre l’intelligence collective autour des épreuves d’athlétisme et la connerie au plus bas niveau d’une rencontre de football entre « rats-mulots ». Terrible de constater cette affreuse descente aux enfers en matière d’ambiance générale, de niveau de jeu, de comportements sur et hors des terrains, de ce qui n’est devenu qu’un exutoire à la bêtise violente de hordes déchaînées se disant elles-mêmes « fanatiques ». Les clubs français ont vraiment les supporteurs que mérite leur niveau.

Les épreuves des mondiaux de courses, de sauts ou de lancers transpirent la concurrence farouche mais sans pour autant générer des excès désastreux dans les tribunes. Des concours d’un niveau exceptionnel avec un suspense permanent reposant sur des différences de quelques centimètres ou des millièmes de seconde ont meublé une soirée pasionnante. Personne ne se roule sur la pelouse. Personne ne lache des fulmigènes ou des bombes agricoles dans les tribunes. Personne ne vocifère pour célébrer une victoire autrement que par des bras levés ou des sautillements de joie. L’envie de se surpasser est pourtant omniprésente. Représentant des pays modestes voire très modestes, les compétitrices ou les compétiteurs ont enthousiasmé un public international prêt à s’enflammer pour ces affamés d’une gloire symbolisée par une médaille et un tour sur un podium.

En trois journées de championnat de ce qui n’est qu’une compétition d’un niveau que le football amateur de la fin du siècle précédent atteignait assez facilement il y a déjà eu trois rencontres interrompues ou non débutées. Ce qui est présenté comme de la passion n’est en réalité qu’une éruption malsaine de chauvinisme ou d’extrémisme portée certes par des minorités, mais ancrée dans les « traditions ». Comment peut-on continuer à accepter des débordements n’existant que dans les stades de football ? Qui a suivi la rencontre de rugby entre l’Aviron Bayonnais et Toulouse ne saurait se reconnaître dans le contexte ajaccien. Qui a jeté un oeil sur la rencontre d’Arsenal a vu un vrai spectacle. Chez nous le minable le dispute à l’inacceptable. 

Depuis des semaines les millions valsent. Les polémiques tournent autour de sommes folles, disproportionnées occultant tout ce qui a trait à l’intérêt des matchs eux-mêmes. Au moment où le rugby tente de faire émerger une nouvelle génération de joueurs formés dans les clubs, le foot recrute à tout va? des gloires plus ou moins « vieillies » dans les autres championnats. La France est devenue le pays de recyclage des participants éjectés des championnats anglais ou allemand. Heureusement que l’Arabie Saoudite soucieuse de préparer sa candidature à l’organisation d’une Coupe du Monde, laisse couler le robinet des pétrodollars car elle a par exemple récupéré un Neymar blessé et vaniteux symbole de ce que le foot a de plus humainement minable. Messi n’en a pas voulu et d’ailleurs il a retrouvé le plaisir de jouer !

A Budapest un lanceur de disque suédois arrache au moment où les matraques sont de sortie en Corse, sa victoire au dernier essai. Un triple sauteur burkinabé bondit in-extremis près des 18 mètres pour ramener l’or. Sur 110 mètres haies une poignée de centièmes expédient les Français au fond du classement final. Sur le 100 mètres féminin un millième de seconde écarte des favorites de la dernière course. Un temps de réaction au départ trop rapide et les efforts de longs mois d’entraînement s’effondrent. Aucun mot. Aucune protestation. Aucun sifflet. Aucune éructation populiste. Seulement de la frustration dans les regards des intéressées alors que dans ce laps de temps minuscule se joue toute une carrière.

Les forces de l’ordre sont massées autour des stades de football. Elles filtrent, surveillent, s’interposent, interpellent et tapent. Les rencontres sont gâchées par des débordements révélateurs du niveau de ceux qui les commettent. Comment admettre que les gardes mobiles ou les CRS soient indispensables pour protéger le déroulement d’un match où se rendent des adversaires de leur excés dans les manifestations ? Les risques ne sont pas en effet d’ordre général comme ce pourrait être le cas à Budapest, mais simplement générés par des énergumènes organisés pour enfreindre toutes les lois essentielles du monde sportif.

