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La noyade du visiteur inconnu du soir

C’est devenu un fait de société dont ne s’emparent pas nécessairement les autorités car il relève souvent de la sphère privée mais Santé Publique France vient de publier les premiers résultats de l’enquête qui recense toutes les noyades survenues depuis le 1° juin dernier. Les premiers chiffres indiquent qu’entre le 1er juin et le 5 juillet 2018, 257 noyades accidentelles ont été signalées en France métropolitaine et dans les DOM/TOM. Parmi les victimes, 50 sont décédées… Il ya en a une de plus depuis quelques heures. Un instant malheureux mais révélateur de la réalité de la vie collective. En effet, dans la nuit une personne est décédée dans une ville qui s’efforce d’offrir des possibilités permanentes d’échanges, de partages, de rencontres sans toujours rencontrer le succès ! Le soir du 13 juillet des centaines de personnes ont été au coude à coude lors d’une soirée familiale gratuite organisée conjointement par la municipalité et une association proposant des repas simples à des tarifs tout à fait abordables. Certes certain(e)s sont venus avec leur propre nourriture et leurs bouteilles en oubliant que l’action collective nécessitait un soutien simple via un sandwich ou un verre de bière au financement de cette opération mais l’essentiel était de… participer. Et il faut à la lumière de ce qui est arrivé dans une piscine, se poser la question essentielle du décalage qui existe entre une société volontariste luttant pied à pied contre le délitement du vivre ensemble (certains appelle ça la fraternité) et une société du renoncement qui ne repose que sur les apparences.
Figurez-vous qu’une famille se découvre sur facebook un «ami » avec lequel elle sympathise virtuellement. Un échange qui conduit ces gens à inviter leur « nouvel ami » à partager leur soirée ! Une nouvelle donne, une nouvelle approche des échanges entre individus via les fameux réseaux sociaux dont on connaît la fiabilité et surtout la profondeur des analyses généralement présentées comme étant essentielles au nouveau monde émerge. En un clic une invitation est lancée et le « copain » inédit accepte de faire le déplacement vers le domicile de ses hôtes. Une bien belle histoire qui mérite un arrosage particulier. Après plusieurs heures de « partage » le visiteur du soir décide, vers 2 heures du matin, de piquer une tête dans la piscine hors sol qui est à quelques mètres de là au milieu d’un ensemble immobilier où les ébats aquatiques nocturnes réveillent le voisinage et même au-delà. En un instant malehureusement « l’ami » coule à pic victime d’un malaise.
Pompiers, SAMU, gendarmerie, élus locaux se retrouvent au chevet de celui qui après des efforts déterminés des services de secours, voit son cœur repartir. Évacuation vers le CHU… et découverte des autorités présentes : ses hôtes ne connaissent pas du tout son nom et encore moins son adresse. Or il est indispensable de prévenir ses proches ou son entourage en raison d’un pronostic vital très réservé. Rencontré via Facebook et baptisé comme 3ami » potentiel depuis quelques heures il leur est totalement « inconnu »… Il faut quelques heures pour qu’avec divers recoupements les gendarmes arrivent à trouver un numéro de téléphone et un espoir de prévenir une personne de sa famille. Difficile à comprendre mais pourtant bien réel : les gens qui le recevaient ignoraient tout de lui !
On ne verra donc dans les statistiques noyades qu’un « accident supplémentaire » mais il y a derrière ce « fait divers » un véritable symptôme d’un illusion et d’un mal profond rongeant les liens entre les gens.
Se retrouver chez soi avec une personne, aussi sympa et agréable puisse-t-elle être, sans que l’on connaisse autre chose que son profil sur un réseau social, relève de la dévalorisation totale du partage social. Une forme totalement artificielle de société se développe à une vitesse alarmante et les vraies occasions de rencontre font de moins en moins recette. Un repas de quartier n’intéresse plus grand monde. Un concert de quelque nature que ce soit n’attire du monde que s’il est vanté médiatiquement. La finale de la Coupe du monde de football vécue par procuration déchaîne les superlatifs pour ses effets sur la cohésion sociale mais demain tout retombera comme un soufflet hors du four où il a été artificiellement bâti.
Les réseaux sociaux vont regorger de messages de victoire ou de désillusion ce qui permettra à bien des abonnés « ami(e)s » de se retrouver dans l’éloge dithyrambique ou la diatribe critique. Croire que le lien social en sera renforcé relève de la méconnaissance absolue de la réalité quotidienne. On en reparle dans un semaine… pas au bord de la piscine (si vous en avez une), ne m’invitez pas j’ai horreur de me « tremper » dans l’eau chlorée et autant dans l’eau salée !

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