Il n’y a pas de raisons empêchant la piste cyclable Roger Lapébie de se donner un air de fête. Même si de bon matin elle frissonne sous l’influence du refroidissement climatique ambiant elle ne se prive pas de sortir des habits de gala dans un contexte très austère. L’étroit tapis de bitume noir tel un chemin de table du réveillon, s’est en effet coloré en vert. Une manière comme une autre de se faire mousser auprès des rares « invités » au footing ou à l’escapade VTT du dimanche matin. L’humidité des secteurs qui ne connaissent pas un rayon du soleil a en effet créé une ambiance propice à la croissance de la « bryophyta » qui s’insère dans les interstices du revêtement.
Cet ourlet au vert tendre n’apparaît que la période de la bise venue. La tendance hivernale est vraiment à la mode. Les arbres dénudés ont perdu leur joie de vivre. Les seules couleurs encore perceptibles viennent de l’épaisse couche brune de feuilles mortes bordant le ruban sombre. Un signe des temps. Elles aussi recherchent un moyen de se distinguer grâce à une légère pellicule blanche saupoudrée par une gelée de saison. Les pas du promeneur solitaire fidèle à la gauche sur son chemin, produisent un léger craquement s’atténuant avec la montée du soleil.
Paresseux, manquant de chaleur, l’astre suprême a cependant bien du mal à effilocher la ouate oubliée sur le sol par la nuit. Son halo pâle cherche à sortir la nature d’un engourdissement léthargique. Le lever du eroi », même s’il passionnait ses courtisans, pouvait être laborieux. Et par les temps qui courent le soleil lui-même semble ne pas trop avoir envie de s’occuper de la Terre. Il lui faudra une bonne heure avant que ses rayons parviennent à percer les sous-bois et à réveiller les oiseaux ayant tenté d’y trouver un abri. La piste, en ce dimanche frisquet, silencieuse, dénudée n’incite guère à la joie festive qui se prépare dans les prochains jours. Tout vire à la morosité.
Emmitouflés plutôt que masqués, quelques rares cyclistes accomplissent leur devoir dominical dans un anonymat absolu. Pas question d’afficher une parcelle de leur corps à l’air frais qu’il fendent avec l’envie pressante d’en finir. Piétons et joggers se croisent sans un regard. La pandémie pèse sur les relations humaines et installe une certaine méfiance alors que cet espace est d’habitude si convivial. Dans le fond l’esprit se repose puisque la distanciation qui fut sociale n’a ici aucune raison d’exister. Adieu, masques, gel sanitaire, écartement minimum : le chemineau redécouvre la liberté intégrale, celle qui lui manquera dans les prochaines semaines. Un bonheur à savourer sans modération s’il en a conscience.
La vie discrète des oiseaux s’installe au fil du parcours. Sans une grande méfiance les rouges-gorges sautillent dans les traces des marcheurs avec l’espoir d’y récupérer de menus butins pour le petit-déjeuner. Quelques roitelets se poursuivent comme les gamins dans une cour de récréation, de brindilles en brindilles dans les taillis. Des mésanges se réchauffent dans des querelles pour une boule de gui. Les geais s’égosillent pour alerter toute la contrée… Les merles se moquent bien des visiteurs sur deux roues ou deux jamabes. L’animation monte avec un soleil indispensable à la régénération de l’énergie de chacun. Un vrai réconfort que ces sonorités aigrelettes, menues, ciselées, improvisées, modestes, insouciantes qui troublent ce silence hivernal ! Leur prêter une oreille attentive c’est se laver la tête de ce flot incessant de mots inutiles, galvaudés, polémiques ou tout-faits que nous distribue un système médiatique épuisant.
Ici, seul (ou presque) le long de cette piste dont je découvre au fil des mois les secrets, être…en marche procure un plaisir particulier, celui de vivre dans le vrai monde, celui qui devrait compter mais que l’on a oublié. Celui des arbres dépouillés sachant qu’ils retrouveront le printemps ; celui de la faune s’accommodant de peu pour survivre ; celui de la gelée qui embellit ou détruit ; celui où un rayon de soleil change le décor; celui de tout ce qui résiste et s’adapte ; celui de l’ordre naturel que l’on essaie de sauver ou de changer ; celui que l’on a encore le privilège de parcourir ; celui d’une beauté simple dont on n’est jamais vacciné.
