En quelques heures passées loin du Fort de Guingasson, Choupinet a voulu se créer une image de sauveur des peuples en détresse. Il souhaitait ainsi mettre un point d’orgue à une période de vacances manquant d’originalité et de souffle. Que du traditionnel ! Il a fallu qu’il se glisse dans un costume célèbre pour trouver une vraie raison de mobiliser l’attention générale. En conjuguant le « je vous ai compris ! » et le « vive (votre pays) libre » il avait, pensait-il, marché dans les pas d’un général outrepassant les us et coutumes diplomatiques. Il était entreé dans l’Histoire. Les images survivraient au temps.
Cette volonté manifeste d’aller soigner les misères des autres a contrasta fortement avec le refus de prendre en compte la réalité nationale. Une diversion particulièrement opportuniste qui lui a permis d’illustrer le principe voulant que le malheur des uns puisse faire… le bonheur des autres ! Le rythme de la vie au Fort a vite repris le dessus à l’abri des imposantes murailles et dans un huis-clos imposé par la sécurité.
Le dernier jour avant le retour vers les obligations prend alors une importance particulière. Le prof de lâcher prise avait d’ailleurs donné la leçon : « Les plus beaux jours des vacances c’est ceux qui précèdent le départ parce qu’on les imagine, on les conceptualise. Elles sont à consommer. Dès qu’on a mis un pied dans le lieu choisi c’est fini puisque on sait qu’elle auront une fin. c’est pariel pour vous !» Choupinet avait beaucoup apprécié cette pensée qu’il avait transformé illico en principe politique.
« Quand on souhaite accéder à un pose important, le meilleur c’est la campagne électorale et le jour où l’on gagne. Dès le lendemain il faut penser à sa réélection et on oublie tout ce qu’il y a eu avant » La doctrine lui convenait. L’échéance de son engagement se profilait à moins d’une vingtaine de mois. Désormais rien ne compterait à part ce qui pourrait d’une manière ou d’une autre, favoriser son maintien aux affaires.
En beurrant sa tartine de pain bio façon artisanale, il songeait à cette couche de milliards qu’il lui faudrait injecter pour effacer la disette qui se prépare. D’ailleurs la cause semblait bien mal en point puisque la seconde vague perturbatrice se profile chaque jour davantage. Avec ou sans masque selon le contexte et l’intérêt de la démarche il lui faudra probablement louvoyer afin d’éviter l’écueil d’un nouveau confinement généralisé. Il tenta de deviner dans le fond de sa tasse de café vide quel serait son sort.
Choupinet grand amateur d’expresso avait en effet décidé de prendre des cours de cafédomancie sur internet. Une discipline très méconnue mais qui permet chaque matin de tenter de prévoir ce que sera la journée. Il avait acheté un bouquin qui répertoriait les interprétations possibles des taches laissées dans le récipient en porcelaine de Sèvres par le liquide avalé à petites gorgées.
Cet art divinatoire, apparu en Europe au XII ème siècle (Hongrie et en Allemagne). Cette pratique est aujourd’hui très répandue surtout au Moyen Orient et il avait sollicité les conseils d’une libanaise venue spécialement lui prêter main forte avant la rentrée. Elle avait bénéficié d’un avion gratuit.
Le cuisinier n’avait pas compris pourquoi de retour de son périple sur d’autres rives de la Méditerranée que celles de Fort Guingasson, il avait demandé que l’on fasse bouillir directement dans l’eau du café moulu. On lui en servait une tasse chaque matin qu’il buvait du bout des lèvres afin de laisser le marc se déposer à sa guise sur le fond. En ce matin de fin de vacances et donc de départ pour le marathon d’une campagne électorale difficile il avait pris une grande tasse.
La cafédomancienne scruta les dessins abandonnés par le breuvage spécial au fond de la tasse. Elle osa révéler l’avenir à un Choupinet impatient en le prévenant qu’il n’aurait pas droit à recommencer l’expérience. « Je vois d’abord peu de cercles ce qui signifie que vous allez rencontrer dans les prochaines semaines des difficultés financièrespas grave ! se dit le vacancier je laisserai mes collaborateurs se débrouiller. Je les ai mis en place pour ça ! Et le reste ? » demanda-t-il à haute voix
– je distingue aussi nettement une forme de serpent et ça ce n’est pas très bon : c’est signe de trahison ! » Choupinet songea que son ex-pote François avait du en voir beaucoup dans ses tasses du petit-déjeuner. « Il va falloir que je me méfie d’Eduard et que je l’ai à l’œil ! » murmura le patient.
La cafédomancienne essaya de déceler un petit signe positif dans ke fond de cette dernière tasse de vacances. « Enfin vous avez, superposé au reste, un losange ce qui signifie un grand bonheur en amour. »
–oui d’accord… mais c’est pas là l’essentiel ! Les élections ? je vous ai fait veir pour les élections…
– Je ne vois rien de précis avoua la voyante. Il vous faudra attendre l’an prochain et boire beaucoup de café ! Je repasserai vous voir ! Mais tout dépendra d’une blonde. c’est tout ce que je vois!»
L’arrivée de la gouvernante stoppa net l’entre tien. « Que fais-tu ? Je t’attends pour les valises. Nous allons être en retard. On laissera pas mal de vêtements ici car on y reviendra encore quelques jours la semaine prochaine. Mon Choupinet, les vacances sont terminées. On rentre au château… Finis ton café ! »
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Bonjour Jean-Marie depuis Pertuis, Porte du Luberon.
Certes, la critique est aisée, et l’art est ….
N’oublions pas l’aide que chacun d’entre nous peut apporter à Beyrouth et aux Libanais.
Amicalement
Gilbert SOULET
Le récit n’est rien d’autre que l’image d’une triste réalité : les soucis quotidiens des Hommes Politiques sur leur futur, pas sur celui des âmes dont ils ont la charge………