Ils aimeraient bien un jus de citron même si eux ne sont pas pressés. Robert et Françoise ont soigneusement attaché leurs vélos chargés comme des mules, devant le Bistrot des Copains. Faute du breuvage souhaité ils s’offrent un Perrier. Ils trinquent en toute complicité comme les gens qui se réconfortent mutuellement face à une aventure délicate. « C’est notre première escapade de plusieurs jours à vélo. Nous sommes sereins car nous avons prévu d’aller jusqu’à Toulouse en six ou sept jours. Nous avons choisi une piste aussi sécurisée que possible et que les sites recommandent. » précise René pendant que Françoise consulte son plan de route sur le tronçon Sauveterre de Guyenne-La Réole. Les deux retraités de l’Éducation nationale appartiennent à la cohorte de ces cyclistes estivaux qui s’offrent une randonnée au long cours.
Le périple a été méticuleusement préparé. «Nous avons réservé des chambres chaque soir. Par exemple notre première halte se fera à Saint Brice puis nous resterons deux jours dans les environs d’Agen. Au départ nous pensions aller jusqu’à Sète mais ce n’était pas possible pour des raisons matérielles. » En expliquant qu’ils sont arrivés de Seine et Oise via le TGV entre Paris et Bordeaux, ils dénoncent la complexité des relations avec la SNCF. « Il n’y a pas assez de place pour les vélos dans les trains. Je crois qu’il n’y en a que deux par TGV! Il nous donc fallu prendre les disponibilités existantes. Nous sommes donc arrivés hier soir et comme je n’ai trouvé aucune possibilité de remonter nos bicyclettes pour le retour depuis Montpellier et encore moins depuis Sète nous avons renoncé à aller vers la Méditerranée. Seule solution s’arrêter à Toulouse ! »
C’est une certitude il y aurait bien des améliorations à apporter pour développer le tourisme à vélo. « Les nôtres sont électriques car nous souffrons de genoux et il nous faut éviter les efforts répétitifs trop violents. » Françoise a exercé comme professeur d’éducation physique en collège puis en lycée. Robert tient à ce que l’on sache qu’il était « instituteur » et même si en fin de carrière il a bénéficié du titre de professeur des écoles il ne ne souhaite pas s’en parer. « Instituteur » était la qualification la plus adéquate de notre métier. Je suis fier d’avoir été instit’. Quand j’annonce que j’ai terminé comme professeur des écoles on me demande quelle matière j’enseignais. Je ne me reconnais pas dans ce titre. »
Pour lui le pire c’est que ses collègues moins âgés que lui aient été contraints de passer un examen pour accéder au professorat alors qu’ils enseignaient parfois depuis des décennies. « Les reçus confirmaient simplement leur savoir-faire et les recalés étaient humiliés. Tout le monde était mal à l’aise. »
Le duo des aventuriers de la voie des Deux Mers a pourtant travaillé partiellement pour Françoise et en totalité pour Robert en Seine Saint-Denis, un département qui manque cruellement d’enseignant(e)s depuis très longtemps. « J’ai exercé à Aubervilliers dans un collège et je n’ai pas eu de problème explique Françoise. Puis dans un lycée sans davantage de difficultés.» Son compagnon de pédalage ajoute : « Pour ma part je crois que c’est avant tout une affaire d’équipe pédagogique. Mais j’avoue que le contexte a probablement changé. Je ne nie pas des situations particulières dans des quartiers mais la généralisation médiatique des difficultés du « neuf trois » porte un tort considérable à l’image de tout le reste du département. » Pour l’instant ils en sont loin.
Leur première escapade à vélo constituera l’essentiel de leurs vacances. Pour déjeuner ils iront simplement chez José pour se procurer des sandwiches. Le grand air différent de celui de la région parisienne. La sensation de construire eux-mêmes leur séjour. La diversité des paysages, des situations et des rencontres. L’été 2022 le premier après les privations des deux années antérieures a un goût de liberté particulièrement bienvenue. Ils ne sont pas les seuls. Vers midi des dizaines de cyclistes lourdement chargés convergent vers la Place de la Prévôté.
Certains font la « course » en solitaire. D’autres en couple. Les pelotons ne dépassent que rarement le nombre des doigts d’une main. On commence à remarquer parmi eux les premiers accompagnateurs de randonnées longue distance. « Nous avons rencontré beaucoup de monde entre Bordeaux et ici » commente Robert. « Nous avions prévu de rouler le long de la Seine entre Paris et Rouen mais nous avons préféré finalement le soleil. Aujourd’hui nous sommes gâtés ! ». Le temps est venu de remplir les bidons d’eau fraîche et de repartir vers le Sud. Le début des migrations vélocipédiques débute. Dans le contexte économique actuel la saison s’annonce prometteuse.
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Tout ça, qu’on le veuille ou non a un petit air « vacances 1936 » du Front Populaire !
Les participants en ont ils conscience, ou est-ce une réminiscence et un hommage involontaire ?
@ à mon ami J.J.
Ta réminiscence s’appelle… Nostalgie !
Institutrice ai débuté, institutrice resterai…
Même si je suis devenue « professeur de français-espagnol ».