La densification urbaine rendu obligatoire par toute une série de lois relatives à la concentration des habitations sur des surfaces réduites a des conséquences estivales inédites. En effet très nombreux sont les « demeurés » de l’été dont je fais partie, qui tentent de tromper la routine d’un quotidien non exotique en changeant leurs habitudes culinaires. Et c’est ainsi que la réchauffement climatique a dopé le recours à la grillade. Cette méthode de cuisson a nettement évolué au cours des décennies passées. Quand elle était réservée aux us et coutumes du milieu rural elle a été adoptée dans toutes les configurations d’urbanisme.
Griller permet de se donner bonne conscience. D’abord en raison des recommandations répétées en faveur d’une « ligne » préservée durant les vacances l’utilisation du passage de toute nourriture sur les braises ou une plaque adaptée au feu direct. Il faut ensuite admettre que la préparation du repas gagne en facilité et peut-être aussi en convivialité. Ces deux éléments donnent bonne conscience au maître-queue souvent masculin qui prend en mains une part des tâches ménagères. Une générosité qui ne servait en fait qu’à affirmer son talent et son autorité. A moins qu’il affirme comme bien souvent qu’il est le seul à savoir pratiquer cette cuisine plus complexe qu’on ne le croît.
Historiquement le « grilladin » se donnait un statut d’homme indispensable en dominant le feu et en maniant le gril. A même le sol, entre des pierres plates il déposait les fameux sarments ou les fagots nécessaires à la cuisson de la viande ou du poisson qu’on avait bien voulu lui confier. Tout ce qui paraît simple nécessite un talent accru. Tout paraissait simple alors que seule l’expérience permettait d’atteindre une cuisson parfaite sur un lit rougeoyant.
L’entrecôte par exemple ne souffrait pas d’être « bouillie » sur une braise trop faible ou « brûlée » si les flammes renaissent grâce à la graisse fondante. La viande de bœuf doit être saisie extérieurement, chauffée intérieurement sans être trop cuite. Une précision qui ne s’obtient qu’après une observation de l’intensité du feu et de l’épaisseur de la tranche à cuire. Durant très longtemps cet art de la grillade resta peu utilisé ou l’était lors d’agapes réservées aux copains.
Le gril robuste, muni d’une longue queue de préhension devint un outil de convivialité. Tout finit par se retrouver sur les sarments. Les anguilles, les longes de porc, les sardines, le thon, le tricandilles, les rôtis de bœuf, les saucisses sorties des carottes de graisse blanche, andouillettes …Chacun avait sa spécialité et sa recette mêlant échalotes, ail, persil et épices. Chacun avait sa méthode pour récupérer les sarments de vigne et les stocker. Un travail familial qui préludait à des séquences de partages campagnards de plus en plus oubliés. La gastronomie a inexorablement basculé de la simplicité vers la sophistication.
Le barbecue a détrôné le gril. Le charbon a pris le pouvoir. Tout le monde grâce à ces réceptacles où l’on pouvait faire feu de tout bois. Le sentiment de tisser un lien avec l’authenticité s’épanouissait autour de ce creuset aux vertus contestables. L’avantage résidait dans la possibilité de jouer au « grillatout » dans toutes les situations : camping, balcon, terrasse ou jardin ! C’est toujours le cas. Et l’été devient alors la saison des odeurs.
La cuisson à l’air libre embaume l’air du voisinage. Impossible de cacher le menu du jour. Dans le registre le plus facilement identifiable figurent les sardines et les tricandilles ! Un délice pour les papilles mais un redoutable signal olfactif que l’appartement ou la maison dans son ensemble ne supporte pas. Aucune effluve des grillades ne me rebute. Bien au contraire. Elles aiguisent mon appétit.
Désormais plus de bois car la science est formelle, sa combustion altère la santé. La plancha à gaz ou électrique sert de support à la cuisine estivale. Exit le sarment chargé des traitements chimiques des vignes (sauf si on en connaît vraiment la provenance) et interdiction des feux ouverts trop dangereux dans le contexte climatique actuel ont ouvert une voie royale à l’alternative au gril et au barbecue. J’ai adopté cette solution. Mais elle ne remplacera jamais la saveur particulière des grillades aux sarments de vignes ou aux ceps morts devenues très rares.
Tenez par exemple je vous conseille de choisir un joli rôti de bœuf, de le larder d’échalotes poivrées et salées (pas d’ail car c’est une hérésie) et de le passer au gril sur un joli brasier bien vif en le tournant soigneusement… Vous m’en direz des nouvelles !
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Sacré Jean-Marie qui fait remonter nos souvenirs d’enfance !
Au sujet de ces grillades et des sarments de vigne, je me souviens des cagarols ramassés avant la vendange en Languedoc du côté de Béziers-Capestang, que l’on grillait à même le sol ou sur une comporte retournée; On les piquait avec une épingle de sureté après les avoir appuyés sur du sel et les mangions avec un aramon.
Bonne journée à tous,
Gilbert de Pertuis
La GRILLADE… nom féminin « cannibalisé » par le masculin ! Et notre Jean-Marie en apporte aujourd’hui la preuve, laissant au féminin la tambouille journalière !
Je souscrirais bien volontiers à la leçon de mon maître, même en vacances, s’il n’avait oublié autre recette que j’ai apprise place du Vieux Marché à Rouen. Pour ça, je pose d’abord mes gril(le)s de mots croisés et je vous explique: vous dressez un bûcher dans votre jardin, deux pieds de Cauchon et hop! L’abbé CD de l’art culinaire en campagne dont nos amis anglais ont gardé un souvenir cuisant.
C’est surtout Jeanne qui en a gardé un souvenir cuisant…
Je n’aurai pas le front de vous rappeler la bataille de Castillon, terre martelée par mon instit’ quand il était short.
@ à mon ami christian…
Comme d’habitude… Monsieur nous laisse consulter… Google ! Et là… notre mémoire retrouve… la guerre de 100 ans, le 17 juillet 1453 et nos ennemis héréditaires les Anglais boutés hors de France… !
Buenos dias, Laurita mia. Recuerdos de « La Jeanne, ma Jeanne… » de Jojo le Sétois.
Estimado amigo Christian…
Estimado amigo Jean-Marie…
Après une dernière relecture… Je vous envoie « le gros paquet »… (nom de code).
@ à mon ami christian…
La cane de Jeanne
Est morte au gui l’an neuf
Elle avait fait la veille
Merveille, un œuf…
Le nôtre, nous sommes 2, c’est du lourd…
« Cette méthode de cuisson a nettement évolué au cours des décennies passées », ….ou plutôt depuis les temps préhistoriques, car ce fut, faut il le rappeler une grande découverte pour mulier erecta ou homo erectus.
C’est sans doute cette origine qui, inconsciemment, a permis à homo sapiens sapiens de reprendre le contrôle de la cuisson primitive, laissant à la femme plus compétente en ce domaine, l’univers complexe et élaboré de la cuisine contemporaine.
Quel plaisir de vous lire. Étant viticulteur bio donc de la campagne comment peut-on remplacer les grillades aux sarments de vignes par le gaz ou électrique voir le charbon. Le goût de la viande, l’odeur répandue et le plaisir de préparer la braise ne sont que du bonheur et surtout de la découverte gustative pour nos convives. Ceux qui souhaitent des sarments bio ou pieds de vigne avec grand plaisir.