Tous les soirs je cherche, je fouille, je creuse en vain. Au moment de me mettre face à l’écran et le clavier j’espère inlassablement pouvoir dénicher un sujet au minimum léger et détendu pour alimenter ma descente des jours en Roue Libre. Une démarche épuisante car l’actualité ne délivre plus la moindre piste pour tenter de sortir des sujets techniques ou compliqués. Impossible de dénicher dans le quotidien des moments de partage heureux. Et j’ai même l’impression que tout est fait pour qu’il y en n’ait plus. L’opinion dominante étouffe toutes les tentatives de plaisanteries, de calembours ou d’humour. La méfiance est de mise…
Dans le secteur des blagues qui appartenaient aux traditions populaires, les interdictions s’empilent et plus grand monde tente sa chance dans ce domaine. Si vous voulez être cloué au pilori social ne vous laissez pas aller à une histoire marrante sur des catégories sociales particulières, des personnes d’un pays déterminé ou sur des comportements sociétaux divers. Il n’est pas certain que les aventures de Toto puissent désormais être lancée à la cantonade dans un espace public. Les oreilles sensibles y pullulent. Racisme ? Homophobie ? Anti-féminisme ? Antisémitisme ? Anti-religion ? Hostilité aux handicapés, aux Belges, aux Anglais, aux Suisses, aux Basques, aux Corses, aux jeunes, aux vieux…
Le fameux second degré n’existe plus. C’est en effet un type d’humour particulier, qui exige de la part de celui qui l’utilise une certaine finesse d’esprit. En effet, ce style passe par une interprétation, une seconde lecture du sens premier qu’une phrase semble avoir. C’est devenu un exploit que de faire passer sans dégât une blague ou une remarque au second degré tant la société s’enlise dans le néant de la pensée aseptisée. D’ailleurs en dehors des professionnels du rire qui osent malgré des tempêtes sur les réseaux sociaux délivrer quelques traits caricaturaux, plus grand monde délivre des moments d’humour. Ce n’est plus de mode.
Les sensibilités sont exacerbées. La morosité altère les moindres moments. La méfiance règne en maîtresse des comportements sociaux. Partager le rire devient rare et précieux. Regardez votre journal ou votre télé et vous allez mourir d’ennui. Des centaines de crimes tout au long de la semaine, des séries policières plus atroces les unes que les autres, des informations tragiques et de l’outrance dans l’essentiel des émissions : on crève d’ennui ! Seules quelques radios tentent dans la grande tradition des chansonniers du Grenier de Montmartre de maintenir des séquences débridées dans Leurs matinales.
Les Guignols ont été démontés et tués car ils avaient une mauvaise influence politique. La reprise en mains de Canal + a transformé la chaîne cryptée en déversoir de films d’horreur, de violence, de destruction massive, de guerre ce qui parait-il convient à la grande majorité de ses abonnés. Le sport (il est vrai parfois dramatique par sa nullité) satisfait les autres. Ailleurs on s’engueule, on s’étripe, on s’invective et on pratique le lynchage ou on dégueule de la vulgarité confondue avec l’humour.
Même les escapades au bistrot ou au café depuis quelques mois ont perdu de leur saveur. Les habitués se raréfient. On avale son café en silence, son rosé se boit en solitaire et les échanges sur le monde s’inspire fortement de la télé et donc n’ont plus ni saveur, ni le parfum de la proximité tellement agréable. C’est en évolution rapide depuis la crise sanitaire et le retour en arrière semble impossible. On ne se marre plus trop ! Et pourtant on n’en a de plus en plus besoin. Un espoir demeure avec le renouveau des troupes de théâtre locales qui reprennent des œuvres de boulevard oubliées… et qui réalisent parfois de belles performances.
Je cherche toujours et encore dans le flot de l’actualité cet étincelle qui me permettrait de ne pas entretenir le sentiment que je ne conçois la vie que dans les soucis et la duperie permanente. Heureusement il y a François qui m’envoie ses trouvailles humoristiques glanées sur Internet et « mon » Christian jongleur de mots dissimulateur de ses maux. Des éclairs de plaisir dans la grisaille qui inexorablement nous entoure. Plus que le savoir-vivre je voudrais retrouver le « savoir-rire » porté par l’amitié et l’échange. J’en ai assez que le sérieux me prenne. Il me tarde que ce « savoir-rire » qu’il revienne car je pourrais débuter la thérapie dont j’ai grand besoin.
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Je vais de ce pas imprimer ce texte sur papier et, tout aussitôt, le faire encadrer pour l’accrocher au mur de mon séjour. Merci Jean-Marie, il ne sert à rien de désespérer ! Après d’autres lectures de ton texte d’une pertinence jubilatoire, je reviendrai sur ce thème abordé aujourd’hui, et qui me tient à coeur. « Faites l’humour pas la guerre »… Slogan d’un ex-soixanhuitard.
Bonjour J-M !
Merci J-M ! Encore une corde à ma thérapie sociale ! !
Ma chaine du rire Internet n’est pas un site officiel mais disons « pirate » car, en grande partie, elle est la suite d’une joyeuse bande qui officiait dans les cuisines du 34RG à Sarrebourg (57) en …1967, équipe qui donna bien des soucis à l’adjudant Lopez, même si nous détenions le titre honorifique de Première Cuisine de la Région Militaire ! Nous l’avions rassasié, ce cher gradé, à un point tel qu’il ne voulait plus de bordelais dans son équipe. Voui, Mossieu ! !
Au passage, note que le pseudo Service Civique actuel n’apportera pas ce lien fraternel de plus de cinquante ans créé par seize mois ou un an de vie réglée …au pas ! !
