Il fallait bien qu’une surprise vienne pimenter les premières rencontres de la Coupe du demi-monde du rugby. Les Fidjiens ont renversé avec méthode et une farouche volonté des Australiens incapables de hausser leur niveau de jeu. Un peu moins brouillons qu’à leur habitude et surtout osant à bon escient, les barbus du Pacifique se sont mis les Wallabys dans la poche. Multipliant les offensives dès qu’un espace se présentait, témoignant d’un pragmatisme inédit et surtout affichant une solidité collective inédite ils ont allié audace et résistance collectives. C’est dans le fond le résultat de l’espoir pour ces équipes que l’on affirme incapables de renverser les pronostics.
Les Portugais auraient mérité un meilleur sort et même s’ils ont réussi à mettre les Gallois sur des « chardons ardents », ils ne sont jamais parvenus à tirer bénéfice de leur fougue. Les Lusitaniens évoluant pour la très grande majorité d’entre eux en Pro D 2, ont longtemps soutenu la comparaison avec des adversaires puissants mais dénués de toute imagination. Sans cesse à la relance, déployant une louable énergie pour tenir face à un quinze du poireau qui aura du mal à museler des Australiens déjà dos au mur.
Il manqué globalement aux Portugais la puissance car les cannes ils les avaient. Leur arrière Sousa Guedez, formé au rugby à sept a placé quelques banderilles qui étonnèrent des Gallois très conventionnels. L’impression que bien des équipes du Top 10 dont la France, laisse justement dans leurs actions. Ça respire la répétition, les enchaînements travaillés comme le font les bons élèves avec les tables de multiplication. Le rugby de l’hémisphère bord a un coté mécanique dont on se lasse très vite. La prise de risque, la folie loin d’être furieuse manque au jeu des collisions. Les Fidjiens ont réussi là où les Lusitaniens ont échoué.
Le Portugal a vite perdu ses complexes qui a paralysé les Chiliens et les Tongiens. Face à la machine irlandaise parfaitement rodée ces derniers n’ont jamais été en mesure de rivaliser même si Fifita en trouvant une brèche a démontré que leur potentiel était au dessus de ce qu’ils ont démontré. L’équipe du trèfle possède des joueurs d’exception. Jonathan Sexton est de ceux-là. Impitoyable car susceptible à tout moment d’exploiter la moindre faiblesse du camp adverse, l’ouvreur aux pieds agiles a sans cesse mis la pression sur une opposition sans grande expérience.
C’est probablement son caractère de cochon, son exigence avec tout le mode sauf lors de ses troisièmes mi-temps et surtout sa promptitude à s’infiltrer grâce à des courses tranchantes qui le transforme en meneur de jeu indispensable. Il faudra des Bleus à leur meilleur niveau pour prendre le quart sans risquer de se fracasser sur l’écueil irlandais. Les Fidjiens tiennent avec leur demi de mêlée Simione Kuruvoli, buteur de haute précision avec un « cinq sur cinq » face aux poteaux, dans toutes les positions et toutes les distances, un sacré numéro. Tous deux prêchent par l’exemple une stratégie audacieuse, recherchant autre chose que de l’action collective programmée.
Même si le rugby reste un sport collectif pas essence, il a besoin d’une ou deux individualités susceptibles de perturber les défenses adverses par le caractère fantasque de leurs initiatives. Le public adore ces saltimbanques qui ne se contentent jamais de respecter les consignes. Certes ce n’est plus à la mode car la « gestion », la « rentabilité », le « réalisme » constituent les valeurs fondamentale de tout action personnelle. L’Australie et à un degré moindre la France peinent à sortir des sentiers battus. Jalabert, Penaud et surtout Dupont offrent parfois des éclairs de ce que l’on appelle le génie alors qu’il ne s’agit que de l’improvisation, de l’opportunisme ou de l’inspiration.
C’est vrai, comme le rappelait un fidèle lecteur de ces chroniques ce mot du demi de mêlée bitterrois qui savait ce dont il parlait, qu’il y a au rugby «il y a les déménageurs de piano… et ceux qui en jouent ».Les uns ne font que préparer le concert des autres qui ne sont pas tous des virtuoses. Les Fidjiens me paraissent les plus aptes à illustrer ce principe. Malgré quelques couacs, ils ne se contentent pas de répéter inlassablement des gammes ou des refrains connus. Solides dans le secteur du déménagement ils savent conquérir le soutien du public par quelques envolées n’étant plus lyriques mais efficaces. Il faudra s’en méfier car ce n’est pas pour rien qu’ils se sont installés durant la Coupe du Monde sur « le Mont des Lauriers » plus connu sous le nom de Lormont !
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Aussi longtemps que me viendront aux oreilles les bruits de la Coupe du monde de rugby, je resterai – tel Diogène – enfermé dans mon rat-fût en bois de chêne.
Avec un nom pareil, cette bourgade ne pouvait être choisie que par des virtuoses du ballon tond… mais pas que ! Une virtuose de la plume a elle aussi choisi ce lieu, non pas de façon provisoire mais définitivement.
Pam sur les doigts…
L’erreur est humaine… « du ballon ovale ».