Texte publié il y a six ans…
« Plusieurs fois j’ai dit que nous étions en guerre, que cette guerre allait être l’affaire d’une génération, que ça allait être long (…) D’autres innocents perdront leur vie, c’est très difficile à dire (…) mais malheureusement c’est cette réalité, c’est l’affaire d’une génération ». Cette déclaration de Manuel Valls à propos de la guerre en Syrie pose un problème moral constant qui mériterait de figurer dans les sujets du bac philo… J’ai pour ma part en mémoire une dissertation proposée par l’un des mes professeurs de l’École Normale : « la construction d’un pont vaut-elle la perte d’une seule vie humaine ? »
Là, c’est de la guerre et il est absolument nécessaire de se pencher sur la définition de ce peuvent-être des « innocents ». Nul ne peut remettre en cause cette notion car elle lui parle puisque nous sommes toutes et tous des « innocents ». Il n’y a pourtant aucun conflit depuis que cette terre existe qui ne provoque pas la mort de gens n’ayant aucun rôle, aucune responsabilité, aucune participation dans son origine et son développement.
Pas une minute dans ce monde absurde sans que le sang, les larmes, l’horreur, la terreur, l’effroyable ne sévissent au détriment de femmes, d’enfants, d’hommes dénués de toute responsabilité dans le déclenchement d’une confrontation. Tous subissent des situations niant le vrai respect de la vie humaine. Le seul véritable problème réside dans le fait que nous n’accordons pas la même importance, la même valeur à la disparition des uns ou des autres.
Un massacre ne touche pas de la même manière qu’une seule victime dans la proximité.
Quand une famille de migrants ou de réfugiés se noie en Méditerranée il n’y a aucun responsable identifiable à leur malheur et donc elle entre aussitôt dans le chiffrage des victimes et disarait des esprits. « Innocentes » ou pas ? Le « terrorisme » qui les frappe n’existe pas… et il faudrait probablement mettre en cause tellement de personnages connus et reconnus que ce serait vite occulté. Quand une maison est écrasée avec ses occupants par une bombe ou un missile considère-t-on que le pilote a assassiné des « innocents » ?
Les millions de soldats tirés de leur ferme, de leur classe, de leur commerce, de leur atelier, de leur usine au nom de la défense de la patrie pour servir de chair à canon à Verdun entrent-ils dans cette catégorie ? La personne tuée dans un accident de la route par un automobiliste ivre ou drogué a-t-elle droit à la reconnaissance médiatique ? Toute guerre, tout crime, toute action violente, toute folie meurtrière organisée concernent forcément « une génération » qui aura bien du mal à le digérer ! La guerre reste un moment détestable qui réduit l’humanité à néant !
Nos sociétés de plus en plus manichéennes ne cessent de se défendre en catégorisant les événements selon une morale adaptable aux idées à défendre et surtout à une volonté de transformer certains hommes en loups pour d’autres hommes. Manuel Valls avait parfaitement raison : il y a eu, il y aura encore des milliers de victimes innocentes dans tous les camps, de tous les cotés. En Europe, en France, en Belgique, aux Etats-Unis, en Syrie, en Irak, au Yémen, au Soudan et maintenant en Ukraine et ailleurs l’hécatombe va se poursuivre et du sang « innocent » coulera encore. Dans certains pays il coule en toute discrétion et en quantité impressionnante.
Les flaques sont alors vite effacées car on repart quelques heures plus tard comme si de rien n’était alors que quelques gouttes occupent l’actualité durant des semaines dans les pays réputés civilisés. Toute « guerre » suppose des horreurs, des comportements inhumains, des regards qui se détournent de tous les principes moraux. Les médias leur donne une valeur ou les font oublier.
La démocratie suppose que justement l’État de droit protège de ces crimes odieux mais lentement il se désagrège. « Il faut poursuivre ce travail, il faut resserrer les mailles du filet, il faut continuer à donner tous les moyens à la police, à la gendarmerie et aux services de renseignement. Mais nous connaîtrons de nouveau des attaques parce que nous faisons face à une organisation terroriste qui recule en Syrie et en Irak et qui se projette dans nos pays sous des formes différentes » afin de « créer la peur et diviser », a développé le Premier ministre en chef de guerre.
Le discours correspond à ce que l’opinion dominante veut et même exige alors, on le tient. L’exploitation de l’émotion appartient aux techniques modernes de communication mais elle ne résout en rien les causes du mal rongeant la planète : l’intolérance, la haine, la violence. Ce sont ces fléaux que seules l’éducation, la tolérance, « Si la guerre est une punition du ciel, que d’innocents doivent payer pour les coupables ! » a écrit Pauline Viger-Belanger et c’est le reflet exact de ma pensée. Le vrai problème est là : jamais les véritables coupables se retrouvent face à leur responsabilité. Les procès aussi spectaculaire soient-ils, ne font jamais revenir celles et ceux que les hasards de la mort ont engloutis.
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Enfin, « Roue libre » est de retour ! Merci Jean-Marie, je vais en profiter jusqu’à lundi puisque mardi… opération de ma hanche gauche et qu’il me faudra patienter quelques jours avant de vous retrouver tous et toutes.
« Les procès aussi… » Cette phrase de clôture me fait dire : « quand ils ont lieu » ! Et quand les dictateurs payent pour l’anéantissement de leur peuple ! Que nous raconte dame Histoire des conflits que la France a connus —14/18 et 39/45 ? Hélas, des récits trop souvent « arrangés » !
Pratiquement depuis que l’humanité existe, la guerre est apparue, en particulier avec l’apparition de l’agriculture et du stockage des récoltes, donc l’émergence de la notion de richesse et de propriété.
Et depuis, à part dans les progrès effectués dans les domaine de la fabrication des armes, de plus en plus cyniquement efficaces, le phénomène n’a fait que s’accroître malgré les tentatives des religions, récupérées par des fanatiques et « va t’en guerre » , de mettre fin à la violence.
Dans les livres prétendus saints on trouve déjà des récits de guerre, de violences, d’extermination au nom d’hypothétiques dieux.
Question cynique que je me pose : quand on constate la violence qui n’a cessé de se manifester et perdure depuis l’origine de l’humanité, sans que l’on puisse déceler le moindre progrès, celle ci a-t-elle moralement le droit de continuer à exister ?
N’est -il pas criminel de continuer à mettre à enfants au monde ?
J’ai vécu mon enfance dans la guerre, j’aspire à une fin du monde calme et tranquille, faire cesser le cauchemar.
Le monument aux morts de la photo de gauche est celui de Dardilly, mon père instituteur laïque, militant de la Libre Pensée, est inhumé à quelques mètres, son » école ouverte » d’inspiration libertaire (au départ) jouxte le cimetière.
Beaucoup d’écrivains ont un bug automatique avec l’expression » loup pour l’homme » Sans doute marqués par le « petit chaperon rouge » Pouvons nous oublier quand nous parlons de cruauté cette noble bête, carnassière certes, mais qui ne tue point sans nécessité ?
Les monuments aux morts pacifistes, comme le plus célèbre, celui de Gentioux (que les autorités officielles refusèrent d’inaugurer) sont nombreux, sans compter ceux qui ne sont « neutres », et pas ouvertement belliqueux et cocardiers (Dolus d’Oléron, Angoulême etc.) sont « visitables » sur internet.
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/1188124
Enfin un avis objectif
https://artofuss.blog/2022/03/10/andrei-makine-pour-arreter-cette-guerre-il-faut-comprendre-les-antecedents-qui-lont-rendue-possible/