Quant au rire, au-delà de « ne pas se faire de la bile », je te signale que le rire, excellente thérapie, sollicite moins de muscles que faire la gueule : alors, pourquoi se fatiguer inutilement …et dangereusement ! !
Pour clore, je te signale que Papy Ernest, célébrité de mon village, ayant atteint les cent dix ans (moins deux mois !) détenait le record départemental de longévité en 2012! Son principe était, sourire aux lèvres, de vivre dans le positif en gommant le négatif ! Malgré les vicissitudes imposées, suivons son calque !
Avec le sourire,
Amicalement.
SOIXANTE-HUITARD. Grrrrrrrrrrrr… ené
Après ce délicieux p’tit déj’ offert par Jean-Marie, je le dis sans honte: je n’ai pas appris à lire et à écrire chez Lagarde et Michard, mais dans « L’Equipe. » et « Le Canard enchaîné »… Dans le premier, j’y ai fait la rencontre d’Antoine Blondin; et dans le second, je me suis enfin intéressé à la chose politique. Je vous mets au défi de trouver la moindre faute de syntaxe, et même de goût, chez ce Donald satirique.
Encore merci, Jean-Marie. Cette journée commence sous les meilleurs auspices… copie.
C’est vrai que le rire est devenu « tricard ».
Qu’est devenu le Parti d’en Rire, le parti de ceux qui n’ont pas pris de parti, dont Francis Blanche et Pierre Dac s’étaient promus les thuriféraires ?
Je constate aussi , (signe des temps ?) que les prétendus humoristes, mâles ou femelles, ne me font pas rire(suis-je devenu un bonnet de nuit?).
Devos ne pouvait être éternel , mais je le regrette et je n’ai encore entendu personne, à part François Morel, qui lui vienne, même pas à la cheville, mais seulement au dessus de la plante des pieds.
On a oublié la vieille devise « Castigat ridendo mores »
Je suis tombé il y a quelque jours sur une vieille photo montrant le président Coty photographié avec les chansonniers qu’il avait reçus à l’Élysée. Signe des temps, on y reçoit avec ostentation des gourgandins d’Outre Manche mais pas les syndicalistes.
Quant au second degré, c’est une aventure risquée que de vouloir le pratiquer, si on surestime son interlocuteur, on court aux ennuis(expériences vécues).
O tempus , o mores !
PS Jean Marie, j’ai eu le temps de lire ton papier (sic) de samedi, mais le four était allumé et l’atelier pâtisserie tournait dans les cadre de la préparation du « batch cooking », comme disent les non francophones, autrement dit la préparation des repas de la semaine et je n’ai pas eu le loisir de formuler mes remarques .
La lecture de cet article me rappelait une leçon d’histoire de notre maître de septième, au cours de la quelle il nous avait appris le terme banqueroute (la banca rota) en nous expliquant la situation financière de la France à la fin de l’ancien régime. Drôle de réminiscence.
Tout le monde connait Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. Mais saviez-vous que Jean-Marie est à l’origine de l’acronyme qui s’ensuivit. GAFA se lit en « Roue Libre », mon Guide Autorisé et Fidèle Ami.
Il existe tellement de forme différente d’ humour , humour non sens , humour beauf, ironie , sarcasme , parodie , satire , etc..
Je les apprécie toute , le rire est salvateur et nécessaire et surtout plus encore aujourd’ hui en cette époque anxiogène.
J’ ai obtenu récemment deux » il est con » de femmes qui riaient à mes propos et que je connaissais depuis très peu en délirant sur des sujets sérieux comme l’ homme déconstruit .
Pour moi , c’était une récompense , le sérieux étant l’ intelligence des imbéciles ….
Je confesse pratiquer exclusivement en famille et avec les amis , le deuxième , troisième ou quatrième degré n’ étant pas compris par tout le monde.
Partir en crise de rire et jusqu’ aux larmes quelquefois , c’ est une excellente thérapie .
Et comme on dit chez un célèbre constructeur auto , l’ humour est enfant de béhéme , ou quelque chose comme ça , et ce que je déteste par dessus tout , ce sont les gens qui te mettent une chanson dans la tète de bon matin .
Cordialement .
bonjour,
A day without laughter is a day wasted Charlie Chaplin ( Une journée sans rire est une journée perdue) .
Ce matin au magasin de bricolage, j’effectue quelques emplettes pour alimenter mon chantier dont une chute de bois. Arrivé à la caisse, je déballe mes achats et je dis avec un sourire n’oublions pas de terminer par la chute. La caissière saisissant la balle au bond » j’espère que la chute n’était pas trop douloureuse « , je répond » ben non j’ai mon parachute, c’est utile un parachute c’est comme l’humour si on en a pas on s’écrase ! » . La caissière que je connais depuis longtemps me dit avec le sourire » la semaine commence bien ! ».
“L’humour, c’est lorsque l’on rit d’une connerie. La connerie, c’est lorsque l’on se sent concerné par cet humour !”
Bonne journée
« Les oreilles sensibles y pullulent. Racisme ? Homophobie ? Anti-féminisme ? Antisémitisme ? Anti-religion ? Hostilité aux handicapés, aux Belges, aux Anglais, aux Suisses, aux Basques, aux Corses, aux jeunes, aux vieux… »
Ce qui me fait peur aussi, avec ces médiocres médias, la politique du divertissement à l’anglo-saxonne, c’est l’envie de nos penseurs de vouloir réécrire un roman, gommer certains plans de films, soustraire une cigarette d’une image, etc.
Comme le savoir-rire, le savoir discerner semble disparaître lui aussi.
Ne dit-on pas généralement que le rire est le propre de l’homme?