Deux hommages à deux « jeunes » trop tôt disparus. Aranaud Dellu (48 ans) a partagé avec moi durant 6 ans la gestion départementale comme Président de la Commission des Finances. J’ai tant aimé travailler avec lui comme avec Jacky Sanudo (57 ans) garçon du peuple espagnol d’une grande culture et d’un talent de journaliste affirmé que j’ai côtoyé à Sud Ouest.
ARNAUD LE « FILS » QUI A COMPTE POUR MOI
Avant tout, je tiens à remercier de tout cœur ta compagne et Denise de leur invitation à accompagner Arnaud en ce deux décembre, jour à marquer d’une pierre noire. Arnaud, tu savais, car je te l’avais maintes fois répétés au cours de nos échanges, qu’à mon époque, des enfants du Peuple naissaient instituteurs en passant par l’École normale et que malheureusement aux dires de certains, ils le restaient parfois toute leur vie. Tu en riais avec bienveillance surtout quand tu me voyais tenter de convaincre un irréductible de nos collègues du bien-fondé des décisions budgétaires que nous devions assumer, durant la commission des finances que tu présidais.
Tu savais que l’on ne se construit jamais seul, mais par référence à des « pères » ou des « mères » inspirants que le choix des chemins de la vie nous permet de croiser. Tu avais Denise la mère poule que tu admirais avec discrétion mais passion. Nos liens étaient devenus au fil des ans proches de ceux qui se nouent entre un ancien qui transmet à un « fils » intellectuellement réceptif. Tu devins ainsi, par appétence pour le sujet, mon fils de trajet durant six ans avec une certaine gourmandise face aux défis à relever.
C’était un vrai plaisir que d’échanger avec toi et de construire des stratégies d’intérêt général. C’était un régal de te voir t’emparer des délibérations les plus arides pour leur donner des couleurs et une tonalité attrayante. Garçon d’une vive intelligence, avide de comprendre avant de s’exprimer, solide et infatigable travailleur sur le fond et jamais sur les apparences, écologiste de raison et de sincérité, apte à des synthèses justes et pertinentes, pugnace dans le débat, toujours courtois et affable, tu as appartenu à ce petit cercle des « enfants à élever » que l’on aime rencontrer dans un monde politique de plus en plus égoïste, figé, impersonnel, sûr de lui et théâtral.
Dans le fond, toi et moi savions que c’est ton avidité à comprendre, à jauger, à argumenter qui m’avais toujours permis d’avancer. Arnaud, tu étais doté d’un sens de l’analyse aiguisé. Tu possédais un très solide bagage en matière de gestion humaine et de finances locales.
Tu pigeais tellement vite. Tu décelais les faiblesses des argumentations avec une acuité rassurante. Tu contribuais à construire celles dont nous avions besoin. Tu savais à merveille mettre de la chair politique autour des chiffres pour leur conférer une dimension conforme à notre engagement.
Tu ajoutais en toutes circonstances ces pointes d’humour qui te permettaient de fendre l’armure d’une certaine austérité apparente. Tu alliais, l’élégance du propos à la malice d’une saillie percutante dont tu te régalais à l’avance. Tu fus, pour l’équipe du Conseil départemental de Gironde, un Mousquetaire fidèle et combatif en toutes circonstances. Un Mousquetaire loyal et fidèle. Un Mousquetaire au cœur vaillant.
J’avais tenu à t’associer, malgré la maladie, au dernier rendez-vous de présentation de la notation départementale pour partager ensemble le plaisir que nous avions eu à l’obtenir. Tu étais heureux je le crois.
Tu as su, jusqu’à ton dernier souffle, rester fidèle aux valeurs essentielles qui t’animaient : la solidarité humaine constante, la fraternité partagée, l’émancipation réelle donnée par l’éducation, la rigueur compatible avec l’humanisme, le doute intelligent qui permet de progresser, l’intransigeance sur les fondements d’une société de progrès? la coopération entre les hommes de bonne volonté.
Assailli de tous côtés par ce mal pernicieux que l’on semble oublier dans le contexte actuel, tu as témoigné d’une résistance farouche conforme à ton caractère : jamais une plainte, jamais autre chose qu’une impressionnante confiance dans ta capacité à résister face à cette maladie qui dévorait ton énergie.
À chacun de nos entretiens, tu alternais depuis des mois entre une lucidité glaçante sur ton sort et l’espoir que la science te permette de tenir le plus longtemps possible. Arnaud tu as mené le combat le plus exigeant d’entre tous avec une détermination et une résilience exceptionnelles.
Mon amour pour Pagnol me permet de te citer ce constat : « Telle est la vie des Hommes. Quelques joies vite effacées par d’inoubliables chagrins. Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants ! » Je le pense sincèrement. Aujourd’hui je garderai de toi ton sourire, ton regard lumineux, ton allure élégante et simple.
