Comme l’un des principes politiques de tous les pouvoirs qui se succèdent depuis des années c’est tout simplement celui que Régent le surveillant du pensionnat des choristes « Le Fond du Lac « applique au quotidien : « action…réaction ». L’oubli intégral de la fameuse phrase d’Emile Girardin voulant que « gouverner c’est prévoir » a accompagné au cours des deux décennies écoulées des gouvernements ballottés par les événements et pas nécessairement très anticipateurs. Le Parlement sert le plus souvent à redresser ou à atténuer ce que l’opinion dominante considère comme étant inadmissible ou essentiel à sa tranquillité.
Les textes (lois, décrets, circulaires normatives) pleuvent sur des sujets qui quelques semaines plus tard sont sortis de l’actualité et n’ont plus la même importance. La période de la pandémie a renforcé ce sentiment que les mesures annoncées n’ont aucune efficacité ou du moins l’auront peut-être quand le problème sera oublié. Les épisodes sur le virus « inoffensif », le masque « inutile », le parcours vaccinal « complet » avec trois doses puis quatre et certainement cinq ont détérioré la confiance. Ce qui est grave ne l’est plus quelques jours plus tard. Ce qui est fini recommence. Ce qui a été imposé disparaît et revient.
L’un des précurseurs de la « planification » (gros mot que les libéraux haïssent) ne fut autre que Michel Rocard. C’est bien lui en effet, secrétaire général de la Commission des comptes et des budgets économiques de la Nation qui, sous le pseudonyme de Georges Servet, avait publié en 1966 un rapport intitulé « Décoloniser la province ». Une anticipation de ce que Deferre mettra en place quinze ans plus tard et que l’on appela la décentralisation. Son ouvrage avait souligné justement de décalage entre un pouvoir central autoritaire déconnecté des réalités des territoires.
Pour Rocard « une tradition politique qui, des rois aux républiques, en passant par les empereurs, gouverne à l’intérieur par ses missi dominici, ses intendants et ses préfets en étouffant les pouvoirs locaux » constituait un vrai handicap pour la France. « La renaissance du dynamisme régional suppose la disparition de la tutelle de l’État et du préfet » ajoutait-il de manière prémonitoire.
Sans que personne ne la nomme encore comme cela, la deuxième gauche était née. Le propos du futur secrétaire général du PSU marquait, en effet, une rupture considérable avec les fondamentaux du socialisme hexagonal. « La gauche française a toujours été jacobine et centralisatrice, cependant que la droite se réfugiait dans le provincialisme, la méfiance vis-à-vis de l’Etat, donc du pouvoir central, donc de Paris », rappelait Michel Rocard alias Georges Servet. En 1981 il devint ministre d’État, ministre du Plan et de l’Aménagement du territoire sous les Gouvernements Pierre Mauroy I et II (1981-1983) et regarda Deferre et Mitterrand reprendre ses propositions !
Rocard anticipait (RMI, Nouvelle Calédonie, moralisation vie publique, CSG appliquée sur tous les revenus…) mais ce ce qui a constitué sa faiblesse. IL lui aurait fallu être dans le calcul, la vision à court terme et le saupoudrage de mesures circonstancielles pour répondre à la seule préoccupation du pouvoir : son maintien en place. Désormais la méthode a un peu changé avec soit la mise en place de numéro vert ou de numéro d’urgence ou de conventions, colloques ou commissions de manière à ce que l’émotion retombe. Et ce n’est pas Bayrou qui va bouleverser la donne libérale.
Si très rapidement des mesures structurelles différentes de celles de rustines (primes, annonces ne pouvant pas être mises en œuvre rapidement, franchise vis à vis des solutions) ne sont pas mises en œuvre, la situation va dégénérer dans les mois qui viennent. Urbanisme, ressources des collectivités, recentralisation du pouvoir, mobilité, rôle des communes : les sujets ne manquent pas pour causer des fractures irrémédiables.
Dans le secteur de la santé, du handicap, de la dépendance ; dans celui de l’éducation ; dans tout ce qui touche à l’alimentation ou à l’environnement il est urgent de lancer cette « refondation » dont le Président a parlé lors de ses vœux. La pénurie de médicaments démontrant par ailleurs, à cause de la montée de l’épidémie en Chine, l’urgence de modifier des stratégies antérieurs uniquement basée sur le profit au détriment de l’humain. La relocalisation demandera dans un système figé, complexe et castrateur des initiatives rapides.
Le choix s’est porté sur les retraites alors que l’échéance très discutée d’une possible difficulté est à une décennie. Les vraies raisons de cette option sont à chercher ailleurs que dans une démarche de sauvetage du régime de répartition. « Action… réaction » n’a plus de sens dans un monde qui change à une allure vertigineuse et surtout pas en 2023 où plus que jamais les contre-pouvoirs prennent de moins en moins de recul !
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Le slogan vaudrait-il encore? Un Rocard, sinon rien.
@ à mon ami christian…
Pour ceux et celles qui l’ont accompagné dans sa descente aux enfers…
Ce slogan vaut toujours !
Il est clair que les Français mais plus encore les politicards, ne veulent pas de personnalités comme Rocard, digne successeur d’un Mendes-France, qui étaient trop intègres …
Les deux se sont faits savonner la planche et ont du abandonner la partie.
Cela me fait penser à ce remarquable film intitulé « Le président » incarné par un Gabin au mieux de sa forme, qui , loin d’être une caricature, dépeint parfaitement les dessous de la politique au plus haut niveau, que ce soit sous la 4ème ou la 5ème République.
Allez, bonne journée quand même!
à mon ami Gilles…
C’est peu de dire que… » les politicards, ne veulent pas de personnalités comme Rocard… » Et n’oublions jamais que… » nous n’avons que les politiques que nous méritons… ! ».
Bien d’accord, Gilles, Michel Rocard et Pierre Mendès France étaient bien trop intelligents, honnêtes, montraient bien trop de bon sens pour réussir en politique.
Ils ne comprenaient pas, comme je me le suis entendu dire par un petit technocrate « le bon sens de l’administration ». (sic)
Cette chronique du jour réveille des souvenirs que je croyais enfouis à jamais… Mais « que nenni… ! » Ils attendaient là…Tels un cheval fougueux… Prêt à bondir au premier prétexte… ! » Merci Jean-Marie d’avoir évoqué cet engagement de ma jeunesse !
Je l’ai payé très cher… mais ne regrette rien ! Car tout regret est impossible… quand reste cette question qui se pose… « peut-on regretter d’être resté(e) fidèle aux valeurs transmises par des parents gardiens de cette République espagnole détruite par le fasciste Franco et ses sbires… » ?
Et pendant ce temps là… Le pape Benoit, passionné de football dont le maillot floqué du n°16 sera hissé aux murs du Vatican, a rejoint le roi Pelé. Son Eminence et sa Majesté sont attendus sur le terrain d’Eden Park pour un match de bienfaisance à l’attention des derniers croyants