Dans les rêveries du promeneur solitaire, jean-Jacques Rousseau affirme : « j’aurais aimé les hommes en dépit d’eux-mêmes (…) Les voilà donc étrangers, inconnus, nuls enfin pour moi puisqu’ils l’ont voulu. Mais moi, détaché d’eux et de tout, que suis-je moi-même ? ». Je vous assure que je cherche la réponse mais que je suis sur la piste !
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Heureuses contrées où l’on peut encore voir et entendre des oiseaux, autres que les pies, corbeaux, tourterelles et pigeons envahisseurs.
Un texte doucement mélancolique à lire en écoutant par exemple ‘le Voyage d’Hiver » de Schubert.
@ à J.J.
Merci d’avoir choisi Schubert pour conclure cette « ode aux faits d’hiver » !
La peste brune… — pour remplacer « l’épaisse couche brune… »— elle aussi s’épaissit chaque jour en France, lui faisant perdre ainsi sa douceur…
« être…en marche procure un plaisir particulier » … Attention Jean-Marie, avant de t’engager à nouveau, mesure bien ton âge, et, avant de signer, n’oublies pas de tourner trois fois ta plume dans l’encrier… !
En tout cas, le quatrième mouvement des saisons ne semble pas avoir de prise sur Laure et J.J. Toujours chauds bouillants. Et c’est tant mieux parce que le texte de Jean-Marie a bien le ton de cette musique qui fait balancer entre Schubert et Vivaldi quand le soleil ne veut pas sortir de dessous la couette.
Vous avez le bonjour de Rosamonde!
@ à mon ami Christian et à vous toutes et tous qui êtes aussi nos amies et amis…
Toujours aussi flatteur…! Mais je suis sûre que notre ami J.J s’associe à moi pour te dire… Merci ! ( j’insiste… et dis bien Merci !).
@à Christian
Tu veux parler de Rosamunda…
En cette fin d’année funèbre, permets-moi un vœux… : « ne francises plus chaque mot espagnol, italien, portugais…! » Ah! Ah! Ah!
Je pense qu’il s’agit de Rosamunde, musique de scène de Schubert pour la pièce « Rosamunde princesse de Chypre ».
C’est aussi le titre d’un merveilleux quatuor à cordes du même Schubert.
Quant au Pâtre sur le Rocher (die Hert dem Felsem) c’est un lied pour soprano, clarinette et piano.
C’est bien de l’altruiste Schubert que je parlais.
De acuerdo, Laura mia, y buenas tardes esperando al dia de mi cumpleaños.
T’as vu? J’ai cherché sur mon ordi, et ça a fait TILDE!
¡ En hora buena ! Il est sauvé ! Il a trouvé la tilde… ! Tu mérites la palme de mon meilleur élève « en español »… Récupère vite » la tilde sobre la n » ! Un fuerte abrazo de tu amiguita… J’espère que ceux et celles qui parlent espagnol resteront discrets-discrètes !
El n con tilde se hace con « Alt 164 » : ñ, y « Alt 165 » Ñ
Bravo et courage Christian… « Laura mía »… je reste toujours à tes côtés…
Et le salut du Pâtre sur le Rocher.
@ à J.J.
Tu t’es replié dans « ta tour d’ivoire » !
Je pense qu’il s’agit de Rosamunde, musique de scène de Schubert pour la pièce « Rosamunde princesse de Chypre ».
C’est aussi le titre d’un merveilleux quatuor à cordes du même Schubert.
Quant au Pâtre sur le Rocher (die Hert dem Felsem) c’est un lied pour soprano, clarinette et piano.
erratum : der Hirt auf dem Felsen !
@ à J.J
Désolée… ma tessiture est : « contralto » !