Alors Arnaud, mon camarade des chiffres et plus encore des valeurs notre chagrin est profond, douloureux et durable. Ma reconnaissance, mon affection, mes pensées durables t’accompagnent dans cette éternité où on ne compte plus mais où on peut survivre longtemps grâce à la force des esprits qui conservent les souvenirs de vous. Je ne t’oublierai pas.
HASTA SIEMPRE JACKY
L’annonce par le canal des « anciens » du service des sports de Sud-Ouest de la mort brutale de Jacky Sanudo, encore journaliste grand reporter à Sud-Ouest il y a quelques mois, m’a glacé d’effroi. Jacky, ce garçon un brin réservé qui au début des années 80 appartenait à la longue liste des « stagiaires » d’été qui ont découvert l’ambiance à la Audiard d’une rédaction hors du commun est en effet brutalement décédé.
La gentillesse même, l’intelligence personnifiée et un talent d’écriture qui lui vaudra de franchir tous les échelons au sein du journal. Il l’avait quitté volontairement pour se consacrer à la traduction. Il était ainsi : entier et toujours à la recherche d’une liberté sans laquelle il ne pouvait pas réellement vivre.
Sa tignasse brune Son cheveu brun révélait ses origines espagnoles auxquelles il était viscéralement attaché. Issu de la minuscule communauté des Hurdanos dont Luis Bunuel avait tiré un film (1). Jacky était imprégné de ces racines venant d’une population qui avait fui des persécutions pour se réfugier en Estrémadure loin de tout, ignorés, oubliés.
Jacky parlait le basque et aussi leur dialecte où subsistaient des accents et tournures de phrases peu connus ailleurs. Un enfant de l’immigration sachant d’où il venait et prenant la vie avec humour, parfois dérision mais une joie sincère et communicative. Prompt à l’indignation ou à la révolte il ne supportait pas l’injustice et le faisait savoir.
Malgré l’écart d’âge tous deux affectés au suivi des grands événements couverts par les envoyés spéciaux nous avons partagé des moments inoubliables qui meublaient nos rencontres-souvenirs autour d’un verre de rosé. Jacky, journaliste scrupuleux, précis, soucieux de mettre toujours les faits dans leur contexte humain avait acquis par sa disponibilité, sa rigueur intellectuelle, son écoute et son style, une place de choix dans la profession. Il avait d’ailleurs consacré une part de ces dernières années à des reportages destinés aux prix Albert-Londres.
Il adorait le terrain et la découverte. Il ne laissait jamais sa place dans les moments essentiels qu’étaient les bordées soirées où c’était les copains d’abord. Jacky était une belle personne qui n’a jamais laissé indifférents celles et ceux qui ont travaillé avec lui. Jacky a bouclé l’article consacré à sa vie et a refermé brutalement les pages d’une existence trop courte. Salut Jeff de ma part. Hasta siempre Jacky
(1) Le peuple sans pain
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Jeff « El Jefe », Angelo, Patrick « l’Espagnet » de Grignols, et maintenant Iñaki… Les doigts de la main vont bientôt me manquer pour compter mes amis de la rédaction sportive de cette « décennie des Lumières » (années 1980) aujourd’hui disparus. Et je pense à Brel, à deux chansons en particulier, en ce matin blafard qu’on aurait peint en jaune Ricard ou en rosé de Provence si les précités ne manquaient pas à l’appel. Ils auront seulement un peu de retard ou, peut-être, n’auront-ils pas entendu sonner la cloche déclenchée par M. l’instituteur.
En les attendant, j’écoute « Jeff » et « La chanson de Jacky ».
Si je n’ai pas eu le bonheur de connaître Jeff j’ai eu celui de lire les articles de Jacky sur cette pénible histoire de mon premier/deuxième pays… Et je mesure à l’instant que j’appartiens au clan de Joséphine, la première des trois à nous avoir abandonnés : ‘J’ai deux amours… l’Espagne et la France ». Je mesure ma richesse. Je vous dis « ¡hasta pronto! »…
Excusez-moi de revenir si tôt. L’émotion ou l’empressement m’a conduit à ne pas faire la contrepèterie qui avait cours dans les dédales de « Sud-Ouest ». Je voulais dire au sujet de l’un des amis disparus: « L’Espagnol de Grignet ».
@ christian,
J’avais un ami qui pronostiqué le tiercé. La dernière page du sud ouest
faisait apparaître son visage puis plus rien. Que sait il passé ?
Merci
Si tu parles de Gérard Liskawetz, j’ai appris qu’il était – hélas! – lui aussi récemment décédé.
Non Christian, ce n’est pas lui
Robert Ducoum?
Jean-Christophe Pomade ?
Lacoste ?
@ à Jean-Marie
Je note ta présence-lectrice avec grand plaisir !
Bonsoir Monsieur,
C’est effectivement un des 3. Je ne sais plus lequel.
Merci bien et bonne nuit