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Le club de cinq poursuit sa quête du pari gagnant

Le constat s’applique à bien des circonstances de la vie : les préliminaires offrent bien plus de plaisir que le moment que l’on attend. Je vous vois venir mais je pensais pour ma part aux congés, au départ en vacances ou pour tout événement qui s’annonce heureux. L’espoir de bénéficier d’un signe positif du destin engendre fébrilité, impatience et une certaine angoisse de ne pas parvenir à en profiter.

Cette sensation règne à chaque rendez-vous dans le Bistrot des Copains ou le Bar PMU du Créonnais, de la coopé informelle du quinté créée voici quelques années. Les préparatifs des jeux traduisent ce climat d’excitation où se révèlent les personnalités. La régulation du fonctionnement de ce qui est à l’origine une structure autogérée d’investissement collectif a évolué au fil de semaines. 

Le rendez-vous du mercredi n’a depuis ses origines, d’autre objectif que de constater que la « vie en rosé » reste le meilleur des breuvages pour mettre du soleil dans les cœurs.  L’arrivée progressive des coopérateurs laisse toujours le temps aux plus matinaux de consulter les oracles des divers supports conseils en matière de courses hippiques. Elle les autorise aussià prendre ’un ou deux cafés sans qu’à ce jour personne n’ait eu l’idée de pratiquer la tasséomancie jugée moins fiable que le recours aux statistiques ou à l’intuition.

Lionel, le patriarche ayant construit une solide réputation de tueur de poulets et d’éleveur de poules en boîte de nuit est d’une fidélité exemplaire au rendez-vous même s’il concède à son épouse quelques escapades vers le soleil ou la cure. C’est autour de lui et d’ Achour que s’est constitué le club historique des cinq. Ils sont le « canal historique » du carrefour des échanges du marché avec André et Michel.

André poursuivi par l’ennemi implacable d’une maladie que l’on qualifie dans les propos convenus de « longue » , n’aura jamais été le plus zélé des coopérateurs en matière de paris réputés mutuels. Il se contentait avec l’insoumission qui était la sienne, de regarder d’un œil critique mais indulgent ces échanges de pronostics alors que Michel pour sa part avec sa philosophie naturelle d’homme du sud suivait le mouvement. Les aléas de la vie ont modelé différemment le quatuor d’origine que Pagnol n’aurait pas renié. André est parti… et d’autres sont arrivés autour du noyau constitutif;

En fait l’essentiel de la rencontre du mercredi tournait autour de l’actualité locale, de celle de la France et, excusez du peu, du monde, chacun délivrant en vitesse le fruit d’une analyse qu’il pensait rationnelle et donc supérieure à celle des autres. L’arrivée de nouveaux passionnés du débat de comptoir a permis de poursuivre cette habitude dans laquelle le jeu des petits chevaux n’était qu’accessoire.

Achour scribe-comptable expérimenté et rigoureux recensait les nombres réputés miraculeux se chargeant d’effectuer les jeux et la tenue de comptes où les dépenses l’emportaient largement sur les recettes. Stéphane, qui était entré dans le cercle des miseurs disparus, vint apporter son punch et sa générosité. La même table des délibérations, les mêmes tournées, les inévitables espoirs de pactole et surtout chaque semaine l’amitié qui prenait le quart ! Le jeu n’était que le prétexte à des retrouvailles des « copains d’abord ». Ce rendez-vous avait une certaine tenue de francs-lurons et ses brèves engueulades, ses contestations et ses réussites n’avaient rien de secret. On se chambre toujours avec délectation. 

L’heure du regroupement au « mess »dominical avec célébration d’office directement au PMU s’est peu à peu ajouté à la séquence du mercredi . Sans se faire prier les coopérateurs se retrouvent désormais chez Vanille vers onze heures pour assouvir leur pêché que l’on ne qualifiera pas de mignon tant il a un impact sur leurs finances personnelles. Au milieu des fidèles prêts à sacrifier l’autel du jeu le groupe du mercredi se disloque et bizarrement rien ne ressemble aux prémices du mercredi.

Lionel cherche de tous les cotés des sponsors pour multiplier ses mises. En attendant le pain de midi il partage des calices (d’un autre vin rosé évidemment) avec une tablée qui ne cesse de s’agrandir et de se diversifier. Il picore deux euros par ci, deux euros par là. Il fait de la retape pour multiplier ses tickets. Ayant appris que le PMU offrait des « spots » gratuits il est venu monter la garde samedi avant onze heures. Lionel est devenu un stakhanoviste du prono ! Son appétit de gains devient insatiable. 

Stéphane le regard tourné vers son mobile, guette l’arrivée de la prévision de son beau-père. Il la livre  alors à voix basse à un auditoire qui pèse et repese les indications de Sud-Ouest Dimanche et qui ajoute les conseils des sites internet. L’oracle a parlé. Bernard connaisseur réputé, désormais présent chaque mercredi, ajoute un SMS qui bouleverse les maigres certitudes. La science ajoute au doute.  On déchire les tickets et on repart. Le fond du bar bouillonne. Une splendide pagaille y règne. Achour n’arrive pas à noter toutes les commandes. Il encaisse, rend la monnaie avec le flegme de celui qui sait qu’il vaut mieux préparer ses coups en solitaire. Il tente de comprendre la logique de cette effervescence montant à mesure que les chopines culbutées dans le seau à glace se succèdent. A la fin plus personne ne sait avec qui il a joué. Lionel seul le sait car il garde les tickets.

Certains font des TIC, d’autres utilisent la méthode X, la majorité n’ose rien, mais la tentation de placer un petit euro sur un prétendant aux accessits démontre que le jeu l’emporte parfois sur l’enjeu. Autant de solutions techniques qui s’entremêlent et se concurrencent. Une joyeuse pagaille dont le résultat ramènera à la raison : aucun gagnant collectif mais des succès secrets individuels que l’on dissimule derrière un sourire satisfait?  

La coopérative des Petits Miseurs Unifiés se reformera mercredi sur des bases moins romantiques car il faudra faute de rentrées, renflouer la caisse. Le dimanche elle s’éclate. Mais peut importe, l’essentiel reste le partage dans la bonne humeur? ces instants déconnectés de tout le reste. C’est le plus précieux des gains dans le monde actuel. Brassens quand tu nous tient… le radeau de la Méduse n’est pas loin. 

Cette publication a un commentaire

  1. christian grené

    Cher Jean-Marie, je ne peux aborder le sujet du jour qu’à travers le jeu auquel je me livre encore chez moi auprès du feu: les petits chevaux. Sauf que j’utilise pour ça des… godets. Chacun se distinguant pas sa couleur: le rouge Château Gadis, le bleu Curaçao, le vert de la menthe et le jaune anisé comme il sied au perroquet.
    Maintenant, ce mercredi, j’envisage de faire un tour par le marché de Créon avec un bref arrêt au Bar des Copains pour saluer les ouailles de Robert Ducoum, alias M. Ducrottin.

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