Le 24 décembre dernier dans une chronique vue par près de 20 000 lectrices et lecteurs je faisais part de ma désapprobation totale à l’égard de l’inscription dans la Constitution de la déchéance de nationalité pour les bi-nationaux et à fortiori pour les autres… Cette première prise de position d’un élu « socialiste » avait suscité un intérêt particulier de la part des médias malgré la trêve des confiseurs puisqu’elle s’assortissait d’une mise en congé du PS me permettant de prendre une liberté de parole sur un sujet mettant en cause les valeurs qui resteront toujours les mêmes. Elle m’avait également valu des sarcasmes, des commentaires ironiques, des attaques virulentes de la part de « camarades » confondant prise de position sur des principes et attaques du gouvernement. Etant je l’avoue frondeur de nature et plutôt enclin à préférer ma conscience aux consignes dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres et depuis toujours j’ai tenté de démontrer que ce choix réputé « présidentiel » (mais d’après mon enquête personnelle j’en doute) se révélerait suicidaire car inefficace, inutile et dangereux. Des centaines de personnes m’ont soutenu, encouragé, félicité par les réseaux sociaux, de vive voix ou par courrier avant que la contestation prenne son envol.
Par pur calcul politicien qui voulait piéger la Droite pour obtenir une décision le plaçant comme susceptible de réaliser en 2017 une formule d’union sacrée contre la guerre terroriste. Le combat était perdu d’avance même si paradoxalement le meilleur allié de cette stratégie a toujours été… Nicolas Sarkozy pour des raisons d’image le plaçant en « partenaire » potentiel pour les présidentielles du Président sortant. L’insistance suspecte de Manuel Valls à vite cristalliser les positions de telle manière que tout désistement élyséen devienne impossible a contribué au désastre. Et l’occupant de Matignon a encore hier démontré cette volonté de conduire le projet absurde de l’Elysée à l’échec.
Hautain, amer il a fait la leçon aux sénateurs de droite comme s’il avait le pouvoir de peser sur leurs décisions. Au Palais Bourbon où les désignations dépendent en grande partie de l’exécutif le chantage au désaveu présidentiel mettant en péril les futures législatives (les 3 partielles viennent de le démontrer) est plus productif mais au Palais du Luxembourg… passé à droite on se moque pas mal de ce type de manœuvre. « À l’Assemblée nationale, nous avons cherché et construit un accord. Au Sénat, vous ne l’avez pas cherché, avec personne! Et je m’en étonne. Vous refusez ainsi le principe d’un accord avec l’Assemblée nationale. Et vous le savez, votre proposition ne sera jamais adoptée par une majorité de députés», a accusé le premier ministre avec un mouvement du menton agressif. Il a poursuivi sans barguigner: «L’amendement adopté par votre commission des lois prend le contre-pied du consensus. Je ne vois pas là de respect de la parole du président de la République.» Manuel Valls, qui s’était efforcé de calmer la fronde montante au sein du groupe socialiste de l’Assemblée en proposant in fine que la déchéance de nationalité puisse être prononcée contre les terroristes mono comme binationaux, a reconnu devant les sénateurs que la nouvelle rédaction de l’article 2 avait été le fruit d’un consensus «difficile, parfois douloureux, dans ma propre famille politique». Mais en prenant la majorité sénatoriale à rebrousse-poil, le chef du gouvernement sait qu’il prend le risque de faire échouer l’ensemble de la réforme, puisqu’un accord sur la version sénatoriale de l’article 2 est de son point de vue impossible. C’est ce qu’il veut : planter le Congrès et contraindre Hollande à un nouveau recul qui le discréditera définitivement. Et c’est acquis.
La Droite se retranche derrière un fait simple : nous étions décidés à voter la proposition du Président mais rien que la proposition du Président or vous ne respectez plus la déclaration de Versailles ! ». Cette prise de position rend la déclaration de Valls intenable puisqu’il est accusé avec des sourires narquois de trahir la parole présidentielle alors qu’il ne pourra jamais obtenir de majorité des 3/5° sans soutien d’une bonne partie de la droite. On en arrive au sein du groupe PS à chercher à se compter sur des amendements. A la manœuvre Marie-Thérèse Lienemann et le groupe des sénateurs parisiens à la recherche d’une nouvelle désignation pour le prochain renouvellement de la Haute-assemblée. Le combat est donc totalement perdu et mardi prochain lors du vote final quel qu’il soit il mettra François Hollande dans une nouvelle situation intenable puisque le texte sénatorial ne pourra jamais être adopté par l’Assemblée nationale.
Le Président du groupe PS est aussi inquiet de la fronde interne à son groupe, puisque 34 sénateurs PS (sur 109), dont les Girondins Alain Anziani et Philippe Madrelle (loin d’être des frondeurs) ont cosigné un amendement de suppression de l’article 2. En séance, Éliane Assassi et Pierre Laurent (PCF), Esther Benbassa (Verts) ont à nouveau exprimé leur opposition à cette révision constitutionnelle. Le patron des radicaux de gauche, Jacques Mézard, a aussi jugé ce projet «inutile et délétère». Alors autant dire que ma position du 24 décembre… me permet de penser que je n’ai pas cru au Père Noël ! Un vrai gâchis ! Une gabegie angoissante ! Un échec aussi désastreux que prévisible !
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Merci l’ami, de mettre ta connaissance des rouages des Chambres du parlement, de l’exécutif (et du PS en général), au service de l’information sincère et véritable (« libre et non faussée » dirait Juncker) sur les manœuvres du petit Iznogoud de Matignon.
Bravo pour ton courage politique et le respect de ce qui a disparu: les valeurs républicaines
On se demande bien ce qui passe par la tête du citoyen Valls, ou plutôt on ne se le demande pas …..
J.j Bonjour,
Manuel Valls est une élite, il pratique sa politique des élites.
Bonne fin de journée.
Bernadette : J’ai pris conscience du personnage Valls, lors des primaires socialistes, avant je ne l’avais pas vraiment remarqué.
Comme on dit, la première impression est la bonne, et comme ajoutait Henri Jeanson, « souvent elle est mauvaise ».
A l’énoncé de son programme, j’ai pensé que c’était un arriviste de droite qui n’avait rien à faire dans un parti supposé de gauche.
Je constate que je ne m’étais pas trompé.
Bonne journée
Et oui tu as eu raison et tu peux en tirer de la fierté . Valls est en première ligne (un peu seul) pour assumer un positionnement auquel il n’était pas étranger (peu être initiateur ?). L’arroseur arrosé en quelques sortes…pour avoir placé son destin entre les mains du Medef et de la Droite. Macron occupe le terrain…et observe.
Que d’errements ! Que de temps perdu ! Quelle gabégie ? On va espérer mais c’est un exercice difficile. Amical salut.