Dans le fameux langage des fleurs il y en a qui n’ont pas de chance. Alors qu’elles avaient tout pour en chanter le monde, on leur a accolé une image négative pour simplement des habitudes collectives. Regardez la rose par exemple réputée élégante, fière et envoûtante par son parfum elle pourrait attaquer le PS pour l’avoir adopté comme emblème. Chaque jour qui passe ternit sa réputation car à l’insu de son plein gré les valeurs qu’elle portait ont lentement disparues. Le lys avait connu pareille mésaventure en devenant le symbole d’une royauté décadente. La pauvre marguerite victime d’une effeuillage amoureux et plus encore du rasage des bas-côtés des routes départementales où Jean Yanne ne voulait pas aller n’a plus la fonction de rassurer l’amoureux transi.
Quelques tortionnaires de la dictée de feu le certif’ ont déjà rendu le chrysanthème particulièrement impopulaire durant des années dans les écoles élémentaires. Depuis il a perdu ce statut de bourreau des damnés de l’orthographe mais ce fut relativement facile en raison de la disparition des dictées traquenards. N’empêche que durant toute la semaine, il a fallu réviser sur les étals des grandes surfaces ou dans ceux des fleuristes. Seuls les horticulteurs qui les bichonnent depuis des mois savent que ce n’est pas pour les vendanges de la Toussaint, une affaire de lettres mais plutôt de chiffre d’affaires.
La belle plante venue de l’Extrême-Orient n’avait aucune raison de finir sa vie dans les cimetières. Fleur d’une grande beauté, porteuse d’une symbolique poétique à travers le monde elle égayait les maisons chinoises depuis des siècles. Importée au Japon elle a atteint le niveau de « fleur d’or » comme le signifie son nom. De plante médicinale il a été élevé au rang prestigieux d’emblème de la famille impériale. Pendant près de mille ans, le chrysanthème aura été au pays du soleil levant l’apanage des plus fortunés.
Il gagne une place essentielle dans l’imagerie du Japon : sur les passeports nationaux, sur les pièces de monnaie… et chaque mois de novembre, le pays du Soleil Levant organise un festival du chrysanthème durant lequel des milliers de fleurs issues de dizaines de variétés différentes sont exposées à Tokyo. Ils y sont agencés en une myriade de créations florales toutes plus colorées et originales les unes que les autres et attirent chaque année pas moins de 100 000 visiteurs venus du Japon et d’ailleurs pour les admirer.
Il aura fallu parait-il que Georges Clemenceau lance un appel au fleurissement des tombes des Poilus en 1919 pour que face à la difficulté de trouver des plantes automnales disponibles on avance l’idée d’utiliser celles venues depuis quelques temps du Japon. Au fil des commémorations, le chrysanthème offert pour la fête des Mères en Australie ou pour des événements positifs aux USA s’installa comme le roi des morts ! Ce sont plus de 23 millions de pots qui sont vendus en quelques jours mettant le chrysanthème au hit-parade des productions horticoles.
En fait sa célébrité française venait du roman de Pierre Loti (Mademoiselle Chrysanthème) décrivant à la fin du XIX° siècle les us et coutumes de la vie nippone. Officier de marine il profita d’une escale de son navire à Nagasaki, il épouse, pour la durée de son séjour, devant les autorités locales, une jeune Japonaise. Des épousailles à durée déterminée fort coûteuses mais propice à la découverte des maisons de thé, des temples ou des fêtes japonaises. Son livre va connaître un succès exceptionnel rendant populaire un style de vie très éloigné de celui de la Belle époque.
Le chrysanthème selon sa couleur sera alors offert pour l’amour, l’amitié, la bonne humeur, les souhaits de bonne santé, la longévité de la vie et… la fidélité. Devenu à la mode dans la bonne société il basculera totalement dans le souvenir, la douleur et la mort uniquement parce qu’il fallait ancrer le sacrifice de millions d’hommes dans la mémoire collective. Les bougies étaient oubliées et les grosses « pomme s» frisées flamboyantes se sont installées dans les cimetières, ces lieux où les vies continuent grâce aux noms gravés dans la pierre pour les plus anciens ou le marbre luisant pour les plus récents.
L’âme d’un peuple, d’une ville ou du plus reculé des villages, se reflète ainsi dans l’endroit qu’ils consacrent à leurs morts. Une promenade solitaire dans les allées, avec un regard curieux, permet d’en apprendre beaucoup plus sur les changements ayant affecté le monde que toutes les études socio-historiques les plus sophistiquées. A l’ombre du clocher, blotti contre une église, à flanc de coteau, en bordure de mer, immense au cœur de la ville, à l’écart du hameau ou au centre du bourg et ce n’est plus le même cimetière.
Avec des herbes folles ou des allées goudronnées, il ne respire plus les mêmes vérités. Son ordonnancement rigoureux, ou la diversité poétique des implantations, traduisent la philosophie des vivants. Le nombre de grilles repeintes, de pierres tombales couvertes de mousse, de croix descellées, de pots de fleurs oubliés, de plaques brisées, varient nettement d’une région à l’autre. Les chrysanthèmes n’y changent rien. Ou presque.
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Moi m’sieur, de la crise en thème j’ai une autre version. C’est sans doute parce que j’ai appris le latin avec Ovide. J’ai pas dit Covid. J’ai même écrit l’histoire d’Iris et Crisis…
@ à mon ami christian…
« Moi m’sieur »…… que je remplace par………
« Moi mon colon, cel’ que j’préfère, c’est la guerre de 14-18… »
Ah ! l’orthographe de chrysanthème ; il y avait aussi fuchsia. Mais fuchsia, ça avait commencé avec mes parents car il y en avait dans la cour de notre immeuble montmartrois (j’y ai habité -hors pension, et hors l’année 49-50 passée en Allemagne et dans le Cantal- de 5 à 15 ans) et mon père se régalait à me faire écrire ce mot. Voyons : le s… avant ou après le ch ?
Mais revenons aux chrysanthèmes, magnifique et fort nombreuse famille florale, qu’on a hélas associée, non pas à la Toussaint, fête heureuse pour les croyants, mais au « jour des morts », certains d’entre eux, en particulier Chrysanthemum cinerariifolium (Trevir.) Vis. le pyrèthre (encore l’othographe !), sont les fournisseurs d’insecticides naturels, les pyrèthrines, généralement appelées pyrèthre ou extraits de pyrèthre en « bio », et que l’agropharmacie a utilisé comme modèles isomériques pour fabriquer les « pyréthrines » (donc de synthèse).
Plutôt phytopharmacie qu’agropharmacie
@ à mon ami Bruno…
Diabolique orthographe française qui rendait malades ses enfants… !
Quant aux enfants d’immigrés… » ¡ No te digo… !