Peut-on être sûr de connaître les compétences des nouveaux conseils départementaux avant l’ouverture de la campagne électorale pour les élire ? Une première étape a été franchie avec un vote de la majorité de droite du sénat qui a adopté la loi dite Notre (Nouvelle organisation territoriale de la République). Il s’agit d’un vote en première lecture et donc encore pas très assuré car l’Assemblée nationale va vite détricoter ce que le Président de la Haute Assemblée explique avoir « ordonné et enrichi ». 192 sénateurs, majoritairement de droite ; ont voté pour ce texte qui prévoit d’attribuer aux régions l’économie, aux départements la solidarité, et au bloc communal les services publics de proximité. La gauche, c’est-à-dire les socialistes, les écologistes, les communistes et une grande majorité du RDSE (à majorité PRG), s’est abstenue. Il ne faudra pas après ce résultat que les candidats de droite s’indignent sur les estrades du mille-feuilles territorial ou qu’ils aboient contre les compétences données au département. Mais il est vrai qu’ils partent de loin puisqu’en Gironde le meilleur d’entre eux Alain Juppé avait tout simplement déclaré au Journal du Dimanche il y a moins d’un an (mai 2014) : « Je milite pour la suppression des départements depuis 1998. À l’époque, ça m’a valu une remontrance de la part de Jacques Chirac qui, en bon Corrézien, était un farouche départementaliste. » Mis visiblement les sénateurs de Droite ont un avis nettement différent du sien et il sera intéressant de savoir ce qu’il va dire maintenant aux cotés des candidats qu’il parraine dans la campagne en Gironde.
« Ce texte n’est plus celui du gouvernement », a en effet estimé le président du groupe UMP « Le choix du Sénat est clair », a-t-il dit: « D’abord, c’est celui de la proximité ». « Nous avons dit oui à des régions fortes. Obèses non », a poursuivi l’élu de Vendée. « Cela appelait le maintien des départements, dans leur double vocation de solidarité sociale et territoriale. Nous n’avons pas voulu que la région se fasse au détriment de l’intercommunalité et des métropoles », a-t-il ajouté.
En définitive l’appétit des ogres régionaux a été contenu et par miracle les collèges, les routes et les transports scolaires restent de la compétence départementale en attendant que quelques socialistes tentent de les renvoyer vers le giron régional. Des schémas prescriptifs, la filière économique renforcée, la recherche, l’innovation, une grande part de l’environnement deviennent les grands axes nouveaux des pouvoirs régionaux.
Le sort des départements a été réglé. Ils restent les piliers de la « solidarité humaine et territoriale » ce qui traduit une volte-face incroyable de l’UMP qui avait promis leur dissolution dans les lois antérieures. Même parcours pour les sénateurs EE-LV qui par leur abstention n’ont pas remis en cause l’existence des conseils départementaux qui voit préservé leur rôle de solidarité avec les plus fragiles et de soutien technique aux communes, Le seuil des intercommunalités que le gouvernement veut fixer à 20.000 habitants a sauté et on prévoit que l’Assemblée reviendra sur ce point…même si les députés qui le défendaient ardemment en préconisant des macros-Communautés de Communes commencent à battre en retraite !
Les évolutions sont très éloignées des déclarations enflammées d’il y a plusieurs mois.
On s’aperçoit que le gigantisme des « provinces » nécessite un échelon intermédiaire de proximité notion essentielle dans une période ou un canyon sépare le peuple de certains de ses élus. La République ne repose plus que sur ce principe qui fait des maires les références en matière de responsabilité élective. Le conseiller général arrivait en seconde position alors que les autres élus sont considérés comme éloignés du terrain et de ses réalités.
J’ai à maintes fois pris des positions peu favorables à ces lois strictement théoriques et je reste très méfiant sur la suite qui sera donnée au texte adopté avec le vote favorable de la Droite, l’abstention positive des autres groupes et seulement une quinzaine de votes négatifs. Je crains vraiment que l’on revienne sur des principes simples :
– la cellule de la démocratie française reste la commune;
– l’outil de mutualisation volontaire entre les communes reste les communautés de toutes tailles selon les bassins de vie avec effacement progressif de tous les syndicats intercommunaux par transfert des compétences vers les CDC;
– les départements restent les supports de la solidarité humaine (sur tout le territoire) et de la solidarité territoriale hors métropoles dans les domaines fixés par délibération de compétences sur la base de la proximité;
– Les régions prennent en charge l’éducation (lycées et universités), l’environnement dans sa totalité, les filières économiques, les liaisons avec l’Europe, la mobilité interurbaine et de portée régionale, les schémas généraux de développement (grands équipements sportifs, touristiques, culturels, de santé), la recherche et l’innovation…
Le tout s’accompagne d’une délégation définitive des services de l’Etat aux collectivités concernées et d’une réforme totale de la fiscalité locale !
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