J’ai suivi en vingt ans de journalisme plusieurs centaines de confrontations de tous les niveaux dont je conserve les articles. J’ai disputé en une quinzaine de saisons des dizaines de rencontres. J’ai vibré dans les tribunes du Parc Lescure lors de parties de haut niveau. J’ai des heures et des heures de souvenirs heureux ou de fortes déceptions mais je n’ai pas en mémoire d’événements similaires à ceux qui meublent l’actualité du football français. Parfois ça chauffait sur la pelouse et seulement quelques coups de parapluie entre supportrices justifiaient que l’on parle d’agitations coupables.

Encore une fois hier soir le sport que j’ai le plus aimé mais que je commence à détester a sombré. Ce ne sera de la faute à personne. Il n’y aura ni responsable, ni coupable. A au fait vous connaissez le résultat d’un match d’une affligeante médiocrité ? Zéro sur toute la ligne ! 

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Cet article a 10 commentaires

  1. Philippe CONCHOU

    Le foot se prépare tranquillement à mourir de sa belle mort.
    Et les Girondins de s’enfoncer un peu plus.

  2. christian grené

    Grrrrrrrrrrrrrrrrrrrr!.. n’ai rien à ajouter.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon cher ami christian…
      Ce grognement venant du profond de ton être ne m’annonce rien de bon… !

  3. J.J.

    Spectateur impartial (du moins je l’espère), Micromégas de carnaval, du haut de mon petit Olympe personnel, je contemple le fourmillement et les soubresauts du monde sportif, et j’en tire une conclusion qui est peut être toute fausse.
    L’athlétisme est un héritage de la sagesse et de la culture hellène, bien que le calme et la concorde n’aient pas toujours régné ; mais justement les jeux olympiques avaient été crées dans un but d’apaisement et de concorde.
    Les sports d’équipe (je crains que le rugby ne soit sur une mauvaise pente) sont d’origine anglo saxonne, peuples considérés par les méditerranéens comme des barbares.
    Peut être n’avaient ils pas tort.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami J.J.…
      Sachons rester des « spectateurs impartiaux »…

  4. J.J.

    Oui, je sais , Micromégas, c’est Sirius, mais c’est un peu loin et je ne suis pas adepte du Temple Solaire….

  5. Pascal Lecomte

    Félicitations Jean-Marie pour ce bel article en roue libre. La Fédé française et la FIFA sont en grande partie responsables de cette dégradation. Avec des arbitrages de plus en plus laxistes, des coupes du monde qui font l’apologie des fautes volontaires méritant avertissements non sanctionnées, puis des sanctions qui ne servent pas à grand chose, la violence a gagné du terrain à l’image de la société où corruptions, tricheries, fraudes continuent de progresser à tous les niveaux de responsabilités. Le rugby, sur le terrain, semble cependant demeurer assez exemplaire au moins au très haut niveau : les exclusions pour 10mn sont souvent très pénalisantes pour un collectif. Il est temps de l’envisager pour le football.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami Pascal…
      Si la violence n’avait gagné que le terrain… Ne serait-ce pas moins grave…? !

  6. En 1987 Enki Bilal et Patrick Cauvin chez Casterman, éditaient HORS-JEU.
    « C’est en 075 que les instances dirigeantes décidèrent de supprimer le ballon. À partir de cet instant, la pénétration du joueur lui-même dans la cage compta pour un but…
    Le nom de foot-ball disparut : il ne convenait plus à ce nouveau jeu…
    Je dois être l’un des derniers à m’en souvenir… Dommage… Ce fut un bien beau sport… »
    https://www.bdbase.fr/bd/hors-jeu-bilal
    Précipitez-vous dans vos bibliothèques locales pour lire ou relire ce chef-d’œuvre maintes fois réédité.
    Jean-Marie aurait pû être ce commentateur radiophonique Skavelicz, Stan Skavelicz.

  7. DGN

    Ambitions démésurées, fraudes impunies, salaires immoraux, tout y est: fric, pouvoir et voyous.
    Voilà comment je vois ce spectacle (je ne peux utiliser le mot sport!).
    Panem et circenses……
    L’athlétisme reste encore un évènement sportif regardable où l’on peut se trouver des idoles, des modèles. Peut-être parce que c’est beaucoup plus exigeant personnellement?

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