Bien noté : les agences se foutent de nous !

J’ai cru rêver ce matin lors d’une réunion d’une grande banque dite mutualiste qui présentait les avantages de l’entrée des collectivités territoriales et des établissements publics sur les marchés obligataires. Entendre les meilleurs spécialistes des marchés financiers expliquer, avec force graphiques, que la France avait les collectivités globalement les mieux gérées d’Europe si ce n’est du monde, et que leur situation attirait les investisseurs avides de placements sûrs, relevait de l’inimaginable. Malgré les ravages causés par un gouvernement UMP strictement démagogue, elles arrivent à tenir le choc.

D’abord, il a été admis, preuves à l’appui, qu’elles n’avaient pas un niveau d’endettement pouvant pénaliser le pays dans sa course effrénée à la réduction de ses emprunts. « Elles portent 73 % de l’investissement public, et elles le font avec seulement 10,5 % de la dette globale. Alors que l’État, avec 90 % de cette même dette, ne réalise que 5 % des investissements ». Ce constat d’un expert va à l’encontre de toutes les affirmations péremptoires d’un Président-candidat et de ses sbires locaux, qui passent leur temps à taper sur les communes, les départements, et plus encore les régions qu’ils…ne dirigent pas ! « La situation n’a rien d’alarmant et elle n’entre pas en ligne de compte dans les appréciations des investisseurs. En plus, en dehors de quelques cas particuliers, cet endettement ne comporte aucun véritable risque puisqu’ il est garanti par le fait que, non seulement les collectivités ont les moyens de l’assumer, mais encore leur gestion doit être équilibrée avec en plus de l’autofinancement. Il y a eu un amalgame entre les dettes souveraines et celles utiles à l’économie des communes, des intercommunalités, des départements ou des régions » Quel plaisir d’entendre quelqu’un « ne faisant pas de politique » confirmer simplement que le gouvernement actuel triche avec les réalités pour dissimuler ses erreurs manifestes !

Ensuite, il y a eu ce grand moment d’explication de la nocivité avérée des agences de notation ! Là encore, le discours tenu permettait de penser que cet intervenant reconnu par tous les organismes officiels, dont celui qui…contrôle les agences avait pris fait et cause pour… Jean-Luc Mélenchon. « Elles lèsent volontairement les collectivités territoriales françaises avec des critères totalement déconnectés de la réalité, mais inspirés par leur références venues des Etast-Unis. Il faut leur mettre la pression en utilisant les règlements européens, les menacer de faute professionnelle et donc de dénonciation auprès de l’Esma autorité européenne des marchés… Il existe un article 8-3 des règlements européens en la matière, qui peut leur valoir le retrait de l’agrément en cas de faute professionnelle avérée dans une notation, mais personne ne l’utilise. Il faut se battre contre leurs appréciations et obtenir, comme c’est le cas pour le groupement des CHU, une notation qui corresponde à leur situation réelle. » On sent même percer dans les propos des doutes sur l’assassinat de la Grèce et de l’Espagne.

« Les critères des notations ne sont pas les mêmes aux Etats-Unis et dans le reste du monde. Après une vigoureuse protestation des sénateurs américains, les agences ont remonté les évaluations des collectivités américaines de trois crans ! » Une avalanche de mises au point, étayées par des preuves irréfutables, comme la différence de notation entre EADS et Boeing, ou celle de l’état du Texas, pour lequel on annule des milliards de dollars de dette par un coup d’éponge magique… ou l’Unedic en déficit qui bénéficie simplement de la garantie « explicite » de l’État alors que pour d’autres structures elle n’est considérée que comme « implicite » . En définitive, la morale de cette prestation décapante d’un banquier c’est « faites nous confiance et nous allons nous charger de vous décrocher une bonne note. N’ayez pas peur nous avons les moyens de négocier ce qu’il vous faut pour entrer sur le marché obligataire ». Comment croire dans tous ces salamalecs faits sur le « trésor de la France », ce AAA qui a coûté très cher et que l’intervenant prévoit déjà de le dégrader encore dans les prochaines semaines, quel que soit… le Président ? Les manipulations venant des Etats-Unis et des spéculateurs propriétaires des agences de notation prennent alors un relief particulier.

Enfin, il faut s’accrocher à son siège pour ne pas bondir quand l’autre démonstration débute par une annonce nette et sans bavure : « les banques vont considérablement diminuer leur en cours de prêts classiques vers les collectivités, faute de liquidités. Si vous ne passez pas dans les 3 ans qui viennent par le marché obligataire, vous ne financerez plus vos investissements… ». C’est parti : le réseau des structures publiques françaises va emboîter le pas à celles d’Allemagne, des Etats-Unis, qui se financent quasiment pour la totalité de leurs besoins via l’émission d’obligations. En résumé, ce sera à prendre ou à laisser, et il faut s’y préparer. Et tout de go, l’experte annonce que l’Agence de financement des collectivités locales ne verra pas le jour de sitôt, puisque l’État ne veut pas garantir ses emprunts.

En fait, la « politique » ou la « gouvernance » ne seront plus jugées pas les électrices et les électeurs concernés mais par S & P , Moody’s ou Fitch dont il a été rabâché qu’elles n’étaient ni impartiales , ni transparentes, ni indépendantes… politiquement ! Outre la transparence dans la méthode de notation, l’Esma a mis en avant plusieurs domaines d’amélioration, notamment en matière de publication des notes. L’autorité, qui a notamment passé en revue les notes des banques et des obligations souveraines sur les 12 mois au 31 octobre 2011, ajoute qu’elle donnera une suite à son rapport d’ici la fin du premier semestre. Selon l’Esma, il y a des cas où les raisons ayant conduit à un changement de note ne sont pas consignées de façon adéquate. Des traces écrites, en bonne et due forme, des discussions du comité de notation d’une agence, ayant abouti à la décision d’un changement de note, sont nécessaires pour montrer que l’agence a agi après une « analyse approfondie« , ajoute l’autorité. « Je vous conseille de demander au Sénat français de remettre de l’ordre dans le monde des notations en convoquant les responsables », lance l’éminent expert bancaire. Je suis abasourdi… et je mesure encore plus l’ampleur des manipulations. Je me lève. Je sors des salons feutrés et cossus de Pape Clément pour une douche froide d’avril… Et pendant ce temps, le guignolo UMP fait du gringue aux malheureux déboussolés du FN, victimes de ses errances ! Je cauchemarde !

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